La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
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gauche, il représenta le Christ et le Samaritain réunis, de telle sorte qu’apparaisse explicitement leur lien : le message du Christ sur la charité rejoigne l’idée de bonté qu’incarne le personnage du Samaritain. Les vitraux pour l’église de Tudeley sont proches de ceux de l’Union Church de Pocantico Hills. L’église de Tudeley, dédiée à tous les saints et située dans un petit village du Kent, put recevoir les douze vitraux de Chagall grâce à la volonté de Lady d’Avigdor- Goldsmid. De même que la chapelle de Pocantico Hills, All Saints’ Church de Tudely est une église de campagne, très liée au quotidien des villageois, et remplissant également une fonction de mémorial. La commanditaire Lady d’Avigdor-Goldsmid voulut dédier le vitrail du chœur à la mémoire de sa fille aînée Sarah, morte en 1963 accidentellement en mer alors que la famille habitait dans les environs de Tudeley. Sarah et Lady d’Avigdor- Goldsmid avaient admiré ensemble certains vitraux de Chagall pour la synagogue de Hadassah à une exposition du Louvre en 1961. Ce souvenir partagé avait dû déterminer le choix de la Lady pour Chagall, d’autant plus que le père de Sarah était également Juif 973 . En ce qui concerne le contenu des vitraux, outre le vitrail du chœur, toutes les fenêtres sont assez simplement décorées par des motifs d’oiseaux, d’anges, d’arbres et de fleurs. En revanche, le vitrail du chœur, dédié à Sarah, est beaucoup plus riche au niveau iconographique (ill. 249) 974 . À la fois divisé et unifié, ce vitrail représente deux histoires en parallèle : la mort de la jeune fille et celle du Christ. La partie inférieure peinte en bleu profond déroule l’histoire de Sarah en quatre figures féminines – une jeune fille tombée dans la mer, ensuite noyée par les flots, une mère pleurant dans un coin, et la Vierge Marie tenant l’Enfant – développant une évidente analogie entre le destin de la commanditaire et celui de la Vierge. Le Christ sur la croix occupe le centre de la partie supérieure, entouré d’un ange et d’un chevalier. Or, une longue échelle est apposée sur la croix. Cette croix qui prélude à la glorieuse Résurrection du Christ semble lier cette espérance à la partie inférieure, l’histoire tragique de Sarah. Le Christ est aussi au cœur des vitraux de l’église du Fraümunster à Zurich. Chagall reçut en 1967 la commande du décor du chœur de cette église dévolue au culte protestant, et il y réalisa un ensemble de cinq fenêtres jusqu’en 1970 (ill. 250) 975 . Celles-ci sont 973 http://www.tudeley.org/chagall.html 974 La Crucifixion (chœur, baie centrale à une fenêtre en plein cintre), 1966-1967, Verre, 324 x 192 cm, Tudeley (Grande-Bretagne), All Saints Church. 975 Esquisse pour les vitraux de Zurich (chœur, ensemble de cinq fenêtres en plein cintre réparties sur les trois murs, nord, sud et ouest, 1969-1970, Verre, 976 x 91 cm (première fenêtre latérale gauche) ; 975 x 92 cm (deuxième fenêtre latérale droite) ; 923 x 94 cm (première fenêtre centrale) ; 1120 x 125 cm (deuxième fenêtre centrale) ; 923 x 95 cm (troisième fenêtre centrale), Zurich, Église du Fraümunster). 280
éparties sur les trois murs, une pour chaque mur du nord et du sud et trois regroupées sur le mur ouest. La première fenêtre latérale gauche du mur sud représente les prophètes Élie, Jérémie et Daniel. La deuxième fenêtre droite du mur nord évoque la vision d’Isaïe. Les trois autres fenêtres centrales montrent le songe de Jacob à gauche et le roi David chantant la Jérusalem céleste à droite, tandis que le Christ prend place dans la fenêtre du milieu. Il répand la lumière autour de lui, entouré par des personnages qui semblent le louer. La partie inférieure de la fenêtre est occupée par l’arbre de Jessé sur lequel se trouve la Vierge à l’Enfant. Jacob et David sont figurés de profil, tandis que les figures du Christ et de la Vierge sont frontales, comme si les deux représentations latérales convergeaient vers les figures centrales 976 . L’accent est mis ici non pas sur le Christ comme symbole des Juifs persécutés ou des victimes de la guerre, mais sur le Christ Messie, descendant de Jacob et de David, né dans la lignée d’Israël. Le discours développé sur le Christ dans les vitraux de ces trois églises manifeste une évolution importante chez l’artiste. Il est vrai que le Christ, montré d’après un point de vue très chrétien, reflète sans doute les demandes des commanditaires des vitraux. Cependant, il faut noter également qu’à cette période Chagall représentait le Christ différemment de ses œuvres antérieures. Cela semble indiquer que l’artiste fut amené à changer de position au sujet du Christ. Par exemple, Crucifixion 977 de 1972 nous montre une scène de Crucifixion dans une autre ambiance qu’auparavant. Dans les chapitres précédents, nous avons vu que le Christ était la plupart du temps associé à la guerre et à la persécution sur les Juifs. C’est après la guerre que le Christ commence à être montré avec d’autres motifs que ceux illustrant la catastrophe, tels que la mariée, le bouquet de fleurs ou des éléments biographiques de l’artiste. La Crucifixion est ainsi dotée d’autres significations que la seule évocation de la catastrophe. Dans cette peinture de 1972, le motif central du tableau est toujours le Christ sur la croix, mais il n’y a rien de triste dans la scène, plutôt remplie de joie (ill. 251). Il faut encore remarquer que les composantes du tableau sont identiques à celles de la Crucifixion pendant la période de guerre. Comme dans La Crucifixion blanche, le Christ du centre est ici entouré par des personnages divers, entre autres, un Juif portant un rouleau de la Torah, une mère portant son enfant, un personnage tenant un chandelier allumé, etc. Or, ces figures ne représentent pas des réfugiés de guerre comme dans La Crucifixion blanche. Au lieu de se disperser, ils 976 Sylvie Forestier, « Chagall et le vitrail », art. cit., p. 38. 977 Crucifixion, 1972, Encre noire, pastel, aquarelle, fusain, rehauts à la gouache, 77,5 x 57,4 cm, Paris, Centre Georges Pompidou, Musée National d’Art moderne ; Cf. André Verdet, Chagall méditerranéen, op. cit., p. 123. 281
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gauche, il représenta le Christ et le Samaritain réunis, de telle sorte qu’ap<strong>par</strong>aisse<br />
explicitement leur lien : le message du Christ sur la charité rejoigne l’idée de bonté<br />
qu’incarne le personnage du Samaritain.<br />
Les vitraux pour l’église de Tudeley sont proches de ceux de l’Union Church de<br />
Pocantico Hills. L’église de Tudeley, dédiée à tous les saints et située dans un petit village<br />
du Kent, put recevoir les douze vitraux de <strong>Chagall</strong> grâce à la volonté de <strong>La</strong>dy d’Avigdor-<br />
Goldsmid. De même que la chapelle de Pocantico Hills, All Saints’ Church de Tudely est<br />
une église de campagne, très liée au quotidien des villageois, et remplissant également une<br />
fonction de mémorial. <strong>La</strong> commanditaire <strong>La</strong>dy d’Avigdor-Goldsmid voulut dédier le vitrail<br />
du chœur à la mémoire de sa fille aînée Sarah, morte en 1963 accidentellement en mer<br />
alors que la famille habitait dans les environs de Tudeley. Sarah et <strong>La</strong>dy d’Avigdor-<br />
Goldsmid avaient admiré ensemble certains vitraux de <strong>Chagall</strong> pour la synagogue de<br />
Hadassah à une exposition du Louvre en 1961. Ce souvenir <strong>par</strong>tagé avait dû déterminer le<br />
choix de la <strong>La</strong>dy pour <strong>Chagall</strong>, d’autant plus que le père de Sarah était également Juif 973 .<br />
En ce qui concerne le contenu des vitraux, outre le vitrail du chœur, toutes les fenêtres sont<br />
assez simplement décorées <strong>par</strong> des motifs d’oiseaux, d’anges, d’arbres et de fleurs. En<br />
revanche, le vitrail du chœur, dédié à Sarah, est beaucoup plus riche au niveau<br />
iconographique (ill. 249) 974 . À la fois divisé et unifié, ce vitrail représente deux histoires en<br />
<strong>par</strong>allèle : la mort de la jeune fille et celle du Christ. <strong>La</strong> <strong>par</strong>tie inférieure peinte en bleu<br />
profond déroule l’histoire de Sarah en quatre figures féminines – une jeune fille tombée<br />
dans la mer, ensuite noyée <strong>par</strong> les flots, une mère pleurant dans un coin, et la Vierge Marie<br />
tenant l’Enfant – développant une évidente analogie entre le destin de la commanditaire et<br />
celui de la Vierge. Le Christ sur la croix occupe le centre de la <strong>par</strong>tie supérieure, entouré<br />
d’un ange et d’un chevalier. Or, une longue échelle est apposée sur la croix. Cette croix qui<br />
prélude à la glorieuse Résurrection du Christ semble lier cette espérance à la <strong>par</strong>tie<br />
inférieure, l’histoire tragique de Sarah.<br />
Le Christ est aussi au cœur des vitraux de l’église du Fraümunster à Zurich. <strong>Chagall</strong><br />
reçut en 1967 la commande du décor du chœur de cette église dévolue au culte protestant,<br />
et il y réalisa un ensemble de cinq fenêtres jusqu’en 1970 (ill. 250) 975 . Celles-ci sont<br />
973 http://www.tudeley.org/chagall.html<br />
974 <strong>La</strong> Crucifixion (chœur, baie centrale à une fenêtre en plein cintre), 1966-1967, Verre, 324 x 192 cm,<br />
Tudeley (Grande-Bretagne), All Saints Church.<br />
975 Esquisse pour les vitraux de Zurich (chœur, ensemble de cinq fenêtres en plein cintre ré<strong>par</strong>ties sur les trois<br />
murs, nord, sud et ouest, 1969-1970, Verre, 976 x 91 cm (première fenêtre latérale gauche) ; 975 x 92 cm<br />
(deuxième fenêtre latérale droite) ; 923 x 94 cm (première fenêtre centrale) ; 1120 x 125 cm (deuxième<br />
fenêtre centrale) ; 923 x 95 cm (troisième fenêtre centrale), Zurich, Église du Fraümunster).<br />
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