La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
planches polychromes » 997 , après avoir averti l’éditeur que toutes les lithographies, ou presque toutes, reprendraient les mêmes sujets que les eaux-fortes. Il est vrai que, dans cet ouvrage, nous trouvons plusieurs compositions qui sont presque identiques à celles des eaux-fortes. Néanmoins, elles ne sont pas « strictement identiques » 998 comme Sorlier l’écrivit. Pour Chagall ce livre n’avait-il pas d’autre sens que celui d’une petite version en couleurs de sa première Bible ? Ou bien y avait-il des raisons pour que l’artiste illustra ce livre de l’Exode, et pour que ce livre ait d’autres significations que sa première Bible malgré leur grande ressemblance ? Pour répondre à ces questions, il faut d’abord nous souvenir que Chagall avait déjà créé des lithographies en couleurs lors des publications de sa Bible en 1956 et de ses Dessins pour la Bible en 1960. Ensuite, nous avons aussi remarqué que l’artiste avait peint plusieurs tableaux à sujet biblique, entre autres le Message Biblique, à partir des compositions tirées des eaux-fortes pour la Bible. Cela veut dire que la reprise des mêmes sujets et des mêmes compositions ne causait pas de problème chez Chagall, et qu’il n’avait plus besoin de regretter de ne pas avoir fait la Bible en couleurs, ayant déjà réalisé plusieurs lithographies en couleurs pour la Bible. Ces informations semblent converger et montrer que la création de The Story of the Exodus n’est pas une simple répétition en couleurs de la première Bible, mais qu’elle a peut-être une autre signification. Il faut en premier lieu tenir compte de l’importance du livre d’Exode chez l’artiste et dans le judaïsme. Avec la Genèse, l’Exode est le livre biblique le plus illustré par Chagall, tout comme Moïse est l’un des personnages les plus fréquemment représentés. Il n’est donc pas étonnant de voir l’artiste accepter d’illustrer à nouveau Moïse et son histoire. Or, son penchant pour ce sujet ne semble pas indifférent à la place que le récit de l’Exode occupe chez tous les Juifs. En effet, à la soirée de Pâque, les familles juives lisent la Haggadah, le recueil liturgique contenant le récit de la sortie d’Égypte, ainsi que des hymnes et des psaumes de louange. Les Haggadot sont abondamment illustrés par des miniatures qui pour la plupart correspondent au texte, bien que quelques-unes soient consacrées à d’autres scènes bibliques 999 . Destinés à l’usage familial et notamment à l’enseignement des enfants, les Haggadot possèdent une popularité comparable à celle des Psautiers et des Livres d’Heures chrétiens 1000 . Chagall témoigna jadis que c’était les 997 Charles Sorlier, Marc Chagall : le livre des livres, op. cit., p. 104. 998 Ibid. 999 e e Pierre Prigent, L’image dans le Judaïsme – Du II au VI siècle, op. cit., p. 213. 1000 Gabrielle Sed-Rajna, L’Art Juif – Orient et Occident, Paris, Arts et Métiers graphiques, 1975, p. 194. 290
images des Haggadot qui le touchaient le plus pendant les fêtes de la Pâque 1001 . En outre, selon Benjamin Harshav, illustrer la Haggadah était un des souhaits de Chagall qui ne fut pas réalisé, peut-être à l’encontre de sa volonté 1002 . Nous nous demandons alors si le fait qu’il n’ait pas pu réaliser une Haggadah ne l’aurait pas motivé davantage à créer un livre sur l’Exode, qui traite du même contenu. Si Chagall avait en tête l’idée de la Haggadah en illustrant son Exode, celui-ci devrait avoir un caractère qui n’est pas le même que les planches sur l’Exode de sa première Bible. Il est vrai qu’à part les couleurs des lithographies qui caractérisent uniquement The Story of the Exodus, la majorité des planches de ce livre sont presque identiques aux eaux-fortes de la Bible. Cependant, comme nous l’avons évoqué plus haut, elles ne sont pas complètement les mêmes. Les modifications apportées dans les lithographies, souvent très discrètes, ne sont pas nombreuses, mais elles sont importantes à noter. Par l’observation de ces modifications, nous allons essayer d’établir si ce livre a un caractère unique en soi. Parmi les 24 lithographies de cet ouvrage, nous trouvons 14 planches reprenant les compositions des eaux-fortes pour la Bible. Il y a d’abord les planches dont les modifications concernent uniquement les couleurs, et sont dues au changement de supports. Des planches telles que Moïse et Aaron, Moïse et Aaron devant le Pharaon, Moïse répandant les ténèbres, Moïse bénissant Josué, Consécration d’Aaron en sont de bons exemples. De même, les planches comme Myriam dansant et L’adoration du veau d’or en font partie, alors que celles-ci sont nettement plus animées que leurs modèles à l’eau-forte non seulement en raison de leurs couleurs mais aussi de leurs lignes souples et fluides. Le reste des planches comprend l’adjonction d’un ou deux nouveaux éléments par rapport aux eaux-fortes. Le premier exemple Moïse devant le buisson ardent (ill. 257) 1003 nous présente un ange au-dessus du buisson comme un élément ajouté. Dans l’eau-forte, l’artiste suggéra la présence de l’Éternel en écrivant l’un de Ses noms en hébreu, tandis que dans le tableau du Message Biblique, un ange est peint comme l’apparition de l’Éternel dans le buisson ardent. Or, ici Chagall employa les deux, l’ange et le nom, très 1001 Le Monde de Chagall, Photographies d’Izis Bidermanas ; Texte de Roy McMullen, op. cit., p. 36-37. 1002 D’après Benjamin Harshav, un éditeur américain avait demandé à l’artiste d’illustrer la Hagadda. Mais la réponse envoyée par la fondation Maeght, le marchand de Chagall, fut négative, l’artiste ne voulant pas être connu comme peintre juif. En réalité, personne ne sait si ce fut l’artiste lui-même ou Vava ou son marchand qui prit la décision. Harshav suggère que cette réponse négative est incohérente avec l’attitude habituelle de Chagall qui était très attaché à sa judéité, et qu’elle fut prise soit par Vava et son marchand, soit par l’artiste sous l’influence de sa femme. Cf. Benjamin Harshav, Marc Chagall and His Times – A Documentary Narrative, op. cit., p. 803. 1003 Planche IV pour The story of the Exodus (éd. par Léon Amiel, Paris, New York, 1966), Lithographie en couleurs, 46 cm x 34 cm. 291
- Page 239 and 240: la Bible de Chagall, nous trouvons
- Page 241 and 242: Un style fluide et une diversité d
- Page 243 and 244: pour la Bible. En ce qui concerne s
- Page 245 and 246: courageuses et justes qu’Esther.
- Page 247 and 248: Quelques méthodes d’illustration
- Page 249 and 250: verset étant « Il prospère comme
- Page 251 and 252: différents points de vue que l’a
- Page 253 and 254: Si Chagall avait trouvé une grande
- Page 255 and 256: omantique. Comme le rouge est aussi
- Page 257 and 258: Maîtres » 905 , il soulignait qu
- Page 259 and 260: éalisation du vitrail du mur occid
- Page 261 and 262: les maquettes des tableaux, Les sou
- Page 263 and 264: les poèmes de l’artiste, écrits
- Page 265 and 266: En 1970, à l’inauguration des vi
- Page 267 and 268: etenues en tant que telles dans le
- Page 269 and 270: fumantes et les figures anéanties
- Page 271 and 272: cette présence divine en l’indiq
- Page 273 and 274: midrashiques donnèrent à chaque t
- Page 275 and 276: chandelier, enroulé par un serpent
- Page 277 and 278: juive mais aussi des paroles bibliq
- Page 279 and 280: toutes les scènes dans cette fenê
- Page 281 and 282: éparties sur les trois murs, une p
- Page 283 and 284: eprésente successivement de bas en
- Page 285 and 286: eligieux et profanes de Chagall dan
- Page 287 and 288: Chapitre IV. L’union Les vitraux
- Page 289: Chagall ? Qu’est-ce qui les disti
- Page 293 and 294: eaux-fortes. Par exemple, dans Moï
- Page 295 and 296: mains tenant une couronne sont éga
- Page 297 and 298: chez Chagall. Nous le retrouvons da
- Page 299 and 300: une femme portant un enfant, qui pe
- Page 301 and 302: ne correspond pas au contenu géné
- Page 303 and 304: psaume. Plus haut, nous avons évoq
- Page 305 and 306: non pas à un texte précis, mais p
- Page 307 and 308: psaumes auxquels les images se réf
- Page 309 and 310: Tous ces personnages se trouvent da
- Page 311 and 312: écurrence devient dorénavant une
- Page 313 and 314: Conclusion 313
- Page 315 and 316: origine juive, qui agit comme un fa
- Page 317 and 318: démontrent sa recherche picturale
- Page 319 and 320: En outre, dans la Bible de Chagall,
- Page 321 and 322: Le caractère juif de cette Bible e
- Page 323 and 324: de la logique classique. Comme les
- Page 325 and 326: quitte les scènes de catastrophe p
- Page 327 and 328: complètement l’Ancien Testament.
- Page 329 and 330: chevalet, Chagall donne de lui-mêm
- Page 331 and 332: Nous avons classé les références
- Page 333 and 334: COMPTON, Susan, Chagall, Catalogue
- Page 335 and 336: CASSOU, Jean, Chagall, Paris, Editi
- Page 337 and 338: Musée National Message Biblique Ma
- Page 339 and 340: FORAY, Jean-Michel, « The Bible ac
images des Haggadot qui le touchaient le plus pendant les fêtes de la Pâque 1001 . En outre,<br />
selon Benjamin Harshav, illustrer la Haggadah était un des souhaits de <strong>Chagall</strong> qui ne fut<br />
pas réalisé, peut-être à l’encontre de sa volonté 1002 . Nous nous demandons alors si le fait<br />
qu’il n’ait pas pu réaliser une Haggadah ne l’aurait pas motivé davantage à créer un livre<br />
sur l’Exode, qui traite du même contenu. Si <strong>Chagall</strong> avait en tête l’idée de la Haggadah en<br />
illustrant son Exode, celui-ci devrait avoir un caractère qui n’est pas le même que les<br />
planches sur l’Exode de sa première <strong>Bible</strong>. Il est vrai qu’à <strong>par</strong>t les couleurs des<br />
lithographies qui caractérisent uniquement The Story of the Exodus, la majorité des<br />
planches de ce livre sont presque identiques aux eaux-fortes de la <strong>Bible</strong>. Cependant,<br />
comme nous l’avons évoqué plus haut, elles ne sont pas complètement les mêmes. Les<br />
modifications apportées dans les lithographies, souvent très discrètes, ne sont pas<br />
nombreuses, mais elles sont importantes à noter. Par l’observation de ces modifications,<br />
nous allons essayer d’établir si ce livre a un caractère unique en soi.<br />
Parmi les 24 lithographies de cet ouvrage, nous trouvons 14 planches reprenant les<br />
compositions des eaux-fortes pour la <strong>Bible</strong>. Il y a d’abord les planches dont les<br />
modifications concernent uniquement les couleurs, et sont dues au changement de<br />
supports. Des planches telles que Moïse et Aaron, Moïse et Aaron devant le Pharaon,<br />
Moïse répandant les ténèbres, Moïse bénissant Josué, Consécration d’Aaron en sont de<br />
bons exemples. De même, les planches comme Myriam dansant et L’adoration du veau<br />
d’or en font <strong>par</strong>tie, alors que celles-ci sont nettement plus animées que leurs modèles à<br />
l’eau-forte non seulement en raison de leurs couleurs mais aussi de leurs lignes souples et<br />
fluides. Le reste des planches comprend l’adjonction d’un ou deux nouveaux éléments <strong>par</strong><br />
rapport aux eaux-fortes. Le premier exemple Moïse devant le buisson ardent (ill. 257) 1003<br />
nous présente un ange au-dessus du buisson comme un élément ajouté. Dans l’eau-forte,<br />
l’artiste suggéra la présence de l’Éternel en écrivant l’un de Ses noms en hébreu, tandis que<br />
dans le tableau du Message Biblique, un ange est peint comme l’ap<strong>par</strong>ition de l’Éternel<br />
dans le buisson ardent. Or, ici <strong>Chagall</strong> employa les deux, l’ange et le nom, très<br />
1001<br />
Le Monde de <strong>Chagall</strong>, Photographies d’Izis Bidermanas ; Texte de Roy McMullen, op. cit., p. 36-37.<br />
1002<br />
D’après Benjamin Harshav, un éditeur américain avait demandé à l’artiste d’illustrer la Hagadda. Mais la<br />
réponse envoyée <strong>par</strong> la fondation Maeght, le marchand de <strong>Chagall</strong>, fut négative, l’artiste ne voulant pas être<br />
connu comme peintre juif. En réalité, personne ne sait si ce fut l’artiste lui-même ou Vava ou son marchand<br />
qui prit la décision. Harshav suggère que cette réponse négative est incohérente avec l’attitude habituelle de<br />
<strong>Chagall</strong> qui était très attaché à sa judéité, et qu’elle fut prise soit <strong>par</strong> Vava et son marchand, soit <strong>par</strong> l’artiste<br />
sous l’influence de sa femme. Cf. Benjamin Harshav, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> and His Times – A Documentary<br />
Narrative, op. cit., p. 803.<br />
1003<br />
Planche IV pour The story of the Exodus (éd. <strong>par</strong> Léon Amiel, <strong>Paris</strong>, New York, 1966), Lithographie en<br />
couleurs, 46 cm x 34 cm.<br />
291