La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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Chagall réalisa un peu plus tard une autre représentation de cette fête des Tabernacles. Mais cette fois-ci, c’est une illustration plus fidèle au déroulement de la fête. Dans La fête des Tabernacles, datée de 1916 197 , nous voyons une cabane dans laquelle deux hommes à table sont en train de manger (ill. 22). Une femme, à l’entrée de la maison, leur passe un plat par une petite fenêtre de la cabane. Un homme, qui se trouve à l’extérieur, tient dans sa main une branche de palmier. Au coin droit, un petit garçon chasse une poule. Si traditionnellement la cabane devait comporter quatre murs, Chagall en supprima un pour nous laisser voir ce qui se passe à l’intérieur. Par contre, en peignant le toit en vert, il fit référence aux feuillages et aux branchages recouvrant le toit dans la coutume. La représentation générale est de style naïf, comme une peinture d’enfant un peu maladroite. Mais, en réalité, au départ cette composition fut conçue comme une préparation 198 pour la peinture murale de l’école juive se trouvant dans l’enceinte de la grande synagogue de Saint-Pétersbourg. Pour cette commande, Chagall créa trois peintures dont deux d’entre elles concernent deux fêtes juives, la fête des Tabernacles et Pourim, mais ce projet de décoration murale ne fut jamais réalisé. Pour ces peintures murales, Chagall fit des esquisses sur papier, puis quelques tableaux avec les mêmes compositions, comme par exemple La fête des Tabernacles que nous venons d’analyser. La présence d’un petit garçon dans le tableau et le style naïf furent probablement adoptés intentionnellement par Chagall, qui avait gardé à l’esprit le lieu de destination de l’œuvre. Pourim : victoire contre la persécution Pourim 199 , un dessin à la plume, fut aussi réalisé comme une étude pour la décoration murale de l’école juive (ill. 23). Pourim est une fête commémorant l’action d’Esther, une grande figure féminine de la Bible. Fille d’une famille juive déportée à Babylone, elle fut choisie comme épouse par le roi des Perses, Assuérus, après le détrônement de la reine. Or, Haman, le Premier ministre, qui haïssait les Juifs complota leur extermination. Au péril de sa vie, Esther demanda au roi le salut de son peuple, qu’elle réussit à obtenir avant de vaincre les ennemis des Juifs. Pourim est donc une fête très joyeuse, qui célèbre la victoire du peuple sur les oppresseurs. La veille de la fête, on jeûne 197 La fête des Tabernacles ou Soukkoth, 1916, Gouache sur papier, 33 x 41 cm, Lucerne, Collection particulière ; cf. Marc Chagall : Les années russes, 1907-1922, op. cit., cat. n° 141, p. 147. 198 La fête des Tabernacles (esquisse d’une peinture murale), 1916, Encre de Chine et aquarelle sur papier, 46, 5 x 36 cm, Collection particulière ; cf. Franz Meyer, Marc Chagall, op. cit., cat. ill. 257. 199 Pourim (esquisse d’une peinture murale), 1916-17, Encre de Chine et aquarelle sur papier, 47,5 x 64,5 cm, Paris, Collection particulière (Succession Ida Chagall) ; cf. Marc Chagall : Les années russes, 1907-1922, op. cit., cat. n° 146, p. 146. 68

et le lendemain, on lit des passages du Livre d’Esther (la Meguilah). Chaque fois que le nom de Haman est prononcé, les enfants font du bruit en tapant des pieds ou en agitant des crécelles pour effacer son nom. On donne de l’argent aux pauvres et on échange des cadeaux, qui sont essentiellement de la nourriture prête à être consommée. Les enfants se déguisent et participent à la distribution de ces cadeaux. Son ambiance proche de celle du Carnaval fait de Pourim une fête très appréciée des enfants 200 . Le dessin (ill. 23) de Chagall représente justement des petits enfants en train de porter de la nourriture, cadeau échangé pendant la fête. Le garçon du premier plan est étrangement gigantesque. Il se dirige vers une maison, de la nourriture à la main, et un autre garçon fait de même. À droite, nous voyons une table autour de laquelle une dame et deux enfants s’agitent : ils semblent partager des friandises se trouvant sur la table. Alors qu’un autre tableau également intitulé Pourim 201 , daté de 1916-1918, représente des adultes échangeant de la nourriture, les acteurs principaux de ce dessin sont des enfants. Ils sont peints de façon naïve, comme dans La fête des Tabernacles. Cependant, cette œuvre est surtout intéressante par son jeu d’échelles, qui annonce les futures réalisations murales de l’artiste, notamment celles de Moscou. Le personnage central est peint démesurément grand, à l’échelle monumentale, occupant ainsi tout le premier plan. En revanche, le garçon à gauche est minuscule à peine visible, et les autres personnages sont un peu plus grands que lui. Ces figures de tailles diverses sont dispersées dans l’espace, construisant alors des perspectives multiples. Cette composition libre dut être conçue pour correspondre à celle d’une peinture murale. En outre, il est particulièrement intéressant de remarquer que l’artiste signa deux fois en bas, à droite en russe et à gauche en hébreu (ל א נ א ש .מ signifiant « M. ShAGAL »), insistant ainsi sur sa double culture. Hanoucca : mémoire de la lumière dans le Temple La fête des lumières, Hanoucca, est la seule fête d’origine non-biblique car elle commémore la victoire des Maccabées sur les Syriens et la reconquête de Jérusalem après trois ans de combat. Ils démolirent l’autel profané pour en élever un nouveau et fabriquèrent des objets rituels, entre autres un chandelier à huit branches. Celui-ci devait commémorer le miracle de la lampe à huile, qui resta allumée huit jours durant et qui purifia le temple de Jérusalem. Cette reconsécration du Temple est fêtée en hiver par « huit 200 Encyclopaedia Judaica (seconde édition), éd. par Fred Skolnik et Michael Berenbaum, op. cit., vol. 16, pp. 740-741. 201 Pourim, 1916-18, Huile sur toile, 48 x 69, 5 cm, Brooklyn Museum of Art, legs Louis E. Stern ; cf. Franz Meyer, Marc Chagall, op. cit., cat. ill. 260. 69

<strong>Chagall</strong> réalisa un peu plus tard une autre représentation de cette fête des<br />

Tabernacles. Mais cette fois-ci, c’est une illustration plus fidèle au déroulement de la fête.<br />

Dans <strong>La</strong> fête des Tabernacles, datée de 1916 197 , nous voyons une cabane dans laquelle<br />

deux hommes à table sont en train de manger (ill. 22). Une femme, à l’entrée de la maison,<br />

leur passe un plat <strong>par</strong> une petite fenêtre de la cabane. Un homme, qui se trouve à<br />

l’extérieur, tient dans sa main une branche de palmier. Au coin droit, un petit garçon<br />

chasse une poule. Si traditionnellement la cabane devait comporter quatre murs, <strong>Chagall</strong> en<br />

supprima un pour nous laisser voir ce qui se passe à l’intérieur. Par contre, en peignant le<br />

toit en vert, il fit référence aux feuillages et aux branchages recouvrant le toit dans la<br />

coutume. <strong>La</strong> représentation générale est de style naïf, comme une peinture d’enfant un peu<br />

maladroite. Mais, en réalité, au dé<strong>par</strong>t cette composition fut conçue comme une<br />

pré<strong>par</strong>ation 198 pour la peinture murale de l’école juive se trouvant dans l’enceinte de la<br />

grande synagogue de Saint-Pétersbourg. Pour cette commande, <strong>Chagall</strong> créa trois peintures<br />

dont deux d’entre elles concernent deux fêtes juives, la fête des Tabernacles et Pourim,<br />

mais ce projet de décoration murale ne fut jamais réalisé. Pour ces peintures murales,<br />

<strong>Chagall</strong> fit des esquisses sur papier, puis quelques tableaux avec les mêmes compositions,<br />

comme <strong>par</strong> exemple <strong>La</strong> fête des Tabernacles que nous venons d’analyser. <strong>La</strong> présence d’un<br />

petit garçon dans le tableau et le style naïf furent probablement adoptés intentionnellement<br />

<strong>par</strong> <strong>Chagall</strong>, qui avait gardé à l’esprit le lieu de destination de l’œuvre.<br />

Pourim : victoire contre la persécution<br />

Pourim 199 , un dessin à la plume, fut aussi réalisé comme une étude pour la<br />

décoration murale de l’école juive (ill. 23). Pourim est une fête commémorant l’action<br />

d’Esther, une grande figure féminine de la <strong>Bible</strong>. Fille d’une famille juive déportée à<br />

Babylone, elle fut choisie comme épouse <strong>par</strong> le roi des Perses, Assuérus, après le<br />

détrônement de la reine. Or, Haman, le Premier ministre, qui haïssait les Juifs complota<br />

leur extermination. Au péril de sa vie, Esther demanda au roi le salut de son peuple, qu’elle<br />

réussit à obtenir avant de vaincre les ennemis des Juifs. Pourim est donc une fête très<br />

joyeuse, qui célèbre la victoire du peuple sur les oppresseurs. <strong>La</strong> veille de la fête, on jeûne<br />

197 <strong>La</strong> fête des Tabernacles ou Soukkoth, 1916, Gouache sur papier, 33 x 41 cm, Lucerne, Collection<br />

<strong>par</strong>ticulière ; cf. <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> : Les années russes, 1907-1922, op. cit., cat. n° 141, p. 147.<br />

198 <strong>La</strong> fête des Tabernacles (esquisse d’une peinture murale), 1916, Encre de Chine et aquarelle sur papier, 46,<br />

5 x 36 cm, Collection <strong>par</strong>ticulière ; cf. Franz Meyer, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, op. cit., cat. ill. 257.<br />

199 Pourim (esquisse d’une peinture murale), 1916-17, Encre de Chine et aquarelle sur papier, 47,5 x 64,5 cm,<br />

<strong>Paris</strong>, Collection <strong>par</strong>ticulière (Succession Ida <strong>Chagall</strong>) ; cf. <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> : Les années russes, 1907-1922, op.<br />

cit., cat. n° 146, p. 146.<br />

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