79 - Vaincre et Convaincre

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26.06.2013 Views

«Moumâna'a» sur le terrain de sa propre idéologie pratique et vécue. La «Moumâna'a» islamique de masse s'est caractérisée par la forte cohésion entre l'idéologie pratique (de masse) et l'idéologie théorique (intellectuelle) - cohésion représentée par le Cheikh - d'une part, et par la cohésion organique entre l'idéologie et la politique, le savoir et le pouvoir d'autre part. Cette cohésion est inhérente à la religion de l'Islam, étant donné que le rôle de l'intellectuel religieux (Cheikh) est étroitement lié au pouvoir, chez les sunnites, et pouvoir veut dire ici pouvoir du domaine de la paix et de la capitulation (Dar Al-Islam), qui est censé être juste (califat), tandis que l'intellectuel religieux de l'opposition chi'ite (Faqih) consiste à soutenir le pouvoir juste, et à se révolter contre le pouvoir injuste et illégal, même si cette révolte prescrite par la religion était théoriquement ajournée (Irjâ') dans l'attente du Mahdi prévu. Cette double cohésion, entre l'idéologie pratique populaire et l'idéologie théorique de l'intellectuel d'une part, le savoir et le pouvoir d'autre part - pouvoir dans ses deux aspects, pouvoir du vainqueur et anti-pouvoir du vaincu - cette double cohésion avait comme sujet un «intellectuel organique» au sens Gramscien: l'intellectuel religieux (Cheikh ou Faqih); la domination étrangère va de pair, à ce niveau, avec la dissolution de cette «Moumâna'a» moyennant la désintégration de cette double cohésion par le principe de la séparation entre la religion et l'État, le vainqueur occidental s'employait à dissoudre la cohésion existante dans l'Islam entre la politique et l'idéologie, le pouvoir dans l'Islam entre la politique et l'idéologie, le pouvoir et le savoir, et ceci, en marginalisant l'Islam et l'intellectuel islamique traditionnel (Cheikh) aussi bien dans l'État qu'au sein de la société civile; le Cheikh se trouvait donc pourchassé par le juriste moderne, tout comme le 'orf (droit coutumier tradition) se trouvait remplacé par des lois copiées des constitutions et législations européennes pour organiser l'État et la Société(24).

En se basant sur le principe de la suprématie de la technique occidentale et la philosophie positiviste sous-jacente, le vainqueur procédait à la dissolution de la cohésion existante dans l'Islam entre l'idéologie pratique et vécue du vaincu et l'idéologie théorique de l'intellectuel organique, en formant un nouveau type d'intellectuel «moderne», «spécialisé» dans les nouvelles branches de la connaissance et «élitiste» coupé de la vie du peuple; la condition de formation de ce type d'intellectuel consiste dans le divorce entre son discours théorique et l'idéologie pratique et vécue du vaincu. L'itinéraire de cet intellectuel reflète et inscrit le mouvement par lequel il coupe ses racines populaires et se libère de la charge qui revenait à l'intellectuel organique, celle de représenter, auprès et contre le pouvoir du vainqueur, le point de vue et les aspirations du vaincu (mouvement de masse), cet itinéraire le transforme en khawaja (mandarin) du pouvoir - ou hâjeb (chambellan) du sultan selon Ibn Khaldoun - qui représente le point de vue du vainqueur auprès du vaincu. Ainsi il finit par perdre le pouvoir «réel» dont dispose l'intellectuel organique, pouvoir venant «d'en bas», s'enracinant au sein des vaincus et s'appuyant sur l'adéquation de son discours théorique avec l'idéologie pratique et vécue du vaincu, cette adéquation venait de son rôle de «donner aux masses avec précision ce qu'il recevait d'elles en confusion». Ce nouvel intellectuel s'appuie, dans sa nouvelle situation d'intermédiaire entre vainqueur et vaincu, sur un pouvoir «formel» qui lui vient «d'en haut», c'est le pouvoir du «savoir» et de la «science moderne» qui cherche à se substituer au pouvoir de l'intellectuel populaire traditionnel. Le pouvoir de l'intellectuel moderne est étroitement lié à l'équilibre des forces dans la lutte opposant le vainqueur au vaincu, il se renforce aux moments où la «Moumâna'a» du vaincu subit une défaite et le vainqueur marque des avances. Ibn Khaldoun a formulé cet équilibre d'une façon remarquable: «La plume et l'épée sont toutes deux des instruments dont le prince se sert pour conduire ses affaires. Mais au début d'une dynastie,

«Moumâna'a» sur le terrain de sa propre idéologie pratique <strong>et</strong><br />

vécue.<br />

La «Moumâna'a» islamique de masse s'est caractérisée par la forte<br />

cohésion entre l'idéologie pratique (de masse) <strong>et</strong> l'idéologie théorique<br />

(intellectuelle) - cohésion représentée par le Cheikh - d'une part, <strong>et</strong> par<br />

la cohésion organique entre l'idéologie <strong>et</strong> la politique, le savoir <strong>et</strong> le<br />

pouvoir d'autre part. C<strong>et</strong>te cohésion est inhérente à la religion de<br />

l'Islam, étant donné que le rôle de l'intellectuel religieux (Cheikh) est<br />

étroitement lié au pouvoir, chez les sunnites, <strong>et</strong> pouvoir veut dire ici<br />

pouvoir du domaine de la paix <strong>et</strong> de la capitulation (Dar Al-Islam), qui<br />

est censé être juste (califat), tandis que l'intellectuel religieux de<br />

l'opposition chi'ite (Faqih) consiste à soutenir le pouvoir juste, <strong>et</strong> à se<br />

révolter contre le pouvoir injuste <strong>et</strong> illégal, même si c<strong>et</strong>te révolte<br />

prescrite par la religion était théoriquement ajournée (Irjâ') dans<br />

l'attente du Mahdi prévu.<br />

C<strong>et</strong>te double cohésion, entre l'idéologie pratique populaire <strong>et</strong><br />

l'idéologie théorique de l'intellectuel d'une part, le savoir <strong>et</strong> le pouvoir<br />

d'autre part - pouvoir dans ses deux aspects, pouvoir du vainqueur <strong>et</strong><br />

anti-pouvoir du vaincu - c<strong>et</strong>te double cohésion avait comme suj<strong>et</strong> un<br />

«intellectuel organique» au sens Gramscien: l'intellectuel religieux<br />

(Cheikh ou Faqih); la domination étrangère va de pair, à ce niveau, avec<br />

la dissolution de c<strong>et</strong>te «Moumâna'a» moyennant la désintégration de<br />

c<strong>et</strong>te double cohésion par le principe de la séparation entre la religion <strong>et</strong><br />

l'État, le vainqueur occidental s'employait à dissoudre la cohésion<br />

existante dans l'Islam entre la politique <strong>et</strong> l'idéologie, le pouvoir dans<br />

l'Islam entre la politique <strong>et</strong> l'idéologie, le pouvoir <strong>et</strong> le savoir, <strong>et</strong> ceci, en<br />

marginalisant l'Islam <strong>et</strong> l'intellectuel islamique traditionnel (Cheikh)<br />

aussi bien dans l'État qu'au sein de la société civile; le Cheikh se trouvait<br />

donc pourchassé par le juriste moderne, tout comme le 'orf (droit<br />

coutumier tradition) se trouvait remplacé par des lois copiées des<br />

constitutions <strong>et</strong> législations européennes pour organiser l'État <strong>et</strong> la<br />

Société(24).

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