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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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voyons au premier plan un couple assis sur le sol à l’intérieur d’une maison. <strong>La</strong> femme au<br />

regard inexpressif allaite l’enfant ; l’homme, en les montrant de son doigt, a l’air de<br />

vouloir dire quelque chose ou de simplement attirer notre regard vers la femme à l’enfant.<br />

À l’arrière-plan, il y a un berceau où un autre enfant est assis. Nous voyons encore une<br />

lampe, une horloge et deux pelles au fond, ainsi que des fruits et des légumes entre le<br />

couple. À <strong>par</strong>t l’homme qui tente de communiquer quelque chose, tous les éléments du<br />

tableau semblent sé<strong>par</strong>és les uns des autres et ceci nous donne l’impression qu’il s’agit<br />

d’un tableau de nature morte.<br />

Cette peinture peut être lue dans le prolongement de <strong>La</strong> Circoncision. Ces deux<br />

tableaux ont des traits communs : l’enfant nu se tient sur les genoux de sa mère et l’homme<br />

à côté les désigne de la main. Le motif principal, dans les deux cas, est la femme à l’enfant.<br />

Mais, si <strong>La</strong> Circoncision traite d’un sujet juif tout en évoquant la Vierge à l’enfant, <strong>La</strong><br />

Sainte Famille est construite à <strong>par</strong>tir d’un thème typiquement chrétien, mis en scène dans<br />

un cadre juif ou plutôt vitebskois. <strong>La</strong> scène représente l’intérieur d’une maison en bois<br />

dont les planches sont ici bien précisées, et les objets é<strong>par</strong>pillés dans la maison sont ceux<br />

que l’on aurait pu voir dans n’importe quelle famille ordinaire de Vitebsk. À première vue,<br />

ce tableau semble être une peinture de genre tout comme dans le cas de <strong>La</strong> Circoncision,<br />

mais ces deux œuvres comprennent tout de même des éléments de la tradition<br />

iconographique religieuse qui nous révèlent leur véritable sujet. Par exemple, le geste de<br />

l’homme désignant quelque chose, qui se trouve dans les deux tableaux, est hautement<br />

symbolique. Il ne pourrait être lu sans rapport avec l’art de l’icône, dans lequel la main qui<br />

désigne est un des motifs les plus représentés. En effet, les icônes jouèrent un rôle 99 très<br />

important dans la peinture de <strong>Chagall</strong> à cette époque, et l’artiste exprima souvent son<br />

attachement à cet art. Il disait qu’il avait toujours aimé les icônes en Russie. « Il y a <strong>par</strong>fois<br />

quelque chose de magique ou d’irréel dans leurs qualités plastiques où les couleurs sont<br />

comme des éclats de lumière qui percent les ténèbres » 100 . Si <strong>Chagall</strong> trouvait dans le<br />

langage plastique de l’icône quelque chose d’irréel, il l’exprima peut-être dans <strong>La</strong> Sainte<br />

Famille <strong>par</strong> une couleur irréelle. Comme nous l’avons remarqué plus haut, ce tableau est<br />

très sombre 101 et il est presque entièrement peint en couleur ocre. Cependant, seul l’enfant<br />

99 Une petite œuvre de <strong>Chagall</strong>, <strong>La</strong> Résurrection de <strong>La</strong>zare, datée de 1911 (Encre de Chine et Gouache avec<br />

or et argent, 9, 6 x 22 cm, Berne, Collection E.W. Kornfeld), se rattache directement à des souvenirs d’icônes.<br />

Il prit une enluminure byzantine du XI e siècle pour modèle iconographique. <strong>Chagall</strong> l’avait très probablement<br />

copiée à Saint-Pétersbourg. Cf. Franz Meyer, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, op. cit., cat. ill. C3 pour l’enluminure et cat. ill.<br />

131 pour l’œuvre de <strong>Chagall</strong>.<br />

100 Edouard Roditi, « Entretiens avec <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> », art. cit., pp. 41-60.<br />

101 <strong>La</strong> couleur sombre doit être une autre influence de la peinture russe. Au cours de l’entretien avec Edouard<br />

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