octobre 2012 - Lycée français de Shanghai

Dossier
Chine-Japon: au bout de la crise de nerfs
Les reLations sino-JaPonaises sont eXtrêMeMent tendues dePuis PLusieurs
seMaines. La cause de ce conFLit ? un archiPeL d’îLes et troP de MauVais
souVenirs. anaLyse des arguMents aVancés Par Les deuX caMPs.
Les Iles Diaoyu
Ce que les Japonais considèrent
comme les îles Senkaku et ce que
les Chinois perçoivent comme
les Diaoyu Dao font renaitre depuis
quelques semaines des tensions qui
ont pour origine les deux guerres sinojaponaises
de la fin du XIXe siècle et
de la moitié du XXe siècle. L’Histoire
est ainsi un élément crucial dans ce
conflit et c’est sur des éléments même
parfois plus anciens que reposent les
arguments des deux camps. Chaque
pays défend sa propre vision. Eclairage.
Le regard du Japon
Demandez à un Japonais ce qu’il
pense de l’invasion nipponne en Chine
(1937-1945). Les opinions diffèrent
entre la gauche et la droite mais, d’un
point de vue général, il reconnaitra
l’occupation comme légitime dans un
climat de guerre. Il dira que le nombre
de victimes chinoises est exagéré par
la propagande maoïste afin d’écorner
l’image du Japon. Selon le gouverneur
de Tokyo, Shintaro Ishihara, les
massacres n’auraient même jamais eu
lieu car, dit-il, il est « impossible de
tuer autant de personnes en aussi peu
de temps ». Même si le Japon ne s’est
jamais excusé officiellement, il tente
de « normaliser » ses relations avec
Pékin. Notons que les cérémonies du
40e anniversaire de cette normalisation
ont été annulées cette année après les
tensions liées aux îles Senkaku/Diaoyu.
Pour revenir à ce dosser, un des
arguments que le Japon avance est
celui de l’acquisition légitime de ces
îles, rappelons-le inhabitées. Si l’on
examine bien, les îles appartenaient à la
Chine au temps de la dynastie des Ming
(XIVe-XVIIe siècles) mais, lors de la
première guerre sino-japonaise et suite
au Traité de Shimonoseki en 1895, elles
ont étés annexées par le Japon. Prises
ensuite par les Américains lors de la
Seconde Guerre mondiale, elles n’ont
été restituées au Japon qu’en 1972.
Depuis, des projets de coopération
ont eu lieu entre la Chine, Taiwan et le
Japon mais il suffit d’une étincelle pour
que cela provoque régulièrement des
tensions, comme on le voit à nouveau
aujourd’hui.
Un manifestant à Beijing
Mis à part les quelques personnes qui
sont nées avant 1895 et qui sont encore
en vie, les Japonais ont appris à l’école
que l’archipel Senkaku faisait partie
intégrante de leur territoire. Plus encore,
ces îles sont détenues depuis longtemps
par des propriétaires privés et « louées»
au Japon afin d’en assurer l’entretien.
6
© AP
© AP
C’est justement pour éviter qu’elles ne
tombent sous la coupe de propriétaires
privés nippons ultranationalistes que
le Japon a décidé de « racheter » les
îles le mardi 11 septembre 2012. Cette
«nationalisation», qui se voulait un
geste d’apaisement par Tokyo, a été
perçue comme une provocation par la
Chine, qui a été indignée et a vivement
protesté jusque devant les Nations
unies lors de la dernière assemblée
générale.
D’un point de vue occidental, on se
demande pourquoi un petit archipel
constitue un tel enjeu ? Il faut comprendre
l’intérêt économique potentiel que
cet archipel représente pour chacun
des pays, du fait des gisements
d’hydrocarbures qui s’y trouvent. De
plus, son acquisition augmenterait le
territoire marin des pays (aussi appelé
Z.E.E, zone économique exclusive) et
donc leur zone de pêche.
Côté japonais, on craint que ce conflit
ne contamine l’extrême dépendance
économique entre la Chine et le Japon.
Mais la population japonaise voit dans
son ensemble l’épisode comme un
affront et ne veut en aucun cas perdre
la face. D’après une étude réalisée en
2010, 20% des Japonais disaient aimer
la Chine, contre 77,8% qui ne l’aimaient
pas et la haine n’a cessé d’augmenter
depuis. Pour beaucoup de Japonais, ce
conflit pourrait aboutir à une guerre, ce
qui semble toutefois peu probable. En
tout cas, pour apaiser les esprits, le
Japon a nommé un ministre prochinois,
chargé des affaires chinoises.