79 - Vaincre et Convaincre

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26.06.2013 Views

LE HORS - LA - LOI Le discours du hors-la-loi - Mikhaël Bou'inein - s'insère dans le procès de constitution d'un pouvoir local à Zahlé à la fin de la «Ghalaba» ottomane, et avec l'installation du nouveau pouvoir français au Liban, (le Mandat). C'est Mikhaël lui-même qui s'emploie, au début de son livre, à nous situer avec une narration moralisante, le cadre historique de son discours au cours de la première guerre mondiale: «Je te remercie, O Dieu mon généreux créateur, de m'avoir gardé la vie sauve, et de m'avoir accordé la santé et la raison nécessaire pour raconter les horreurs que j'ai endurées et celles dont j'ai été témoin pendant la Guerre, et pour décrire l'oppression et la tyrannie atroces dont les Turcs ont fait preuve durant les années 1914 - 1918, ainsi que jusqu'en 1930, date à laquelle j'ai quitté ma patrie bien aimée, le Liban, pour le Brésil. Me voici maintenant en train d'écrire pour l'histoire afin que le proche, au même titre que l'étranger, s'aperçoive que Zahlé, la reine des villes libanaises connue depuis longtemps pour son hospitalité envers le voisin fûtce même injuste, n'a pas faibli pendant cette période difficile, à son devoir de protéger les victimes de la tyrannie exercée par les Turcs dans les pays arabes. C'est dans cette ville hospitalière et prospère que je suis né en 1888»(1). Le premier acte de constitution de ce discours s'insère donc dans le cadre de la réaction contre le «Turc» assimilé à l'oppression et à la tyrannie. C'est un invariable du discours minoritaire, le vis-à-vis de cette oppression est conçu à travers l'hospitalité, le courage et la bonté des gens dans sa ville natale, bonté s'enracinant dans les rapports sociaux qui caractérisent cette ville: «La population de Zahlé est composée de trois communautés religieuses connues pour leur courage dans les guerres et les conflits. L'histoire de nos ancêtres est toujours sujet de discussion dans les réunions des gens. Mais ceux qui ont traité des événements historiques de 1860 se sont sciemment employés à négliger et à faire oublier cette histoire afin d'éteindre la haine qui anime les esprits; que Dieu leur pardonne»(2).

La conscience immédiate du réel saisit le réel comme réparti en communautés religieuses. L'histoire «pratique», celle vécue et racontée par les gens dans leurs réunions, est doublée et cachée par une histoire écrite et idéologique faite par des professionnels de l'écriture, voulant faire oublier l'histoire réelle de la haine qui détermine les rapports de ces communautés entre elles. Le tournant historique auquel se réfère cette histoire réelle et spontanée est l'année 1860. En effet, la formation du pouvoir au Liban comme «Ghalaba» maronite unifiant l'entité libanaise sous l'égide de la «Ghalaba» ottomane centrale, est un long processus qui est passé par le transfert de la «Ghalaba» des Druzes aux Maronites. A la lumière de notre problématique développée dans le cinquième chapitre : le système liant les concepts de domination formelle et domination réelle du capital, de «Ghalaba» et d'hégémonie - système qui n'a de sens que dans une lecture historique - nous avançons l'hypothèse historique suivante: Avec l'intensification de la pénétration capitaliste occidentale dans l'Empire ottoman au début du XIXe siècle, le pouvoir central ottoman s'est de plus en plus affaibli, surtout à l'époque du Sultan Mahmoud II, et est tombé sous la domination formelle du capital occidental; ce mouvement a suscité la constitution d'un pouvoir local - celui de Mouhammad Ali en Égypte - pouvoir visant à réformer le pouvoir central ottoman afin de lui donner les moyens de résister contre la domination occidentale et contre la désintégration interne(3); ce projet profitant d'une conjoncture internationale favorable, s'est employé à unifier l'intérieur de l'Empire en assurant sa «Ghalaba» sur les pouvoirs locaux, tout en faisant jouer à l'Égypte le rôle de pôle d'unité dans le cadre de l'Empire ottoman. Ce mouvement coïncide et s'entremêle avec le passage de l'entité libanaise - dont le pouvoir ne peut être lu de l'intérieur de cette entité qui ne constitue pas une formation sociale - de la «Ghalaba» Druze à la «Ghalaba» maronite sous le règne de l'émir Bachir II.

La conscience immédiate du réel saisit le réel comme réparti en<br />

communautés religieuses. L'histoire «pratique», celle vécue <strong>et</strong> racontée<br />

par les gens dans leurs réunions, est doublée <strong>et</strong> cachée par une histoire<br />

écrite <strong>et</strong> idéologique faite par des professionnels de l'écriture, voulant<br />

faire oublier l'histoire réelle de la haine qui détermine les rapports de<br />

ces communautés entre elles. Le tournant historique auquel se réfère<br />

c<strong>et</strong>te histoire réelle <strong>et</strong> spontanée est l'année 1860.<br />

En eff<strong>et</strong>, la formation du pouvoir au Liban comme «Ghalaba»<br />

maronite unifiant l'entité libanaise sous l'égide de la «Ghalaba»<br />

ottomane centrale, est un long processus qui est passé par le transfert<br />

de la «Ghalaba» des Druzes aux Maronites.<br />

A la lumière de notre problématique développée dans le cinquième<br />

chapitre : le système liant les concepts de domination formelle <strong>et</strong><br />

domination réelle du capital, de «Ghalaba» <strong>et</strong> d'hégémonie - système qui<br />

n'a de sens que dans une lecture historique - nous avançons l'hypothèse<br />

historique suivante:<br />

Avec l'intensification de la pénétration capitaliste occidentale dans<br />

l'Empire ottoman au début du XIXe siècle, le pouvoir central ottoman<br />

s'est de plus en plus affaibli, surtout à l'époque du Sultan Mahmoud II,<br />

<strong>et</strong> est tombé sous la domination formelle du capital occidental; ce<br />

mouvement a suscité la constitution d'un pouvoir local - celui de<br />

Mouhammad Ali en Égypte - pouvoir visant à réformer le pouvoir<br />

central ottoman afin de lui donner les moyens de résister contre la<br />

domination occidentale <strong>et</strong> contre la désintégration interne(3); ce proj<strong>et</strong><br />

profitant d'une conjoncture internationale favorable, s'est employé à<br />

unifier l'intérieur de l'Empire en assurant sa «Ghalaba» sur les pouvoirs<br />

locaux, tout en faisant jouer à l'Égypte le rôle de pôle d'unité dans le<br />

cadre de l'Empire ottoman. Ce mouvement coïncide <strong>et</strong> s'entremêle avec<br />

le passage de l'entité libanaise - dont le pouvoir ne peut être lu de<br />

l'intérieur de c<strong>et</strong>te entité qui ne constitue pas une formation sociale - de<br />

la «Ghalaba» Druze à la «Ghalaba» maronite sous le règne de l'émir<br />

Bachir II.

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