26.06.2013 Views

La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

hébraïques dans ses tableaux, notamment dans ses portraits de juifs. En ce qui concerne<br />

cette utilisation de l’écriture et des inscriptions, Pierre Schneider 210 expliqua que les<br />

formes de l’alphabet hébraïque, qui sont l’incarnation matérielle de l’esprit, sont juste là<br />

pour « insuffler un peu » de sacré dans le tableau, et qu’il est donc inutile de les lire ou de<br />

savoir les lire. Même l’artiste dit qu’il n’avait introduit des caractères hébraïques dans ses<br />

toiles que pour des raisons formelles. Cependant, nous ne pouvons pas négliger les<br />

informations que la lecture des inscriptions nous permettrait d’avoir, ouvrant sur d’autres<br />

voies d’interprétation de l’œuvre. C’est pourquoi nous suivons avec attention le décryptage<br />

de Benjamin Harshav sur les inscriptions des portes du cimetière 211 . Selon lui, de grandes<br />

lettres au sommet des deux piliers donnent les dates suivantes : 1812-1890, qui sont les<br />

dates de naissance et de mort du grand-père paternel de <strong>Chagall</strong>. L’étoile de David sur le<br />

fronton montre la même date, 1890. En outre, les phrases inscrites sur le fronton viennent<br />

du passage biblique relatant la vision du prophète Ézéchiel dans la vallée des ossements<br />

desséchés. Harshav dit que le texte hébreu est correct mais les deux phrases écrites en<br />

diagonale sont placées à l’envers 212 , c’est-à-dire de gauche à droite, dans le sens russe et<br />

celui des autres langues européennes. Le texte sur le portail commence au milieu du verset<br />

XXXVII, 12, d’Ézéchiel avec les <strong>par</strong>oles de Dieu : « Je vais ouvrir vos tombeau[x] ; Je<br />

vous [ferai remonter] de vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur la Terre 213 .<br />

[Je mettrai] mon souffle en vous pour que vous viviez ». Pourtant, ce rappel de la<br />

résurrection ne concerne pas seulement le grand-père de l’artiste. En effet, <strong>Chagall</strong> changea<br />

un mot dans le texte biblique en écrivant « eretz », qui veut dire « la Terre », au lieu de<br />

« admat Israel », « le sol d’Israël ». Or, « eretz » étant une appellation familière que les<br />

sionistes utilisaient pour désigner la Palestine, Harshav pensa que c’était dans une<br />

démarche sioniste que <strong>Chagall</strong> fit allusion à la résurrection du peuple juif dans ce passage.<br />

De même, toujours selon Harshav, le fond du tableau montrant « un fort mouvement<br />

ascendant du bleu et du blanc » représenterait les couleurs nationales sionistes. Il est vrai<br />

que l’année 1917, au cours de laquelle <strong>Chagall</strong> peignit ce tableau, fut marquée <strong>par</strong> la<br />

déclaration de Lord Balfour. Celui-ci annonça le 2 novembre de cette année-là que les Juifs<br />

devaient trouver une patrie en Palestine, qui était alors sous mandat britannique. Cette<br />

peinture témoigne-t-elle donc de la sympathie de <strong>Chagall</strong> envers son peuple et de son<br />

soutien à la construction de la nation juive ? Si cette œuvre fut exécutée après la<br />

210 Pierre Schneider, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> (<strong>Chagall</strong> à travers le siècle), op. cit., pp. 63-65.<br />

211 <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> : Les années russes, 1907-1922, op. cit., p. 166.<br />

212 L’hébreu se lit en effet de droite à gauche.<br />

213 Le verset 13 manque à cet endroit et une <strong>par</strong>tie du texte est effacée.<br />

72

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!