La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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26.06.2013 Views

(Isaïe XXVII, 13) et au jour de la libération des captifs (Zacharie IX, 14). Le son du chofar est avant tout le signal de rassemblement et de convocation de l’assemblée d’Israël. Dans ce sens, l’illustration correspondrait bien au thème de la délivrance, souligné dans le psaume XLIV. Cette planche s’avère alors très singulière parmi toutes, car la compréhension de l’image dépend de la signification du chofar, de son usage symbolique dans le judaïsme. Dans l’ensemble de cet ouvrage, comme dans d’autres livres bibliques illustrés par Chagall, certains objets symboliques juifs occupent une place importante. Premièrement, les Tables de la Loi apparaissent dès la première planche comme un symbole de la Loi de l’Éternel elle-même. Dans la planche I (ill. 286), les Tables de la Loi incarnent l’amour divin, avec l’ange qui s’approche de l’homme. Or, cette Loi est aussi représentée directement à la place de la figure de Dieu : dans les planches II (ill. 274) et III (ill. 276), les Tables de la Loi sont placées devant le psalmiste qui implore le secours divin. Dans la planche XXVI (ill. 291), ce sont de même les Tables de la Loi ailées qui guident le peuple hébreu sortant d’Égypte. Chagall employa plusieurs manières pour évoquer la figure divine, mais l’emploi des Tables de la Loi à cette fin est nouveau. Deuxièmement, l’artiste introduisit le chandelier allumé à plusieurs reprises. Dans les planches XXV (ill. 272) et XXVII (ill. 273), cet objet plane devant le roi qui semble s’adresser au peuple. Dans la planche XX, un ange apporte un chandelier au-dessus du roi lisant un livre. Dans le cas de la planche XVIII, qui représente le roi violoniste parmi d’autres musiciens, le chandelier fait curieusement partie de cette scène musicale (ill. 271). Il est difficile de comprendre le sens de l’objet dans toutes ces planches qui ne sont pas des illustrations littérales. La symbolique du chandelier est naturellement liée à la lumière sainte, mais la menorah évoque aussi, entre autres, la Torah et la relation entre Dieu et le peuple d’Israël. Elle est donc dotée d’une signification semblable à celle de Torah, comme symbole de la lumière éternelle illuminant tout Juif en tout temps 1060 . C’est sans doute dans ce sens global que nous devons interpréter les chandeliers de ces planches. Par ailleurs, l’importance accordée à cet objet par l’artiste est visible dans la planche VIII (ill. 293) 1061 . Loin d’être fidèle au psaume XIII qui relate l’appel au secours divin du roi David, Chagall représenta un personnage à tête de cheval ou de chèvre, accompagné par un oiseau. Il tient un chandelier dans ses bras et fait un geste de protection. La signification est encore difficile à saisir, et il faudrait recourir à la symbolique générale du chandelier, applicable 1060 Cf. Victor Klagsbald, À l’ombre de Dieu – dix essais sur la symbolique dans l’art juif, op. cit., pp. 1-8. 1061 Planche VIII pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 304

non pas à un texte précis, mais plutôt au sens général des psaumes. Outre les Tables de la Loi et le chandelier, Chagall dessina l’étoile de David dans de nombreuses planches. À la différence des deux premiers objets, l’étoile est présentée comme un détail sans importance, mais elle n’est tout de même pas un simple astre mais un symbole des Juifs, car l’artiste la représente constamment dans le ciel du jour. Comme un messager d’amour et de paix Toutes les planches que nous avons étudiées jusqu’ici montrent les diverses manières que Chagall employa pour illustrer les psaumes. Nous avons aussi appris qu’il partageait les mêmes difficultés que les artistes médiévaux et qu’il adoptait plus ou moins les mêmes solutions qu’eux pour aborder les textes. Il réalisa alors des planches dont le lien au texte est très variable. Or, parmi les planches dans lesquelles nous ne trouvons aucun lien direct entre l’image et le texte, il faut noter deux exemples qui sont plus particulièrement originaux. Les planches XI et XV sont uniques, car elles ne sont pas des illustrations des psaumes mais des autoportraits de Chagall. Dans la planche XV (ill. 280), l’artiste peint le roi David avec sa harpe. Nous remarquons également des personnages derrière le peintre vers qui s’approche un ange. De la même manière, la planche XI (ill. 294) 1062 représente le peintre devant son chevalet. Cette fois-ci, il peint un vase de fleurs, mais il est aussi entouré de personnages comme dans la planche XV et un ange apparaît audessus de lui. Cet ange, très grand par rapport aux anges dans les autres planches, occupe une place importante. En effet, cette planche rappelle le tableau de l’artiste, L’apparition 1063 (ill. 295), dans lequel il évoque son rêve à Saint-Pétersbourg lors de sa formation artistique 1064 . En figurant son autoportrait en jeune peintre et un ange apparu devant lui, il semble que Chagall y annonce sa vocation d’artiste placé sous une bénédiction divine. Or, la planche XI se réfère au psaume XXIII dans lequel le roi David chante l’amour de Dieu : « L’Éternel est mon berger. Je ne manquerai de rien [...] » 1065 . Ce sont la présence de Dieu et sa protection qui sont soulignées dans le psaume. Pour ce texte, si l’artiste illustra la présence ou la bénédiction divine dans sa propre vie, c’est probablement le signe qu’il s’identifia ainsi au psalmiste exaltant la grâce de l’Éternel dans sa vie. Quant à la planche XV, elle se réfère au psaume XXXIX dans lequel le psalmiste, face à la mort, médite sur la vie éphémère des hommes. Chagall se représente à nouveau 1062 Planche XI pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 1063 L’apparition, 1917-1918, Huile sur toile, 157 x 140 cm, Saint-Pétersbourg, Collection Zinaïda Gordéïéva. 1064 Cf. Marc Chagall, Ma vie, op. cit., p. 118. 1065 Psaume XXIII, 1. 305

non pas à un texte précis, mais plutôt au sens général des psaumes. Outre les Tables de la<br />

Loi et le chandelier, <strong>Chagall</strong> dessina l’étoile de David dans de nombreuses planches. À la<br />

différence des deux premiers objets, l’étoile est présentée comme un détail sans<br />

importance, mais elle n’est tout de même pas un simple astre mais un symbole des Juifs,<br />

car l’artiste la représente constamment dans le ciel du jour.<br />

Comme un messager d’amour et de paix<br />

Toutes les planches que nous avons étudiées jusqu’ici montrent les diverses<br />

manières que <strong>Chagall</strong> employa pour illustrer les psaumes. Nous avons aussi appris qu’il<br />

<strong>par</strong>tageait les mêmes difficultés que les artistes médiévaux et qu’il adoptait plus ou moins<br />

les mêmes solutions qu’eux pour aborder les textes. Il réalisa alors des planches dont le<br />

lien au texte est très variable. Or, <strong>par</strong>mi les planches dans lesquelles nous ne trouvons<br />

aucun lien direct entre l’image et le texte, il faut noter deux exemples qui sont plus<br />

<strong>par</strong>ticulièrement originaux. Les planches XI et XV sont uniques, car elles ne sont pas des<br />

illustrations des psaumes mais des autoportraits de <strong>Chagall</strong>. Dans la planche XV (ill. 280),<br />

l’artiste peint le roi David avec sa harpe. Nous remarquons également des personnages<br />

derrière le peintre vers qui s’approche un ange. De la même manière, la planche XI (ill.<br />

294) 1062 représente le peintre devant son chevalet. Cette fois-ci, il peint un vase de fleurs,<br />

mais il est aussi entouré de personnages comme dans la planche XV et un ange ap<strong>par</strong>aît audessus<br />

de lui. Cet ange, très grand <strong>par</strong> rapport aux anges dans les autres planches, occupe<br />

une place importante. En effet, cette planche rappelle le tableau de l’artiste,<br />

L’ap<strong>par</strong>ition 1063 (ill. 295), dans lequel il évoque son rêve à Saint-Pétersbourg lors de sa<br />

formation artistique 1064 . En figurant son autoportrait en jeune peintre et un ange ap<strong>par</strong>u<br />

devant lui, il semble que <strong>Chagall</strong> y annonce sa vocation d’artiste placé sous une<br />

bénédiction divine. Or, la planche XI se réfère au psaume XXIII dans lequel le roi David<br />

chante l’amour de Dieu : « L’Éternel est mon berger. Je ne manquerai de rien [...] » 1065 . Ce<br />

sont la présence de Dieu et sa protection qui sont soulignées dans le psaume. Pour ce texte,<br />

si l’artiste illustra la présence ou la bénédiction divine dans sa propre vie, c’est<br />

probablement le signe qu’il s’identifia ainsi au psalmiste exaltant la grâce de l’Éternel dans<br />

sa vie. Quant à la planche XV, elle se réfère au psaume XXXIX dans lequel le psalmiste,<br />

face à la mort, médite sur la vie éphémère des hommes. <strong>Chagall</strong> se représente à nouveau<br />

1062<br />

Planche XI pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm.<br />

1063<br />

L’ap<strong>par</strong>ition, 1917-1918, Huile sur toile, 157 x 140 cm, Saint-Pétersbourg, Collection Zinaïda Gordéïéva.<br />

1064<br />

Cf. <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, Ma vie, op. cit., p. 118.<br />

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Psaume XXIII, 1.<br />

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