La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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Consécration d’Aaron (ill. 266) 1012 , version en couleurs de l’eau-forte sur le même sujet, est une véritable illustration de cet objet, occupant la majorité de la place dans l’image. Pour Moïse convoquant les anciens et leur présentant les Tables, Chagall représente de nouveau les Tables de la Loi tenues par Moïse, accompagné par Aaron présentant le chandelier (ill. 267) 1013 . La représentation de Moïse et Aaron flottant dans les airs avec des oiseaux constitue encore une fois une image éloignée d’une illustration littérale ou très peu narrative, ce qui nous fait croire que ce sont les symboliques de ces objets remplissent le véritable sujet de cette planche. En outre, une lithographie est presque entièrement consacrée à des symboles juifs. Intitulée La Mission de Beçalel (ill. 268) 1014 , elle représente l’artisan chargé de la création des objets liturgiques, tout ce que l’Éternel avait ordonné à Moïse. Parallèlement au portrait de Beçalel, Chagall représenta un chandelier, une étoffe décorée par deux lions héraldiques, ainsi que par une couronne et deux mains, un grand oiseau couronné, et une étoile de David comportant le nom de Dieu. Ce qui nous frappe d’abord, c’est que Chagall figura des symboles plutôt que certains objets liturgiques mentionnés dans la Bible 1015 . L’oiseau couronné et l’étoile de David ne sont évidemment pas sur la liste des travaux de Beçalel. De plus, quant au chandelier, il le représenta seulement avec cinq branches, ce qui ne correspond pas aux normes précisées dans le texte. Ensuite, les motifs symboliques sont anachroniques : l’étoile de David est certes un motif très ancien, mais répandu à partir du XV e siècle et devenu très récemment symbole du peuple juif. La couronne et les lions héraldiques sur l’étoffe apparaissent souvent sur les autels des synagogues de l’Europe orientale, qui devaient être des éléments familiers à l’enfance de Chagall 1016 . L’artiste y adopta donc ces symboles sans se soucier du décalage entre le monde où il vivait et celui de la Bible. Par ailleurs, l’oiseau couronné n’est pas un symbole traditionnel juif, mais plutôt un symbole chagallien. L’oiseau ou le coq reviennent très fréquemment chez l’artiste, plus particulièrement l’oiseau couronné représenté à plusieurs reprises dans les vitraux de Jérusalem comme un symbole de royauté. Nous le trouvons dans les fenêtres pour la tribu d’Asher, de Joseph et de Lévi. Les deux mains, qui apparaissent aussi sur l’étoffe, sont présentes dans les vitraux pour Juda et Issachar. Dans le vitrail de Juda, deux 1012 Planche XV pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 46 cm x 34, 5 cm. 1013 Planche XIV pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 45, 5 cm x 33, 5 cm. 1014 Planche XXI pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 47 cm x 35, 2 cm. 1015 Cf. Exode XXXVI-XXXVIII ; Les objets mentionnés sont les tentures, l’armature, le voile et le rideau, le coffre de l’alliance et le propitiatoire, la table et ses accessoires, le chandelier et ses lampes, l’autel des parfums et le parfum, l’autel des holocaustes et ses accessoires, le cuve de bronze, et le parvis. 1016 L’article de Meyer Schapiro dans Marc Chagall - Bible, Verve, op. cit. 294

mains tenant une couronne sont également associées à la royauté. Ainsi, l’ensemble de cette planche évoque le judaïsme par plusieurs de ses symboles traditionnels et par d’autres propres à l’artiste lui-même. C’est donc une image symbolique plutôt qu’une illustration du texte sur la mission de Beçalel. Dans ce sens, nous pouvons même voir dans la figure de Beçalel un autoportrait de l’artiste qui se consacre à l’art juif tout comme cet artisan de l’époque de Moïse. Enfin, toutes ces observations nous permettent de conclure que cet ouvrage The Story of the Exodus est davantage qu’un livre illustré sur l’Exode. La plupart des planches sont fondées sur les eaux-fortes de la Bible, mais l’artiste arriva à distinguer les deux ouvrages. Ici, en employant des éléments imaginaires, il évita l’illustration littérale, et en représentant des symboles, il en renforce le caractère judaïque. De plus, en consacrant la grande partie des représentations aux Tables de la Loi et au rouleau de la Torah, il insista sur l’alliance que Dieu prit avec son peuple à travers Ses Commandements, alliance qui est le message principal de l’Exode. 2. 2. Psaumes de David : un psautier joyeux Chagall créa son dernier livre biblique illustré sur les Psaumes, en réalisant 30 planches gravées à l’eau-forte. Publié à Genève par les éditions Cramer en 1979 et en 1980 avec deux planches supplémentaires sous le titre de Psaumes de David, cet ouvrage fut présenté au format 29 x 22 cm, très petit par rapport aux autres livres bibliques illustrés par l’artiste. Contrairement à ces livres précédents présentés en feuilles, celui de 1979 est relié plein parchemin. À l’automne 1978, Chagall fit un choix de trente Psaumes et grava pour chacun d’eux une composition originale sur cuivre. Les versets qui accompagnent ces gravures sont extraits de la traduction des Psaumes établie par les moines bénédictins de Saint-Lambert-des-Bois, éditée par Desclée de Brouwer en 1973 à Paris. Ils furent proposés par le professeur Robert Martin-Achard de l’Université de Genève. Achevé d’imprimer à Paris, le texte composé à la main en caractère Baskerville italique de corps 16, fut tiré sur les presses de Fequet et Baudier. Les trente eaux-fortes originales et leurs fonds d’aquatinte gravés sur cuivre furent imprimés sur les presses de l’atelier Lacourière et Frélaut. La reliure fut exécutée par l’atelier Duval. Il sortit 175 exemplaires sur vélin d’Arches se répartissant comme suit : 160 exemplaires numérotés de 1 à 160, et 15 exemplaires hors commerce numérotés de I à XV. Aucune épreuve du livre ne fut signée, alors que tous les exemplaires furent signés par Chagall sur la page de justification du 295

mains tenant une couronne sont également associées à la royauté. Ainsi, l’ensemble de<br />

cette planche évoque le judaïsme <strong>par</strong> plusieurs de ses symboles traditionnels et <strong>par</strong> d’autres<br />

propres à l’artiste lui-même. C’est donc une image symbolique plutôt qu’une illustration<br />

du texte sur la mission de Beçalel. Dans ce sens, nous pouvons même voir dans la figure de<br />

Beçalel un autoportrait de l’artiste qui se consacre à l’art juif tout comme cet artisan de<br />

l’époque de Moïse.<br />

Enfin, toutes ces observations nous permettent de conclure que cet ouvrage The<br />

Story of the Exodus est davantage qu’un livre illustré sur l’Exode. <strong>La</strong> plu<strong>par</strong>t des planches<br />

sont fondées sur les eaux-fortes de la <strong>Bible</strong>, mais l’artiste arriva à distinguer les deux<br />

ouvrages. Ici, en employant des éléments imaginaires, il évita l’illustration littérale, et en<br />

représentant des symboles, il en renforce le caractère judaïque. De plus, en consacrant la<br />

grande <strong>par</strong>tie des représentations aux Tables de la Loi et au rouleau de la Torah, il insista<br />

sur l’alliance que Dieu prit avec son peuple à travers Ses Commandements, alliance qui est<br />

le message principal de l’Exode.<br />

2. 2. Psaumes de David : un psautier joyeux<br />

<strong>Chagall</strong> créa son dernier livre biblique illustré sur les Psaumes, en réalisant 30<br />

planches gravées à l’eau-forte. Publié à Genève <strong>par</strong> les éditions Cramer en 1979 et en 1980<br />

avec deux planches supplémentaires sous le titre de Psaumes de David, cet ouvrage fut<br />

présenté au format 29 x 22 cm, très petit <strong>par</strong> rapport aux autres livres bibliques illustrés <strong>par</strong><br />

l’artiste. Contrairement à ces livres précédents présentés en feuilles, celui de 1979 est relié<br />

plein <strong>par</strong>chemin. À l’automne 1978, <strong>Chagall</strong> fit un choix de trente Psaumes et grava pour<br />

chacun d’eux une composition originale sur cuivre. Les versets qui accompagnent ces<br />

gravures sont extraits de la traduction des Psaumes établie <strong>par</strong> les moines bénédictins de<br />

Saint-<strong>La</strong>mbert-des-Bois, éditée <strong>par</strong> Desclée de Brouwer en 1973 à <strong>Paris</strong>. Ils furent<br />

proposés <strong>par</strong> le professeur Robert Martin-Achard de l’<strong>Université</strong> de Genève. Achevé<br />

d’imprimer à <strong>Paris</strong>, le texte composé à la main en caractère Baskerville italique de corps<br />

16, fut tiré sur les presses de Fequet et Baudier. Les trente eaux-fortes originales et leurs<br />

fonds d’aquatinte gravés sur cuivre furent imprimés sur les presses de l’atelier <strong>La</strong>courière<br />

et Frélaut. <strong>La</strong> reliure fut exécutée <strong>par</strong> l’atelier Duval. Il sortit 175 exemplaires sur vélin<br />

d’Arches se ré<strong>par</strong>tissant comme suit : 160 exemplaires numérotés de 1 à 160, et 15<br />

exemplaires hors commerce numérotés de I à XV. Aucune épreuve du livre ne fut signée,<br />

alors que tous les exemplaires furent signés <strong>par</strong> <strong>Chagall</strong> sur la page de justification du<br />

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