79 - Vaincre et Convaincre
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C'est parce qu'il existe une pratique non représentable dans le discours du vainqueur, la révolte du vaincu, la «Moumana'a» qui tombe hors du discours et de la loi du vainqueur, que ce discours est intelligible comme représentation. Au commencement était donc la «Moumana'a». N'en déplaise à Althusser, la «Moumana'a» est toujours déjà là, sinon le marxisme sera réduit au formalisme des instances.. «Quand j'ai écrit l'histoire de le Folie - disait Michel Foucault _ Je me servais au moins implicitement de cette notion de répression, crois bien que je supposais alors une espèce de folie vive, volubile et anxieuse que la mécanique du pouvoir et de la psychiatrie serait arrivée à réprimer et à réduire au silence, Or, il me semble que la notion de répression est tout à fait inadéquate pour rendre compte de ce qu'il y a justement de producteur dans le pouvoir. Quand on définit les effets de pouvoir par la répression on se donne une conception purement juridique de ce même pouvoir. on identifie le pouvoir à une loi qui dit non, il aurait surtout la puissance de l'interdit. Or, je crois que c'est là une conception toute négative étroite. squelettique du pouvoir qui a été curieusement partagée. Si le pouvoir n'était jamais que répressif, il ne faisait jamais rien d'autre que de dire non, est-ce que vous croyez vraiment qu'on arriverait à lui obéir? ce qui fait que le pouvoir tient, qu'on l'accepte, mais c'est tout simplement qu'il ne pèse pas seulement comme une puissance qui dit non, mais qu'en fait il traverse, il produit des choses, il induit du plaisir, il forme du savoir, il produit du discours. Il faut le considérer comme un réseau productif qui passe à travers tout le corps social beaucoup plus que comme une instance négative qui a pour fonction de réprimer»(17). Cette conception du rapport établi entre le pouvoir et le savoir ouvre devant la définition de l'État une nouvelle dimension qui ne se contente plus de sa seule fonction d'appareil de répression comme l'avait fait Lénine dans «l'État et la Révolution». Cette nouvelle façon d'aborder positivement le pouvoir profilait déjà dans les recherches de Gramsci sur le concept d'«hégémonie» postulant l'unité du savoir et du pouvoir, ou, en termes d'instances, postulant l'unité des deux instances : idéologique et politique. Le problème soulevé par Foucault à propos des limites de la répression comme définition du pouvoir nous ramène à la distinction faite par l'Islam entre le domaine de la guerre (Dar al-harb),
et celui de l'Islam synonyme de la paix, de l'obéissance et de la capitulation (Dar Al-Islam). Nous nous sommes déjà servi de cette distinction pour tracer une démarcation entre le dedans et le dehors de l'Islam. Pourtant cette distinction touche ici a un problème crucial: celui du rapport pouvoir/savoir d'une part, et du rapport pouvoir/révolte d'autre part. En effet, cette distinction dénote deux genres de pouvoir: l'un, celui du domaine de la guerre (Dar Al-Harb), celui du dehors est un pouvoir qui se définit essentiellement comme un pouvoir de répression. Disons que la répression l'englobe tant que la guerre se prolonge, et tant que ce dehors résiste contre le pouvoir qui s'annonce dans l'horizon. L'autre, celui du domaine de l'Islam ou de la capitulation (Dar Al-Islam), celui du dedans est un pouvoir qui trouve son fondement dans le vide de la «Moumâna'a», dans l'obéissance et la capitulation du vaincu, et qui fonctionne essentiellement comme «Da'wa» religieuse organisant positivement la société. . L'État, un certain État installe donc son pouvoir sur l'obéissance et la capitulation du vaincu. Mais la capitulation n'est pas totale, tout comme la domination du vainqueur ne l'est guère. Assigner au discours du vainqueur une place dominante exige donc qu'on détermine sur quoi s'exerce cette domination. Faute de quoi la pensée même de la domination est vide de sens. Certes, le discours du vainqueur ne reste pas extérieur à la vie du vaincu, Ibn Khaldoun l'a bien constaté: «Les vaincus veulent toujours imiter leur vainqueur dans ses traits les plus distincts, copient son costume, sa manière d'agir, ses moeurs et tous les autres aspects de sa condition. La raison en est que l'âme voit toujours la perfection sous les traits de celui qui est le maître et dont elle est l'esclave. L'âme de l'inférieur croit le supérieur parfait, soit parce que le respect qu'elle éprouve à son égard l'émeut vraiment, soit parce qu'elle considère à tort que sa propre servitude est due non à la défaite qu'elle a subie, mais à la perfection. de son vainqueur. Si cette erreur d'interprétation vient à s'ancrer dans l'âme du vaincu, elle y devient une ferme croyance. L'âme alors, adopte toutes les façons d'être du vainqueur et s'assimile entièrement à lui. Voici donc ce qu'est l'imitation»(18).
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<strong>et</strong> celui de l'Islam synonyme de la paix, de l'obéissance <strong>et</strong> de la<br />
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domaine de la guerre (Dar Al-Harb), celui du dehors est un pouvoir qui<br />
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fonctionne essentiellement comme «Da'wa» religieuse organisant<br />
positivement la société. .<br />
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«Les vaincus veulent toujours imiter leur vainqueur dans ses traits<br />
les plus distincts, copient son costume, sa manière d'agir, ses<br />
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supérieur parfait, soit parce que le respect qu'elle éprouve à son<br />
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propre servitude est due non à la défaite qu'elle a subie, mais à la<br />
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à s'ancrer dans l'âme du vaincu, elle y devient une ferme croyance.<br />
L'âme alors, adopte toutes les façons d'être du vainqueur <strong>et</strong><br />
s'assimile entièrement à lui. Voici donc ce qu'est l'imitation»(18).