79 - Vaincre et Convaincre
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grandes villes. Cette populace est essentiellement d'origine turque : et bien qu'elle gagne sa vie surtout en travaillant pour des capitalistes chrétiens, elle tient jalousement à sa prétendue supériorité et à l'impunité effective de tous les excès que le privilège de l'Islam lui permet d'exercer à l'égard des chrétiens»(9). La communauté des conquérants se juxtapose à d'autres communautés raciales ou culturelles et s'estompe même devant la communauté musulmane, vigoureusement soutenue par le pouvoir central. La «juxtaposition communautaire» subsista tant que le pouvoir central fut fort, son esprit de corps cohérent, son armée victorieuse et son économie prospère(10). Qu'est-ce qui faisait donc l'unité de ces mondes dispersés? Quel était le système autonome qui faisait fonctionner cette diversité sociale d'un même dynamisme interne qui résista longtemps à la domination capitaliste venant de l'extérieur? Quel est le secret de la «Ghalaba» ottomane qui faisait face à la «domination formelle» du capital occidental longtemps déjà avant le XIXe siècle? L'ampleur de cette conquête ne peut se comprendre que si l'on imagine, après elle, une administration qui l'assoit en liant la partie au tout, et une idéologie qui soude sa cohésion. Le succès de l'Empire ottoman est en même temps celui d'une armée liée à un appareil idéologique religieux, et celui d'une politique des nationalités dotée d'une administration adéquate. L'ordre idéologique: religion, justice, instruction. «Sur le tard, disait Mohammed Essad Bey, l'homme épouse volontiers une femme jeune. La veuve avancée en âge choisit de préférence un compagnon en pleine verdeur. Tel un parvenu conscient de ses infériorités, un conquérant remplit sa cour d'artistes et de savants, ses ministères d'aristocrates. Mais quand le conquérant s'éduque peu à peu, acquiert du goût et de la finesse, il prend, comme la veuve mûre, des barbares costauds à son service Alors commence d'abord le règne des esclaves, puis des prétoriens, et finalement, des maires du palais Jusqu'à ce que, la boucle étant bouclée, les barbares, les guerriers du désert-, soient de nouveau les maîtres du pays renversent le roi - fantôme s'approprient - la
couronne et se sentent alors des parvenus qui attirent l'ancienne aristocratie e recommencent le jeu(11). En effet, c'est au moment où l'Islam, né en Arabie et débordant avec le peuple arabe de toutes parts des frontières naturelles de la péninsule, s'étendit sur le monde méditerranéen et proche-oriental, s'emparant entre autres de l'Iran, que le premier contact s'est fait entre les Turcs et les Arabes. C'était un contact militaire. Mais l'entrée des Turcs dans le monde musulman ne se fit pas par la seule force de la conquête. Ils ne furent donc pas islamisés uniquement en vaincus, mais plutôt en mercenaires et en prisonniers. Dès que le «khalife» abbasside fut solidement installé, les Turcs vinrent s'engager dans les troupes du «khalife» arabe. Ces esclaves furent des soldats: ils se vendaient au «khalife» pour devenir mercenaires dans ses armées, et rapidement officiers et commandants de forces importantes à la hauteur de leur qualités guerrières remarquables. Une fois admis le principe de leur donner de hautes fonctions ils ne tardèrent pas à devenir de grands dignitaires de l'Empire abbasside, et gouverneurs de provinces avant de remplacer presque partout les gouverneurs arabes eux- mêmes(12). Ces turcs indifférents en matière religieuse n'avaient aucune raison de ne pas adopter; la religion de leurs maîtres et d'excellentes, au contraire de le faire: ils le savaient, il fallait ou combattre l'Islam ou le servir. Entre le IXe et le XIIe siècle les Turcs arrivèrent de plus en plus nombreux dans les terres de l'Islam. Les «Khalifes» abbassides les envoyaient en terre contre la Grèce infidèle, où des places riches étaient à prendre et, quand ils étaient vainqueurs, ils leur accordaient des fiefs(13). Les Turcs arrivaient en Anatolie en nomades; c'étaient des soldats et des bergers. Ils méprisaient les citadins et les paysans. Ils avaient comme cadre social la tribu. théoriquement, la tribu était musulmane, mais en fait, seuls les chefs avaient quelque culture coranique. Cependant très vite, une élite ne tarda pas à se dégager de la masse
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privilège de l'Islam lui perm<strong>et</strong> d'exercer à l'égard des chrétiens»(9).<br />
La communauté des conquérants se juxtapose à d'autres<br />
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communauté musulmane, vigoureusement soutenue par le pouvoir<br />
central. La «juxtaposition communautaire» subsista tant que le pouvoir<br />
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L'ampleur de c<strong>et</strong>te conquête ne peut se comprendre que si l'on<br />
imagine, après elle, une administration qui l'assoit en liant la partie au<br />
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idéologique religieux, <strong>et</strong> celui d'une politique des nationalités dotée<br />
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L'ordre idéologique: religion, justice, instruction.<br />
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volontiers une femme jeune. La veuve avancée en âge choisit de<br />
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Alors commence d'abord le règne des esclaves, puis des prétoriens,<br />
<strong>et</strong> finalement, des maires du palais Jusqu'à ce que, la boucle étant<br />
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