La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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26.06.2013 Views

probablement pour renforcer la signification de ces éléments. Dans la planche suivante qui représente le bâton de Moïse transformé en serpent, c’est encore un ange qui est ajouté comme élément nouveau. L’ange étant souvent dessiné chez Chagall afin de suggérer la figure de Dieu, nous pouvons penser que cet ange manifeste la présence divine dans l’action de Moïse. Par ailleurs, l’artiste supprima les images du fond, représentant la foule autour du Pharaon dans l’eau-forte, de telle sorte que la planche est moins anecdotique et plus centrée sur le contenu principal. Dans le reste des exemples, les éléments ajoutés ou modifiés ont un caractère singulier, qui différencie ces planches des illustrations littérales comme la plupart des eaux-fortes de la Bible. Par exemple, dans la planche Moïse recevant les Tables de la Loi (ill. 258) 1004 nous trouvons quatre éléments nouveaux par rapport à l’eau-forte : une foule en bas de la montagne, un buisson, un oiseau et une figure ayant une triple-tête. La foule est sans doute le peuple qui attend Moïse, et le buisson est censé rappeler le buisson ardent. Si ces éléments sont ajoutés pour expliquer le contexte, les deux autres, l’oiseau et la tête à trois visages sont des motifs picturaux purement chagalliens, en particulier, cette figure composée d’une tête de chèvre et de deux visages humains dont l’un est renversé. Cette figure à triple-tête tient les Tables de la Loi données à Moïse. Il s’agit donc probablement d’un ange remplaçant la main de Dieu, expression employée dans l’eau-forte, mais le fait de lui donner une tête à la fois humaine et animalière est exceptionnel et surtout inimaginable pour une illustration du texte biblique. Même si nous n’arrivons pas à savoir quelle est la signification exacte de cette figure énigmatique, cet exemple nous montre que Chagall, en introduisant des motifs imaginaires, dote cette image d’une caractéristique différente de son illustration pour la Bible sur le même sujet. En continuant à observer les éléments ajoutés, nous remarquons la récurrence d’un même motif dans plusieurs planches, ce qui signifie sans doute son importance dans ce livre. Dans Le Passage de la mer Rouge (ill. 259) 1005 , l’élément nouveau par rapport à l’eau-forte est un ange tenant un rouleau de la Torah. L’ange s’approche des Égyptiens engloutis par la mer, comme s’il voulait leur apporter la parole de l’Éternel. Par l’ajout du rouleau de la Torah, l’artiste s’écarte de nouveau d’une illustration littérale, car le rouleau de la Torah, les cinq premiers livres de la Bible, un objet inventé bien plus tard que l’évènement dans l’image, ne peut pas être ici représenté. Or, nous pouvons faire le même constat dans plusieurs planches y compris celles ayant les mêmes compositions que les 1004 Planche XVI pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 46 cm x 33, 5 cm. 1005 Planche X pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 45, 5 cm x 33, 1 cm. 292

eaux-fortes. Par exemple, dans Moïse jetant les Tables de la Loi (ill. 260) 1006 , nous trouvons à côté de Moïse un ange barbu tenant un rouleau de la Torah dans ses bras. De même, Moïse présentant les Tables de la Loi (ill. 261) 1007 comporte un ange à tête de chèvre tenant le rouleau. Pour la dernière illustration de l’ouvrage, en représentant la Nuée guidant le peuple (ill. 262) 1008 sur une double page, l’artiste ajoute de nouveau Moïse présentant les Tables de la Loi sur la montagne, et il glisse parmi le peuple marchant un homme tenant un rouleau de la Torah dans ses bras. Ce fait est doublement anachronique, car le texte de l’Exode (XIII, 21) relate que l’Éternel marchait dans une colonne de nuée pour montrer le chemin aux Israélites après la sortie d’Égypte. Et Moïse ne reçoit les Tables de la Loi qu’à leur arrivée au mont Sinaï. De plus, la Torah comportant aussi des livres postérieurs à l’Exode, elle ne peut pas y être représentée. Tout cela indique que cette planche n’est pas une simple illustration du texte, mais plutôt une image symbolique où plusieurs éléments sont juxtaposés pour constituer un message. En effet, ces deux éléments ajoutés – les Tables de la Loi et la Torah – à plusieurs titres anachroniques ne représentent qu’une chose : la Loi donnée par Dieu à son peuple. Le livre de l’Exode raconte principalement l’histoire de la sortie d’Égypte du peuple hébreu et son alliance avec Dieu à travers Moïse. Ainsi, cette illustration qui est la dernière image du livre, en montrant tous ces éléments – la marche du peuple, le guide de l’Éternel et la Loi – semble résumer le contenu principal du livre de l’Exode. L’importance de la Loi est soulignée par plusieurs représentations des Tables de la Loi comme motif principal. Outre les exemples déjà cités, nous trouvons deux planches qui mettent en valeur les Tables de la Loi tenues par Moïse : l’une représente en gros plan uniquement l’objet et la personne (ill. 263) 1009 , et l’autre les montre avec Aaron (ill. 264) 1010 . Le frontispice illustre également les Tables de la Loi avec le visage de Moïse (ill. 265) 1011 . Or, ce visage est double : la barbe de Moïse figuré à l’envers construit en même temps les cheveux d’un autre visage, qui ressemble à celui de Chagall avec ses cheveux bouclés. Le frontispice est rempli aussi par un animal, un oiseau, un bouquet et un chandelier. Le chandelier étant également un objet symbolique très important dans le judaïsme, il n’est pas étonnant d’en retrouver plusieurs dans cet ouvrage. La planche sur la 1006 Planche XVIII pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 45 cm x 33, 3 cm. 1007 Planche XX pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 45, 2 cm x 33, 2 cm. 1008 Planche XXIV pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 46, 5 cm x 69, 5 cm. 1009 Planche XIX pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 46 cm x 33, 3 cm. 1010 Planche XXII pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 45, 8 cm x 33 cm. 1011 Planche I pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 44, 5 cm x 32, 2 cm. 293

probablement pour renforcer la signification de ces éléments. Dans la planche suivante qui<br />

représente le bâton de Moïse transformé en serpent, c’est encore un ange qui est ajouté<br />

comme élément nouveau. L’ange étant souvent dessiné chez <strong>Chagall</strong> afin de suggérer la<br />

figure de Dieu, nous pouvons penser que cet ange manifeste la présence divine dans<br />

l’action de Moïse. Par ailleurs, l’artiste supprima les images du fond, représentant la foule<br />

autour du Pharaon dans l’eau-forte, de telle sorte que la planche est moins anecdotique et<br />

plus centrée sur le contenu principal.<br />

Dans le reste des exemples, les éléments ajoutés ou modifiés ont un caractère<br />

singulier, qui différencie ces planches des illustrations littérales comme la plu<strong>par</strong>t des<br />

eaux-fortes de la <strong>Bible</strong>. Par exemple, dans la planche Moïse recevant les Tables de la Loi<br />

(ill. 258) 1004 nous trouvons quatre éléments nouveaux <strong>par</strong> rapport à l’eau-forte : une foule<br />

en bas de la montagne, un buisson, un oiseau et une figure ayant une triple-tête. <strong>La</strong> foule<br />

est sans doute le peuple qui attend Moïse, et le buisson est censé rappeler le buisson ardent.<br />

Si ces éléments sont ajoutés pour expliquer le contexte, les deux autres, l’oiseau et la tête à<br />

trois visages sont des motifs picturaux purement chagalliens, en <strong>par</strong>ticulier, cette figure<br />

composée d’une tête de chèvre et de deux visages humains dont l’un est renversé. Cette<br />

figure à triple-tête tient les Tables de la Loi données à Moïse. Il s’agit donc probablement<br />

d’un ange remplaçant la main de Dieu, expression employée dans l’eau-forte, mais le fait<br />

de lui donner une tête à la fois humaine et animalière est exceptionnel et surtout<br />

inimaginable pour une illustration du texte biblique. Même si nous n’arrivons pas à savoir<br />

quelle est la signification exacte de cette figure énigmatique, cet exemple nous montre que<br />

<strong>Chagall</strong>, en introduisant des motifs imaginaires, dote cette image d’une caractéristique<br />

différente de son illustration pour la <strong>Bible</strong> sur le même sujet.<br />

En continuant à observer les éléments ajoutés, nous remarquons la récurrence d’un<br />

même motif dans plusieurs planches, ce qui signifie sans doute son importance dans ce<br />

livre. Dans Le Passage de la mer Rouge (ill. 259) 1005 , l’élément nouveau <strong>par</strong> rapport à<br />

l’eau-forte est un ange tenant un rouleau de la Torah. L’ange s’approche des Égyptiens<br />

engloutis <strong>par</strong> la mer, comme s’il voulait leur apporter la <strong>par</strong>ole de l’Éternel. Par l’ajout du<br />

rouleau de la Torah, l’artiste s’écarte de nouveau d’une illustration littérale, car le rouleau<br />

de la Torah, les cinq premiers livres de la <strong>Bible</strong>, un objet inventé bien plus tard que<br />

l’évènement dans l’image, ne peut pas être ici représenté. Or, nous pouvons faire le même<br />

constat dans plusieurs planches y compris celles ayant les mêmes compositions que les<br />

1004 Planche XVI pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 46 cm x 33, 5 cm.<br />

1005 Planche X pour The story of the Exodus, 1966, Lithographie en couleurs, 45, 5 cm x 33, 1 cm.<br />

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