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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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de la logique classique. Comme les artistes médiévaux, <strong>Chagall</strong> fait reposer toute<br />

l’importance de l’illustration sur son intelligibilité : il représente l’élément essentiel en<br />

taille démesurée, et il le situe à la place la plus visible de telle sorte que l’image soit plus<br />

facile à comprendre. <strong>Chagall</strong> figure ainsi Abraham pleurant la mort de Sara (pl. XI) et<br />

Jacob croyant son fils Joseph mort (pl. XX) en dimension considérable, et il place Moïse<br />

sur la rive tout seul, tandis qu’il doit se trouver <strong>par</strong>mi les Hébreux traversant la mer de<br />

roseaux (pl. XXXIV). Puis, l’artiste représente ses personnages avec une notion de<br />

temporalité aussi flexible que leurs tailles. En couronnant David, lorsqu’il était encore<br />

jeune berger (pl. LXII) et lors de la mort du roi Saül et de son fils Jonathan (pl. LXVI),<br />

<strong>Chagall</strong> le représente déjà comme roi. De même, dans les représentations de Moïse et<br />

d’Aaron, l’artiste dessine le premier avec des traits sur deux côtés de la tête – signe du<br />

rayonnement de son visage après sa réception des Tables de la Loi – dans un épisode où il<br />

ne les a pas encore reçues. Quant au dernier, <strong>Chagall</strong> le représente en costume de grand<br />

prêtre dès qu’il se rend devant le pharaon comme porte-<strong>par</strong>ole de Moïse, alors qu’il est<br />

chargé de la fonction sacerdotale seulement après la sortie d’Égypte. En effet, la couronne,<br />

les traits sur la tête et le costume du grand prêtre sont les attributs traditionnels<br />

caractérisant David, Moïse et Aaron. Or, <strong>Chagall</strong> les utilise bien avant que les textes<br />

bibliques le permettent. Cet emploi anachronique indique sans doute son intention de<br />

vouloir rendre plus aisé l’identification des personnages. En com<strong>par</strong>ant avec les images des<br />

Haggadot et de Doura Europos, on se rend compte que les artistes médiévaux disposaient<br />

de la même souplesse concernant le temps et l’espace dans leurs représentations. Ils<br />

avaient également un code pour les gestes corporels, dont certains ressemblent à ceux des<br />

personnages de <strong>Chagall</strong>. Néanmoins, comme nous l’avons souligné avec d’autres<br />

influences, l’artiste ne suit pas simplement l’exemple de ses prédécesseurs, mais il s’en<br />

inspire pour développer son propre langage iconographique. Par ailleurs, <strong>Chagall</strong> révèle sa<br />

<strong>par</strong>ticularité surtout dans le choix de ses thèmes, qui nous donnent à voir sa vision<br />

personnelle de la <strong>Bible</strong>. Il est tout à fait remarquable que, dans cet ouvrage, les sujets<br />

relatifs à la chute de l’humanité soient quasiment absents. Ainsi, les histoires maintes fois<br />

représentées dans l’art biblique telles que Adam et Eve tentés <strong>par</strong> le serpent, le meurtre de<br />

Caïn, le Déluge, la destruction de Sodome et de Gomorrhe, la catastrophe de la tour de<br />

Babel ne trouvent pas leur place dans cette <strong>Bible</strong>. En revanche, les illustrations de <strong>Chagall</strong><br />

soulignent l’alliance entre Dieu et son peuple ainsi que la promesse divine envers eux.<br />

« Noé offrant un sacrifice à Dieu » (pl. III), « l’arc-en-ciel, signe d’alliance entre Dieu et la<br />

Terre » (pl. IV), « Abraham pratiquant la circoncision sur son fils, acte rituel ordonné <strong>par</strong><br />

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