79 - Vaincre et Convaincre

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26.06.2013 Views

Le discours du vainqueur pénètre donc le champ entier des pratiques sociales, y compris celles des vaincus. Mais ne retenir du discours dominant Que la forme de sa domination est unilatéral. Il faut le référer à ce qui lui est extérieur, et s'oppose à son omniprésence. n n'y a d'idéologie dominante que parce qu'existe en permanence une «Moumâna'a» à cette domination.. Et c'est du point de vue de cette «Moumâna'a» que la domination apparaît comme telle. Dans l'étude de l'histoire de la pensée arabe, nous devons donc partir non de la domination occidentale? mais plutôt de la «Moumâna'a» qu'éprouve le vaincu - les masses arabes - envers cette domination, car c'est la forme aussi bien que le degré de la «Moumâna'a» du langage du vaincu - l'Islam - qui articule le discours du vainqueur; on l'a déjà vu avec le discours de Napoléon Bonaparte en Égypte. Il s'agit donc de savoir: 1 - où en est, au moment de l'arrivée du vainqueur occidental, la réalité révolutionnaire du vaincu, la réalité de la révolte des masses et non celle des intellectuels. 2 - quelles idées révolutionnaires engendre la «Moumâna'a» opposée par les masses contre la domination étrangère. 3 - en quel sens le discours du vainqueur occidental ajuste sa riposte idéologique aux idées révolutionnaires nouvelles des masses qui résistent contre sa domination. Autrement dit: analyser comment la «nouveauté» du discours du vainqueur s'ajuste, dans le réel, à la «nouveauté» des idées du vaincu révolté, et refoule cette «nouveauté» pour la présenter, dans son idéologie, comme relevant de «l'ancien». C'est cet espace d'investigation qui est absent dans les classifications que nous avons déjà évoquées: celle de l'orientaliste et de son ombre, celle de l'intellectuel islamique traditionnel ainsi que celle de l'intellectuel marxiste arabe. Ce dernier part, dans sa lecture de la Nahda arabe, du vainqueur occidental déjà installé, du capitalisme dominant et hégémonique, du présent capitaliste dominant le passé pré

capitaliste et l'expliquant. On l'a déjà vu dans l'analyse faite par Mehdi Amel ainsi que dans celle faite par Waddah Chrara(19). En. fait, la reproduction élargie, telle qu'elle est développée par Althusser pour formuler sa théorie de l'idéologie, suppose que la domination du capital est déjà victorieuse. Cette domination dans la «structure» transforme les vaincus - individus «biologiques», selon le terme d'Yves Duroux repris per Althusser - en individus sociaux apprivoisés. Cette théorie de l'idéologie aborde la domination en soi, comme le destin du vaincu, tout en refoulant son contraire inhérent à la «Moumâna'a» et la révolte du vaincu. C'est cette même «Moumâna'a» qui est absente dans le discours des althusseriens arabes sur la Nahda, elle n'y est présente qu'exclue sous la nomination de «Décadence». Pourtant c'est la «Moumâna'a» qui est le secret de la domination étrangère comme la «Décadence» est le secret de la Nahda. La «Moumâna'a» négative se transforme en «Moughâlaba» positive. A maintes reprises, Luther provoqua Thomas Munzer à la controverse orale, mais celui-ci, prêt à entreprendre la lutte devant le peuple, n'avait pas la moindre envie de se laisser entraîner à une dispute théologique devant un public d'intellectuels.. Il ne voulait pas, disait Engels, «porter témoignage de l'Esprit uniquement devant l'université»(20). En effet, l'activité de Thomas Munzer se servait d'un double discours: l'un pour le peuple auquel il s'adressait dans le langage du prophétisme religieux, le langage du passé que le peuple fût capable de comprendre à l'époque. L'autre pour les initiés, membres de sectes religieuses(21), avec lesquels il pouvait ouvertement s'entretenir de ses véritables buts. Sa doctrine théologique et philosophique attaquait, non seulement le catholicisme, mais aussi le christianisme, Il enseignait, sous des formes chrétiennes, un panthéisme qui frise l'athéisme. Le ciel n'est pas pour lui quelque chose de l'au-delà, c'est dans notre vie même qu'il faut le chercher. Et la tâche des croyants est précisément d'établir ce ciel, le royaume de Dieu sur la terre. Munzer enseignait cette doctrine

capitaliste <strong>et</strong> l'expliquant. On l'a déjà vu dans l'analyse faite par Mehdi<br />

Amel ainsi que dans celle faite par Waddah Chrara(19). En. fait, la<br />

reproduction élargie, telle qu'elle est développée par Althusser pour<br />

formuler sa théorie de l'idéologie, suppose que la domination du capital<br />

est déjà victorieuse. C<strong>et</strong>te domination dans la «structure» transforme les<br />

vaincus - individus «biologiques», selon le terme d'Yves Duroux repris<br />

per Althusser - en individus sociaux apprivoisés. C<strong>et</strong>te théorie de<br />

l'idéologie aborde la domination en soi, comme le destin du vaincu, tout<br />

en refoulant son contraire inhérent à la «Moumâna'a» <strong>et</strong> la révolte du<br />

vaincu. C'est c<strong>et</strong>te même «Moumâna'a» qui est absente dans le discours<br />

des althusseriens arabes sur la Nahda, elle n'y est présente qu'exclue<br />

sous la nomination de «Décadence». Pourtant c'est la «Moumâna'a» qui<br />

est le secr<strong>et</strong> de la domination étrangère comme la «Décadence» est le<br />

secr<strong>et</strong> de la Nahda.<br />

La «Moumâna'a» négative se transforme en «Moughâlaba»<br />

positive.<br />

A maintes reprises, Luther provoqua Thomas Munzer à la<br />

controverse orale, mais celui-ci, prêt à entreprendre la lutte devant le<br />

peuple, n'avait pas la moindre envie de se laisser entraîner à une<br />

dispute théologique devant un public d'intellectuels.. Il ne voulait pas,<br />

disait Engels, «porter témoignage de l'Esprit uniquement devant<br />

l'université»(20).<br />

En eff<strong>et</strong>, l'activité de Thomas Munzer se servait d'un double<br />

discours: l'un pour le peuple auquel il s'adressait dans le langage du<br />

prophétisme religieux, le langage du passé que le peuple fût capable de<br />

comprendre à l'époque. L'autre pour les initiés, membres de sectes<br />

religieuses(21), avec lesquels il pouvait ouvertement s'entr<strong>et</strong>enir de ses<br />

véritables buts. Sa doctrine théologique <strong>et</strong> philosophique attaquait, non<br />

seulement le catholicisme, mais aussi le christianisme, Il enseignait, sous<br />

des formes chrétiennes, un panthéisme qui frise l'athéisme. Le ciel n'est<br />

pas pour lui quelque chose de l'au-delà, c'est dans notre vie même qu'il<br />

faut le chercher. Et la tâche des croyants est précisément d'établir ce<br />

ciel, le royaume de Dieu sur la terre. Munzer enseignait c<strong>et</strong>te doctrine

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