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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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proximité 164 . Une importante série représente <strong>Chagall</strong> lui-même avec Bertha 165 (appelée<br />

Bella plus tard) qu’il épousa en juillet 1915. Outre ce couple amoureux autobiographique,<br />

la famille et les objets de la maison, les passants et le paysage vus à travers la fenêtre<br />

furent ses principaux sujets de peinture durant les premières années de la deuxième période<br />

vitebskoise. <strong>Chagall</strong> replongea dans son monde d’origine et concentra son énergie pour le<br />

décrire 166 . À <strong>par</strong>t les siens, il fit plusieurs portraits de vieillards, peignit la synagogue et<br />

représenta des fêtes. Or, ces images étant des descriptions de la vie communautaire plutôt<br />

qu’individuelle, elles peuvent être vues à la fois comme des sources visuelles illustrant<br />

divers aspects de la religion juive et comme des analyses de <strong>Chagall</strong> sur l’identité de son<br />

peuple.<br />

2. 1. L’image du peuple retracée <strong>par</strong> les portraits des Juifs<br />

Dans un premier temps, nous étudierons l’image du Juif que <strong>Chagall</strong> donne à<br />

travers ses portraits. Dans Ma Vie, <strong>Chagall</strong> expliqua comment il avait demandé à des<br />

vieillards passant devant chez lui de poser pour sa peinture :<br />

« “Alors, écoutez ; [...] passez, je vous prie, chez moi. Je ferai de vous... Comment<br />

dirai-je ?...” Comment lui expliquer ? J’ai peur qu’il ne se lève et ne s’en aille. Il est<br />

venu, s’est assis sur une chaise et s’est endormi aussitôt. Avez-vous vu le vieillard en<br />

vert, que j’ai peint ? C’est lui. Un autre vieillard passe devant notre maison. Cheveux<br />

gris, air maussade. Un sac sur le dos. [...] “Écoutez, – lui dis-je – reposez-vous un peu.<br />

Asseyez-vous. [...] Mettez seulement l’habit de prières de mon père et asseyez-vous.”<br />

Vous avez vu chez moi ce vieillard en prières ? C’est lui » 167 .<br />

Il fit ainsi une série de portraits de Juifs, dont l’intérêt n’est pas tant d’être des portraits<br />

d’individus, mais surtout de témoigner d’une certaine image du peuple juif. Parmi ces<br />

164 « Ce n’est que ma ville, la mienne, que j’ai retrouvée. J’y reviens avec émotion. C’est en ce temps-là que<br />

j’ai peint ma série de Witebsk de 1914. Je peignais à ma fenêtre, jamais je ne me promenais dans la rue avec<br />

ma boîte de couleurs. [...] Je me contentais d’une haie, d’un poteau, d’un plancher, d’une chaise ». Ibid.,<br />

pp. 166-167.<br />

165 Bertha (Bella) Rosenfeld est la jeune fille que <strong>Chagall</strong> a rencontrée à Vitebsk, et avec laquelle il s’est<br />

fiancé avant de <strong>par</strong>tir pour la première fois à <strong>Paris</strong>.<br />

166 Lucien Goldmann, un sociologue, avança que cette attitude témoignait d’une sorte de repli sur soi de la<br />

<strong>par</strong>t de l’artiste. Il alla jusqu’à l’assimiler à une « désadaptation sociale ». Lucien Goldmann, « Sur la<br />

peinture de <strong>Chagall</strong> – Réflexions d’un sociologue », Chronique des sciences sociales, <strong>Paris</strong>, École des Hautes<br />

Études en Sciences Sociales, 1950, pp. 667-683.<br />

167 <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, Ma vie, op. cit., pp. 166-167.<br />

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