La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
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tirage. Il fut édité en outre, quarante albums numérotés de 1 à 40 contenant la suite des trente eaux-fortes du livre ainsi que deux eaux-fortes supplémentaires, toutes tirées sur vélin d’Arches. Chacune de ces épreuves fut justifiée et signée par l’artiste 1017 . En ce qui concerne l’Exode, nous avons parlé de la spécificité du livre et de la place qu’il occupe dans le judaïsme et chez Chagall. La même réflexion est nécessaire pour les Psaumes, puisque la compréhension de la fonction du livre et de son importance nous permettra une meilleure analyse des illustrations de l’artiste. Si le livre de l’Exode, l’histoire de la sortie d’Égypte des Hébreux et de leur alliance avec Dieu, prit une place unique chez les Juifs sous la forme de la Haggadah, les Psaumes trouvèrent de l’importance chez les Occidentaux, notamment dans le monde médiéval, en tant que textes liturgiques, lus comme des livres de prières. En particulier, les psaumes constituèrent l’élément principal de la liturgie monastique, une fois que les hymnes juifs furent adaptés à l’usage chrétien 1018 . Tout comme les Haggadots, les psautiers furent souvent richement illustrés, et revêtirent ainsi une importance particulière dans l’art. Les illustrations de Chagall sur les Psaumes concernent essentiellement ceux du roi David. Parmi les trente planches, la plupart se rattachent aux psaumes réputés pour avoir été rédigés par celui-ci. Il apparaît donc tout naturellement comme le héros dans presque la moitié des trente illustrations. David était, avec Moïse, l’un des personnages bibliques préférés de Chagall, et fut maintes fois représenté par l’artiste, parfois même avec son autoportrait. Dans un tableau peint vers 1975 intitulé Le Roi David et le peintre 1019 (ill. 269), ces deux personnages se trouvent dans le même espace. L’artiste tenant une palette et allongé par terre est sans doute Chagall lui-même : le paysage du fond avec de petites maisons et une église à coupole est celui de Vitebsk, sa ville natale. Les mariés sous le dais, peints en haut à droite dans le tableau, rappellent également un souvenir de l’artiste, son mariage avec Bella. Par ailleurs, là où le peintre est allongé, le roi à la harpe se tient debout. Cette représentation du roi dressé, la couronne sur la tête, vêtu d’une longue robe et un instrument dans les mains a pour modèle iconographique une illustration de la Bible (planche LXVI (ill. 47) 1020 ). Cet aspect devint l’archétype des représentations du roi David 1017 Psaumes de David. Eaux-fortes originales de Marc Chagall, Genève, Gérald Cramer Éditeur, 1979. 1018 Christopher de Hamel, La Bible Histoire du Livre, Paris, Phaidon Press Limited, 2002, p. 143. 1019 Le Roi David et le peintre, vers 1975, Gouache, tempera et pastel sur papier, 65 x 50,2 cm, Paris, Collection particulière ; Cf. André Verdet, Chagall méditerranéen, op. cit., p. 124. 1020 Ayant appris la mort de Jonathan, son ami le plus cher, tué dans le combat contre les Philistins, David le pleure et chante un cantique funèbre (pl. LXVI), 1952-1956, Eau-forte, 32 x 24 cm, Nice, Musée National Message Biblique Marc Chagall. 296
chez Chagall. Nous le retrouvons dans d’innombrables images, entre autres dans Le Roi David 1021 de 1951, l’un des grands tableaux qui avaient été conçus pour le cycle biblique. Outre la même représentation de David, nous retrouvons également dans ce tableau un autoportrait de l’artiste tenant sa palette, entouré de sa famille. Ainsi, en se mettant en parallèle avec le roi, Chagall montrait sa proximité affective avec ce personnage biblique, qui avait probablement motivé l’artiste pour réaliser ces illustrations. L’appui de Chagall sur la tradition dans les représentations de David Dans la tradition d’illustration du psautier, la représentation de David dans son rôle de musicien est la plus fréquemment utilisée. Il est souvent représenté trônant, jouant d’un instrument entouré d’autres musiciens 1022 . Chagall employa aussi cette iconographie dans cinq planches (pl. IV, V, XV, XVIII et XXIX) en figurant le roi avec ses attributs comme la couronne, la longue robe et la harpe. Or, dans deux planches, le roi apparaît comme un musicien contemporain : il dirige un concert de musique comme un chef d’orchestre (pl. V (ill. 270) 1023 ) et il joue du violon (pl. XVIII (ill. 271) 1024 ). Ceci est une expression complètement personnelle de Chagall qui, éloignant David de l’époque biblique lointaine, l’introduit près de nous pour rendre plus vivant le personnage. Outre le motif de David musicien, nous pouvons encore trouver dans les représentations chagalliennes du roi des points communs avec celles des psautiers médiévaux. Ceux-ci figurèrent souvent David comme un modèle du souverain médiéval 1025 , et Chagall aussi le figura deux fois comme le roi assis sur son trône (pl. XXV (ill. 272) 1026 et pl. XXVII (ill. 273) 1027 ). Dans les deux planches, une foule est rassemblée aux pieds du roi qui leur fait des gestes de bénédiction. Un autre point commun entre ces deux planches révèle pour autant une spécificité de l’artiste, qui le distingue nettement des psautiers occidentaux : la présence d’un oiseau et d’un chandelier auprès du roi. L’oiseau – un coq ? – signifiant souvent la vie est l’un des motifs les plus représentés chez Chagall, et le chandelier à plusieurs branches est indispensablement présent chez l’artiste pour 1021 Le Roi David, 1950-1951, Huile sur toile, 197 x 133 cm, Nice, Musée National Message Biblique Marc Chagall ; Cf. Franz Meyer, Marc Chagall, op. cit., cat. ill. 832. 1022 Kathleen Corrigan, « Early Medieval Psalter Illustration in Byzantium and the West », The Utrecht Psalter in Medieval Art – Picturing the Psalms of David, éd. par Kœrt van der Horst, William Noel, Wilhelmina C. M. Wüstefeld, Westrenen, HES Publishers BU, 1996, p. 87. 1023 Planche V pour Psaumes de David (éd. par Gérald Cramer, Genève, 1979), Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 1024 Planche XVIII pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 1025 Kathleen Corrigan, « Early Medieval Psalter Illustration in Byzantium and the West », art. cit., pp. 89-91. 1026 Planche XXV pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 1027 Planche XXVII pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm. 297
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chez <strong>Chagall</strong>. Nous le retrouvons dans d’innombrables images, entre autres dans Le Roi<br />
David 1021 de 1951, l’un des grands tableaux qui avaient été conçus pour le cycle biblique.<br />
Outre la même représentation de David, nous retrouvons également dans ce tableau un<br />
autoportrait de l’artiste tenant sa palette, entouré de sa famille. Ainsi, en se mettant en<br />
<strong>par</strong>allèle avec le roi, <strong>Chagall</strong> montrait sa proximité affective avec ce personnage biblique,<br />
qui avait probablement motivé l’artiste pour réaliser ces illustrations.<br />
L’appui de <strong>Chagall</strong> sur la tradition dans les représentations de David<br />
Dans la tradition d’illustration du psautier, la représentation de David dans son<br />
rôle de musicien est la plus fréquemment utilisée. Il est souvent représenté trônant, jouant<br />
d’un instrument entouré d’autres musiciens 1022 . <strong>Chagall</strong> employa aussi cette iconographie<br />
dans cinq planches (pl. IV, V, XV, XVIII et XXIX) en figurant le roi avec ses attributs<br />
comme la couronne, la longue robe et la harpe. Or, dans deux planches, le roi ap<strong>par</strong>aît<br />
comme un musicien contemporain : il dirige un concert de musique comme un chef<br />
d’orchestre (pl. V (ill. 270) 1023 ) et il joue du violon (pl. XVIII (ill. 271) 1024 ). Ceci est une<br />
expression complètement personnelle de <strong>Chagall</strong> qui, éloignant David de l’époque biblique<br />
lointaine, l’introduit près de nous pour rendre plus vivant le personnage.<br />
Outre le motif de David musicien, nous pouvons encore trouver dans les<br />
représentations chagalliennes du roi des points communs avec celles des psautiers<br />
médiévaux. Ceux-ci figurèrent souvent David comme un modèle du souverain<br />
médiéval 1025 , et <strong>Chagall</strong> aussi le figura deux fois comme le roi assis sur son trône (pl. XXV<br />
(ill. 272) 1026 et pl. XXVII (ill. 273) 1027 ). Dans les deux planches, une foule est rassemblée<br />
aux pieds du roi qui leur fait des gestes de bénédiction. Un autre point commun entre ces<br />
deux planches révèle pour autant une spécificité de l’artiste, qui le distingue nettement des<br />
psautiers occidentaux : la présence d’un oiseau et d’un chandelier auprès du roi. L’oiseau –<br />
un coq ? – signifiant souvent la vie est l’un des motifs les plus représentés chez <strong>Chagall</strong>, et<br />
le chandelier à plusieurs branches est indispensablement présent chez l’artiste pour<br />
1021<br />
Le Roi David, 1950-1951, Huile sur toile, 197 x 133 cm, Nice, Musée National Message Biblique <strong>Marc</strong><br />
<strong>Chagall</strong> ; Cf. Franz Meyer, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, op. cit., cat. ill. 832.<br />
1022<br />
Kathleen Corrigan, « Early Medieval Psalter Illustration in Byzantium and the West », The Utrecht<br />
Psalter in Medieval Art – Picturing the Psalms of David, éd. <strong>par</strong> Kœrt van der Horst, William Noel,<br />
Wilhelmina C. M. Wüstefeld, Westrenen, HES Publishers BU, 1996, p. 87.<br />
1023<br />
Planche V pour Psaumes de David (éd. <strong>par</strong> Gérald Cramer, Genève, 1979), Eau-forte et aquatinte en<br />
couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm.<br />
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Planche XVIII pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm.<br />
1025<br />
Kathleen Corrigan, « Early Medieval Psalter Illustration in Byzantium and the West », art. cit., pp. 89-91.<br />
1026<br />
Planche XXV pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm.<br />
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Planche XXVII pour Psaumes de David, 1979, Eau-forte et aquatinte en couleurs, 20, 5 cm x 14, 5 cm.<br />
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