La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
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motif de l’arbre de vie et du bouquet de fleurs à l’unité biblique, Chagall enrichit davantage le sens symbolique de son œuvre. L’arbre est en soi un motif symbolique de la vie, mais aussi de la mort et de la résurrection 987 . Quant au bouquet de fleurs récurrent chez l’artiste, il acquit un sens multiple, principalement celui de la vie. Chagall associa les fleurs à la vie même, disant qu’elles pouvaient faire oublier le drame mais aussi le refléter 988 . Dans ses peintures de la Crucifixion des années 1950, l’artiste nous laissait saisir ce double sens en peignant un bouquet de fleurs à côté du Christ sur la croix. À Sarrebourg, l’arbre fleuri évoque la paix, en montrant multiples facettes de la vie. En effet, à la même période que le vitrail de la paix pour la chapelle des Cordeliers, Chagall créa une peinture similaire intitulée « L’Arbre de Jessé » 989 (ill. 255). Le tableau montre un grand arbre multicolore, associé à de petites images. Dans l’arbre aux couleurs chaudes, nous voyons le Christ sur la croix, une mère portant son enfant, un prophète lisant, une vache tenant un chandelier. Autour de l’arbre sont disposés des personnages, des animaux et un couple amoureux. Ce couple, dans lequel l’homme porte dans ses bras la femme aux fleurs, occupe une place importante comme si leur amour était le sujet du tableau. Ces éléments sont moins bibliques que ceux du vitrail, mais baignés dans une douce lumière, ils reflètent une ambiance calme. C’est sans doute cette atmosphère sereine émanant de la vie fondée sur l’amour, tel celui d’un homme et une femme, celui d’une mère pour son enfant, celui du Christ pour l’humanité, que l’artiste semble avoir voulu nous montrer comme une représentation de la paix. Chagall dit effectivement : « La paix est un bouquet de mille fleurs multicolores, de mille formes, de mille lumières chaque jour nouvelles, comme les milliards d’hommes, tous différents et tous semblables, tous pacifiques et joyeux, unis dans cet arbre qui donne la vie » 990 . Ainsi, l’arbre de vie de la chapelle de Sarrebourg devient un symbole de paix. La paix dont l’artiste rêve poétiquement, c’est un grand arbre autour duquel tout le monde s’épanouit comme un bouquet de fleurs de différentes couleurs mais assemblées en harmonie. 987 « L’arbre » dans Les symboles bibliques - Lexique théologique de Maurice Cocagnac, Paris, les Éditions du Cerf, 1993. 988 Bella Meyer, « Les bouquets de fleurs de Marc Chagall dans la rosace du Saillant », art. cit., p. 70. 989 L’Arbre de Jessé, 1975, Huile sur toile, 130 x 81 cm, Paris, Collection particulière ; Cf. André Verdet, Chagall méditerranéen, op. cit., p. 69. 990 Référence tirée du site de la chapelle des Cordeliers (www.sarrebourg.fr) 286
Chapitre IV. L’union Les vitraux et le Message Biblique apportèrent à Chagall un renom international comme l’un des plus importants artistes religieux du XX e siècle, qu’il allait assumer jusqu’à la fin de sa vie. Il l’était d’ailleurs avec tous les moyens possibles : à côté des vitraux et des grandes toiles, Chagall employa également des supports plus petits et réalisa ses œuvres bibliques en lithographie, au monotype, à l’eau-forte etc. Ainsi, laissa-t-il encore deux livres illustrés, The Story of the Exodus en lithographie et les Psaumes de David à l’eau-forte. Quelle est la place de ces livres illustrés dans la dernière phase de l’art religieux de Chagall ? Dans ce chapitre, nous allons étudier comment l’artiste conclue son art religieux à travers ces illustrations puis ses dernières œuvres. Qu’est-ce que Chagall a voulu construire finalement par son art biblique? 1. Peindre jusqu’au dernier souffle Dans ses dernières années, Chagall, artiste largement célébré, ne souhaita néanmoins qu’une chose : peindre. Selon Virginia Haggard, Chagall disait : « Si j’étais libre, je ne peindrais pas de tableaux à vendre, je n’exposerais pas dans des galeries où les gens peuvent acheter mes œuvres pour de grosses sommes d’argent afin de décorer leurs appartements ou en guise d’investissement. Je passerais le restant de mes jours à peindre ma Bible » 991 . De plus, malgré la réussite et la reconnaissance, Chagall voulait juste continuer son travail en toute tranquillité. « J’ai souvent rêvé au grand jour où j’aurai la possibilité de m’isoler complètement, comme le moine dans sa cellule. Travailler, c’est tout ce dont j’ai besoin, ainsi que d’un coin tranquille avec une lucarne par laquelle on me passerait la nourriture » 992 . Le 28 mars 1985, Marc Chagall s’éteignit chez lui à Saint-Paul-de-Vence, à l’âge de 97 ans. De la même manière que Molière rendit son dernier souffle sur scène, le grand 991 Virginia Haggard, Ma vie avec Chagall, op. cit., p. 137. 992 Ibid., p. 138. Remarque faite au critique et historien d’art André Parinaud. 287
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Les vitraux et le Message Biblique apportèrent à <strong>Chagall</strong> un renom international<br />
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jusqu’à la fin de sa vie. Il l’était d’ailleurs avec tous les moyens possibles : à côté des<br />
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David à l’eau-forte. Quelle est la place de ces livres illustrés dans la dernière phase de l’art<br />
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voulu construire finalement <strong>par</strong> son art biblique?<br />
1. Peindre jusqu’au dernier souffle<br />
Dans ses dernières années, <strong>Chagall</strong>, artiste largement célébré, ne souhaita néanmoins<br />
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« Si j’étais libre, je ne peindrais pas de tableaux à vendre, je n’exposerais pas dans des<br />
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mes jours à peindre ma <strong>Bible</strong> » 991 .<br />
De plus, malgré la réussite et la reconnaissance, <strong>Chagall</strong> voulait juste continuer son travail<br />
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Le 28 mars 1985, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> s’éteignit chez lui à Saint-Paul-de-Vence, à l’âge<br />
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991 Virginia Haggard, Ma vie avec <strong>Chagall</strong>, op. cit., p. 137.<br />
992 Ibid., p. 138. Remarque faite au critique et historien d’art André Parinaud.<br />
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