La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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imaginer que l’archer et l’œil dans le ciel représentent chacun l’adversaire et la surveillance divine 1052 . En effet, la lecture du psaume nous permet de mieux saisir le sens de ces éléments : « Vois les méchants bander leur arc, poser leur flèche sur la corde ; l’Éternel a son trône au ciel, de ses yeux il observe, il examine les humains » 1053 . Ainsi, notre hypothèse semble se confirmer, bien que l’ensemble de l’image reste toujours difficilement explicable et paraisse très symbolique. Une autre partie des illustrations ne se réfère pas même à des mots du texte, elle s’inspire du thème global des Psaumes ou de la Bible, interprété par l’artiste lui-même. La planche XVI (ill. 288) 1054 , ainsi que la XXI (ill. 289) 1055 , montre une personne qui semble prier. Elle tend ses mains, devant lesquelles se manifestent la main de Dieu (pl. XVI) et Moïse ailé (pl. XXI). La prière à Dieu est un sujet d’illustration qui pourrait être rattaché à n’importe quel psaume, mais le lien entre ces images et leur texte est très faible. Le psaume XL qu’illustre la planche XVI parle de l’espoir et de la confiance que le psalmiste met en l’Éternel. Et dans le psaume LXIII de la planche XXI, le roi parle de son cœur dévoué à son Dieu. Ces contenus ne sont pas concrètement exprimés dans les images. De plus, dans les planches XXII, XXIII, XXV et XXVII, nous ne trouvons que peu de liens avec les psaumes concernés, à part la présence du roi psalmiste dans chaque image. Les planches XXV (ill. 272) et XXVII (ill. 273) montrant une scène presque identique, dans laquelle le roi est assis sur le trône devant une foule assemblée, semblent avoir un message indépendant des textes auxquels elles sont liées : le psaume C de la planche XXV est un psaume pour remercier Dieu, et le psaume CXXII est un cantique pour la route vers la demeure de l’Éternel. Le même constat s’impose dans d’autres exemples. La planche XXII représente le roi sautant de joie comme un enfant (ill. 279), alors que dans le psaume LXXI le psalmiste implore que Dieu, son soutien dès sa naissance, ne l’abandonne pas dans sa vieillesse. Quant à la planche XXIII (ill. 290) 1056 , qui montre le roi devant un grand coq et un ange, elle semble avoir un sens symbolique car elle n’explique guère le psaume LXXII qui est une prière pour le roi et sa justice. Si les exemples que nous venons de citer révèlent un caractère indépendant de ces illustrations par rapport à leur texte, certaines planches sont très originalement liées à leur 1052 Pierre Provoyeur vit dans l’astre au visage humain une figure divine veillant sur l’homme : « [...] visage bienveillant aux yeux mi-clos, lune ou soleil, figure poétique et innocente derrière laquelle sont enfouis les secrets du monde » (Marc Chagall Psaumes de David, Catalogue d’exposition, Nice, Musée National Message Biblique Marc Chagall, 1980). 1053 Psaume XI, 2 ; 4. 1054 Planche XVI pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 1055 Planche XXI pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 1056 Planche XXIII pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 302

psaume. Plus haut, nous avons évoqué que les artistes médiévaux illustraient des scènes de l’Ancien Testament liées à des psaumes. Chagall aussi fit de même pour la planche XXVI. Celle-ci représente une grande foule qui marche, au-dessus d’elle flottent Moïse, les Tables de la Loi ailées et des oiseaux (ill. 291) 1057 . En effet, le psaume CXIV auquel la planche se réfère commence par « Quand Israël sortit d’Égypte, quand les descendants de Jacob quittèrent un peuple étranger […] » 1058 . La scène représente donc le moment de la sortie des Hébreux, d’après les versets qui introduisent le psaume, mais qui ne reflètent pas son contenu principal. Le cas des planches V (ill. 270) et XVIII (ill. 271) est encore plus intéressant. Toutes les deux représentent le roi David musicien, comme un chef d’orchestre dans la planche V et comme un violoniste entouré d’autres musiciens dans la planche XVIII. Or, ces images sont loin d’illustrer le texte. Le psaume VI auquel la planche V se réfère est un psaume de David qui supplie le secours de Dieu, et le sujet du psaume XLV de la planche XVIII est le mariage du roi. Cependant, ces psaumes ont un point commun, celui d’être des psaumes à chanter avec un accompagnement d’instruments de musique. D’ailleurs, en tête de ces psaumes, le destinataire est précisé comme « Au chef de chœur ». Cette note est alors très probablement la clé de ces illustrations. L’artiste semble s’en inspirer pour l’illustration de ces textes en faisant directement de David un chef de chœur et un musicien. Ainsi, ces images paraissent étrangement loin des textes au premier abord, mais en réalité elles se réfèrent directement aux titres des textes. Ces exemples nous apprennent qu’il faut aborder les planches de Chagall de diverses manières. Même parmi les planches qui semblent complètement détachées du texte, il peut y avoir une raison particulière pour que l’artiste les illustre ainsi. Tel est le cas, par exemple, de la planche XVII (ill. 292) 1059 illustrant le psaume XLIV. Dans celuici, le psalmiste se lamente du malheur du peuple livré à ses ennemis étrangers et il invoque le secours divin et la délivrance. Pour cela, l’artiste représente un joueur du chofar audessus d’une masse de personnages dont la nature est difficile à saisir. Un ange plane également au-dessus de cette foule, et le soleil brille dans le ciel. Cette illustration, qui ne montre que peu de lien avec le texte, demande peut-être une interprétation symbolique. En effet, le chofar étant un objet symbolique très important dans le judaïsme, sa présence dans l’image peut apporter un sens particulier. À l’époque biblique, cet instrument construit à partir de corne de bélier fut utilisé, entre autres, lors du grand retour après la captivité 1057 Planche XXVI pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 1058 Psaume CXIV, 1. 1059 Planche XVII pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 303

psaume. Plus haut, nous avons évoqué que les artistes médiévaux illustraient des scènes de<br />

l’Ancien Testament liées à des psaumes. <strong>Chagall</strong> aussi fit de même pour la planche XXVI.<br />

Celle-ci représente une grande foule qui marche, au-dessus d’elle flottent Moïse, les Tables<br />

de la Loi ailées et des oiseaux (ill. 291) 1057 . En effet, le psaume CXIV auquel la planche se<br />

réfère commence <strong>par</strong> « Quand Israël sortit d’Égypte, quand les descendants de Jacob<br />

quittèrent un peuple étranger […] » 1058 . <strong>La</strong> scène représente donc le moment de la sortie<br />

des Hébreux, d’après les versets qui introduisent le psaume, mais qui ne reflètent pas son<br />

contenu principal. Le cas des planches V (ill. 270) et XVIII (ill. 271) est encore plus<br />

intéressant. Toutes les deux représentent le roi David musicien, comme un chef d’orchestre<br />

dans la planche V et comme un violoniste entouré d’autres musiciens dans la planche<br />

XVIII. Or, ces images sont loin d’illustrer le texte. Le psaume VI auquel la planche V se<br />

réfère est un psaume de David qui supplie le secours de Dieu, et le sujet du psaume XLV<br />

de la planche XVIII est le mariage du roi. Cependant, ces psaumes ont un point commun,<br />

celui d’être des psaumes à chanter avec un accompagnement d’instruments de musique.<br />

D’ailleurs, en tête de ces psaumes, le destinataire est précisé comme « Au chef de chœur ».<br />

Cette note est alors très probablement la clé de ces illustrations. L’artiste semble s’en<br />

inspirer pour l’illustration de ces textes en faisant directement de David un chef de chœur<br />

et un musicien. Ainsi, ces images <strong>par</strong>aissent étrangement loin des textes au premier abord,<br />

mais en réalité elles se réfèrent directement aux titres des textes.<br />

Ces exemples nous apprennent qu’il faut aborder les planches de <strong>Chagall</strong> de<br />

diverses manières. Même <strong>par</strong>mi les planches qui semblent complètement détachées du<br />

texte, il peut y avoir une raison <strong>par</strong>ticulière pour que l’artiste les illustre ainsi. Tel est le<br />

cas, <strong>par</strong> exemple, de la planche XVII (ill. 292) 1059 illustrant le psaume XLIV. Dans celuici,<br />

le psalmiste se lamente du malheur du peuple livré à ses ennemis étrangers et il invoque<br />

le secours divin et la délivrance. Pour cela, l’artiste représente un joueur du chofar audessus<br />

d’une masse de personnages dont la nature est difficile à saisir. Un ange plane<br />

également au-dessus de cette foule, et le soleil brille dans le ciel. Cette illustration, qui ne<br />

montre que peu de lien avec le texte, demande peut-être une interprétation symbolique. En<br />

effet, le chofar étant un objet symbolique très important dans le judaïsme, sa présence dans<br />

l’image peut apporter un sens <strong>par</strong>ticulier. À l’époque biblique, cet instrument construit à<br />

<strong>par</strong>tir de corne de bélier fut utilisé, entre autres, lors du grand retour après la captivité<br />

1057<br />

Planche XXVI pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm.<br />

1058<br />

Psaume CXIV, 1.<br />

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Planche XVII pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm.<br />

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