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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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portraits, nous distinguons trois grands ensembles, sur les thèmes de la relation aux<br />

Écritures, de la prière et de l’errance.<br />

Juif et l’Écriture<br />

En ce qui concerne le premier, <strong>La</strong> Prisée 168 (ill. 14) est un exemple significatif<br />

d’un portrait de Juif en train de consulter un livre. <strong>La</strong> date indiquée sur la toile <strong>par</strong> l’artiste,<br />

1912, est contestable 169 , comme nous le verrons plus loin. Dans ce tableau, nous voyons un<br />

Juif portant un habit ainsi qu’une calotte (yarmulke) noirs, s’apprêtant à priser. Il est assis à<br />

table, un livre ouvert devant lui. Vu la présence d’une Arche sacrée – reconnaissable à son<br />

rideau brodé d’une étoile de David – et d’un chandelier – probablement à sept branches<br />

dont nous ne voyons qu’une <strong>par</strong>tie – derrière lui, il est dans une synagogue ou une salle<br />

d’étude. Les lettres hébraïques à l’intérieur de l’étoile de David sont ת ס, samec tav qui<br />

signifient Seyfer Torah, c’est-à-dire « Rouleau de la Torah ». Dans le judaïsme, l’Arche<br />

sacrée contient en effet le Rouleau de la Torah. Il est intéressant de remarquer que, dans<br />

l’Étude pour <strong>La</strong> Prisée 170 (ill. 6), il était écrit י ה, hé yod, une abréviation du nom de Dieu.<br />

Dans la version finale, peut-être que <strong>Chagall</strong> préféra préciser Seyfer Torah, afin de<br />

s’assurer que l’Arche sacrée soit identifiable <strong>par</strong> les Juifs pratiquants. <strong>La</strong> peinture finale se<br />

distingue également de l’étude <strong>par</strong> ses couleurs. Si cette dernière était éclairée <strong>par</strong> un jaune<br />

et un vert très lumineux, dans <strong>La</strong> Prisée, les couleurs dominantes devinrent le brun et le<br />

vert foncé, à la limite du noir. Ces tons rendent le tableau sombre et rigoureux. Étudier le<br />

livre religieux (seyfer) est en effet un devoir sacré pour un Juif, et il ne doit pas se laisser<br />

distraire. Le fait de priser est donc sans doute une manière de tenir l’esprit en éveil.<br />

Néanmoins, selon Benjamin Harshav, le livre ouvert devant ce Juif n’est pas un seyfer mais<br />

un bukh, un texte en langage séculier yiddish. Et les mots que nous pouvons lire n’ont<br />

aucune continuité, ne formant pas de phrases cohérentes 171 . Or, il est toujours intéressant<br />

de voir la façon dont <strong>Chagall</strong> écrivit le texte, même son contenu reste obscur. En effet,<br />

alors que la page de gauche est écrite dans le bon sens pour le Juif du tableau, la page de<br />

droite est écrite à l’envers pour lui, il s’adresse donc à nous spectateurs. De plus, le bas de<br />

168 <strong>La</strong> Prisée, 1912(?)-15, Huile sur toile, 132 x 93 cm, Krefeld (Allemagne), Collection <strong>par</strong>ticulière ; cf.<br />

<strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> : Les années russes, 1907-1922, op. cit., cat. n° 71, p. 93.<br />

169 Cette date signifierait que ce tableau aurait été réalisé à <strong>Paris</strong>, or certains faits que nous allons examiner<br />

laissent penser qu’il a été exécuté plus tardivement à Vitebsk.<br />

170 Étude pour <strong>La</strong> Prisée, 1912(?)-15, Aquarelle et gouache sur papier, 29,5 x 20,3 cm, New York, The<br />

Métropolitan Museum of Art ; cf. <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> : Les années russes, 1907-1922, op. cit., cat. n° 70, p. 92.<br />

171 Ibid.<br />

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