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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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Nous trouvons dans ces descriptions, pleines de fantaisie, une familiarité étonnante avec la<br />

tradition juive dans laquelle l’enfant a grandi.<br />

Le sujet religieux ap<strong>par</strong>aît dans l’art de <strong>Chagall</strong> quand celui-ci quitte sa ville natale<br />

pour aller à Saint-Pétersbourg. Il semble que le jeune artiste, qui s’ennuie à l’école, se soit<br />

instruit au contact de la richesse artistique de cette ville et de ses musées. Il s’en est très<br />

probablement inspiré pour ses premiers tableaux religieux qui ont trait au sujet chrétien<br />

classique comme la Sainte Famille et la Crucifixion. Pour ces tableaux, l’icône russe a sans<br />

doute servi de modèle <strong>par</strong> le thème et <strong>par</strong> la composition, sans que <strong>Chagall</strong> ne traite ces<br />

sujets de manière classique. Dans ses tableaux 1085 de Sainte Famille, le couple et son<br />

enfant sont situés dans un cadre ressemblant à Vitebsk, sous l’ap<strong>par</strong>ence de villageois. Les<br />

symboles dans les tableaux figurant les gestes des personnages sont énigmatiques et bien<br />

loin des conventions. En effet, la symbolique classique y est plutôt bouleversée : on voit un<br />

cochon au lieu de l’agneau, et l’enfant Jésus est peint comme un adulte avec de la barbe.<br />

Quant à la Crucifixion, le Christ sur la croix dans le tableau Golgotha 1086 a l’ap<strong>par</strong>ence<br />

d’un enfant. Quelle que soit leur vraie signification, ces représentations choquent les<br />

spectateurs. Pourquoi <strong>Chagall</strong> a-t-il voulu nous troubler ? Est-ce qu’il a voulu susciter un<br />

scandale ? Peut-être a-t-il simplement essayé des modifications intéressantes ? Mais, n’estil<br />

pas possible aussi de supposer que ce bouleversement résulte de la confusion de l’artiste<br />

vis-à-vis d’un autre monde qui n’est pas le sien ? Pour le jeune <strong>Chagall</strong> qui vient de sortir<br />

d’une petite communauté juive, le christianisme et l’icône étaient certainement choses<br />

étrangères et nouvelles, aux quelles il n’était pas habitué. Si on se fie à son témoignage, il a<br />

certes reconnu la qualité de la tradition artistique russe au travers des icônes, mais cet art<br />

religieux orthodoxe lui est resté « étranger » 1087 . Les aspects insolites dans ses tableaux de<br />

la Sainte Famille et de la Crucifixion indiquent vraisemblablement son malaise face à cette<br />

étrangeté. Puis, en y introduisant des éléments juifs et vitebskois, il semble s’approprier le<br />

sujet à sa manière ; dès lors, les symboles classiques perdent leur sens originel. De même,<br />

à <strong>Paris</strong>, <strong>Chagall</strong> emploie le thème biblique pour en faire des peintures expérimentales. Ses<br />

personnages tels que Adam et Eve, Caïn et Abel, Joseph et la femme de Putiphar<br />

1085<br />

<strong>La</strong> Sainte Famille, 1909, Huile sur toile, Musée national d’art moderne, <strong>Paris</strong> ; <strong>La</strong> Sainte Famille, 1910,<br />

Huile sur toile, Kunsthaus, Zurich.<br />

1086<br />

Dédié au Christ, maintenant dénommé Golgotha, 1912, Huile sur toile, New York, The Museum of<br />

Modern Art.<br />

1087<br />

Cf. Lecture de <strong>Chagall</strong> dans une conférence effectuée le 5 mars 1946 à l’<strong>Université</strong> de Chicago. Le texte<br />

traduit en anglais se trouve dans l’ouvrage de HARSHAV, Benjamin, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> on Art and Culture, op.<br />

cit., p. 66 et s.<br />

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