26.06.2013 Views

La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

est également réduit, il serait donc difficile de reconnaître le sujet sans regarder le titre.<br />

Dans Caïn et Abel (ill. 4) nous voyons deux hommes nus, l’un fait un geste d’attaque avec<br />

ses bras levés, l’autre semble s’enfuir. Le fond du tableau est divisé horizontalement en<br />

deux <strong>par</strong>ties noire et blanche. <strong>La</strong> <strong>par</strong>tie noire est en plus traversée <strong>par</strong> deux zigzags blancs.<br />

L’ambiance créée <strong>par</strong> ce motif zébré et les corps nus hachurés de blanc évoque le<br />

primitivisme. En revanche, c’est dans une chambre moderne que nous trouvons une femme<br />

nue dans Joseph et la Femme de Putiphar (ill. 5). Elle se tient debout devant le lit occupé<br />

<strong>par</strong> un homme, dont nous ne voyons que le visage et une <strong>par</strong>tie du torse, mais le manteau<br />

accroché à côté du lit renforce l’hypothèse de sa nudité. À <strong>par</strong>t la nudité des personnages et<br />

leur relation sous-jacente, il n’y a aucun élément qui puisse faire penser à l’épisode de<br />

Joseph dans la <strong>Bible</strong>. Alors que cette femme nue regardant l’homme peut rappeler la<br />

femme de Putiphar qui tenta de séduire Joseph, la présence de l’homme couché au lit ne<br />

correspond pas au récit original. <strong>Chagall</strong> déforma l’histoire en mettant l’homme au lit,<br />

alors que dans le récit biblique Joseph se refusa à la femme de Putiphar. D’ailleurs, cette<br />

interprétation personnelle est également visible dans certains détails : dans la chambre,<br />

nous voyons un samovar et une auge en bois, motifs liés à des souvenirs de Vitebsk. Cette<br />

scène mise dans un cadre vitebskois contemporain, loin de l’Égypte pharaonique,<br />

ressemble plutôt à une scène de la vie quotidienne.<br />

Cette œuvre et Caïn et Abel font <strong>par</strong>tie d’une série de nus que <strong>Chagall</strong> exécuta à<br />

<strong>Paris</strong>. Il réalisa de nombreuses variations sur le thème du nu dans des styles très divers. Ces<br />

œuvres témoignent d’une sorte d’études expérimentales avant-gardistes, tantôt <strong>par</strong><br />

l’utilisation de couleurs propres au fauvisme, tantôt <strong>par</strong> celle de touches expressionnistes.<br />

Par ailleurs, la géométrie des formes et certaines tonalités rappellent le cubisme et<br />

s’approchent <strong>par</strong>fois d’un langage abstrait. En observant cette série de nus, nous voyons<br />

que <strong>Chagall</strong> était au carrefour de tous les mouvements artistiques du début du XX ème<br />

siècle. Dans Caïn et Abel et Joseph et la femme de Putiphar, les corps sont loin d’être<br />

peints dans un souci de réalité anatomique : les lignes des corps sont souvent coupées,<br />

brisées ou superposées, créant des formes pointues ou angulaires. Quant aux couleurs, elles<br />

sont <strong>par</strong>fois irréalistes comme <strong>par</strong> exemple, la <strong>par</strong>tie bleue du corps de la femme de<br />

Putiphar, voire expressionnistes comme pour la <strong>par</strong>tie rouge du corps de Caïn. Dans<br />

l’ensemble de ces variations, <strong>Chagall</strong> expérimenta toutes les possibilités formelles et<br />

colorées. Ainsi, les épisodes bibliques tels que l’histoire de Caïn et celle de Joseph<br />

servirent peut-être de simples prétextes à la réalisation de nus.<br />

51

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!