La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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des préfigurations du Nouveau Testament 966 . Néanmoins, au regard de la judéité de l’artiste, l’interprétation selon ce point de vue chrétien devrait être considérée avec précaution. Quant au choix de ce programme iconographique, nous ignorons comment Chagall fut amené à le faire. Mais les correspondances de Robert Renard nous informent que l’artiste avait établi ses maquettes avant qu’il fût officiellement engagé 967 . Par conséquent, nous pouvons croire que Chagall avait librement réalisé ses maquettes, sans avoir d’influences extérieures. Tout de même, les maquettes furent soumises aux examens de la Commission Supérieure des Monuments Historiques. Elles furent également présentées à Monseigneur Heintz, Évêque de Metz, qui les apprécia beaucoup, et reçurent ensuite l’approbation de la Commission d’Art Sacré de la Moselle 968 . Cet ensemble d’informations nous montre que l’œuvre de Chagall avait satisfait l’Église et les Monuments Historiques, qui, par la suite, continuèrent à collaborer avec l’artiste. La deuxième fenêtre de l’abside est une fenêtre à quatre formes lancéolées, surmontée de sept éléments fusiformes. Contrairement à la première fenêtre, la deuxième est entièrement constituée d’épisodes de l’Ancien Testament, sans la figure du Christ. Quatre lancettes montrent le sacrifice d’Abraham, la lutte de Jacob avec l’ange, le songe de Jacob et Moïse devant le buisson ardent (ill. 246) 969 . La partie haute présente Joseph berger, Jacob pleurant la perte de Joseph, Noé lâchant une colombe de l’Arche, et Noé et l’arc-en-ciel. Ce sont tous des épisodes tirés de la Genèse et de l’Exode. Le choix de ces sujets et leur traitement nous rappellent le cycle du Message Biblique. En effet, quelques scènes de la fenêtre ressemblent beaucoup à celles du Message Biblique, en particulier, celle de Noé lâchant la colombe (ill. 247) 970 , pas seulement dans la composition, mais aussi dans la coloration en bleu identique. Nous avons déjà noté que la composition du Message Biblique est fondée sur celle des eaux-fortes de la Bible réalisées dans les années 1930. Alors que le Message Biblique développe sa composition en complétant certains éléments, la Bible de Chagall est ici présente, sans changement, comme une base pour 966 Sylvie Forestier, Chagall – Les Vitraux, op. cit., p. 181. 967 Robert Renard écrivit dans sa lettre du 10 mai 1961 adressée à l’artiste : « Pour vos précédentes fenêtres, mon Administration m’a reproché de n’avoir pas attendu ni obtenu d’autorisation officielle. J’aimerais donc, pour la troisième fenêtre, avoir une lettre officielle de commande ». Archives, Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, Paris. 968 Le rapport de Robert Renard daté du 6 octobre 1958. Archives, Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, Paris. 969 Vitraux pour la cathédrale de Metz (abside nord, déambulatoire intérieur, fenêtre à quatre formes lancéolées, sommée dans sa partie haute de sept éléments fusiformes), 1962, Verre, 362 x 92 cm pour les lancettes, Metz, Cathédrale Saint-Étienne. 970 L’Arche de Noé, 1961-1966, Huile sur toile, 236 x 234 cm, Nice, Musée National Message Biblique Marc Chagall. 278

toutes les scènes dans cette fenêtre. Seulement la position d’Abraham dans la scène du sacrifice fut modifiée, pour qu’elle soit à la verticale dans la fenêtre. Néanmoins, ce changement doit être lié à l’exigence du nouveau support, à la fenêtre en hauteur. Nous retrouvons également dans la fenêtre du transept nord une ressemblance avec la peinture du Message Biblique et une influence des eaux-fortes de la Bible. Cette fenêtre est du même type que la deuxième fenêtre de l’abside, avec quatre lancettes en bas et sept éléments supérieurs. Les lancettes montrent le début de la Genèse, depuis la création de l’Homme jusqu’à Adam et Ève chassés du Paradis. Les éléments supérieurs sont composés de fleurs et d’animaux, mais le centre représente Moïse recevant les Tables de la Loi. Chagall chrétien ? L’adaptation aux commandes (Tarrytown, Tudeley, Zurich) Si les vitraux de Metz mirent en valeur l’importance du Christ, il n’y apparaît tout de même qu’une fois. Dans le reste des parties, le contenu est vraisemblablement conçu en lien avec le Message Biblique, qui reflète un point de vue personnel de Chagall sur la Bible. Cependant, l’artiste savait mieux s’adapter avec la religion chrétienne en allant même jusqu’à représenter l’Évangile. De 1963 à 1966, Chagall réalisa neuf fenêtres pour l’Union Church de Pocantico Hills à Tarrytown des États-Unis. C’est une chapelle très attachée à la famille Rockfeller, bienfaitrice de la commune et commanditaire de ces vitraux. L’église a un plan simple de type basilical, fermé à l’ouest par une large baie en ogive. Il s’agissait alors de décorer cette fenêtre ogivale et quatre fenêtres de chaque côté sur l’allée. Six fenêtres représentent des prophètes, Joël, Élie, Daniel, Ézéchiel, Jérémie et Isaïe, une représente des Chérubins, une la Crucifixion, et une la parabole du Bon Samaritain. Cette dernière, fenêtre ogivale du mur ouest, est en réalité la première fenêtre réalisée et dédiée à la mémoire de John D. Rockfeller tandis que celle de la Crucifixion est dédiée à Michael C. Rockfeller. Sylvie Forestier écrivit que l’artiste réalisa les fenêtres de cette chapelle après accord avec la famille Rockfeller et les autorités religieuses 971 . Le choix du message évangélique du Bon Samaritain est alors dû à la demande des commanditaires plutôt qu’à l’artiste. Néanmoins, il traita le sujet avec fidélité au thème, mais aussi selon des modalités nouvelles. Le récit est illustré par ses personnages principaux, le voyageur et le Samaritain, mais Chagall figura dans la même composition le Crucifié et une image de sa descente de croix (ill. 248) 972 . De plus, au premier plan à 971 Sylvie Forestier, Chagall – Les Vitraux, op. cit., p. 191. 972 Esquisse pour Le Bon Samaritain (fenêtre occidentale en ogive, 1963-1964, Verre, 447 x 274 cm, Tarry Town (les États-Unis), Pocantico Hills, The Union Church). 279

des préfigurations du Nouveau Testament 966 . Néanmoins, au regard de la judéité de<br />

l’artiste, l’interprétation selon ce point de vue chrétien devrait être considérée avec<br />

précaution. Quant au choix de ce programme iconographique, nous ignorons comment<br />

<strong>Chagall</strong> fut amené à le faire. Mais les correspondances de Robert Renard nous informent<br />

que l’artiste avait établi ses maquettes avant qu’il fût officiellement engagé 967 . Par<br />

conséquent, nous pouvons croire que <strong>Chagall</strong> avait librement réalisé ses maquettes, sans<br />

avoir d’influences extérieures. Tout de même, les maquettes furent soumises aux examens<br />

de la Commission Supérieure des Monuments Historiques. Elles furent également<br />

présentées à Monseigneur Heintz, Évêque de Metz, qui les apprécia beaucoup, et reçurent<br />

ensuite l’approbation de la Commission d’Art Sacré de la Moselle 968 . Cet ensemble<br />

d’informations nous montre que l’œuvre de <strong>Chagall</strong> avait satisfait l’Église et les<br />

Monuments Historiques, qui, <strong>par</strong> la suite, continuèrent à collaborer avec l’artiste.<br />

<strong>La</strong> deuxième fenêtre de l’abside est une fenêtre à quatre formes lancéolées,<br />

surmontée de sept éléments fusiformes. Contrairement à la première fenêtre, la deuxième<br />

est entièrement constituée d’épisodes de l’Ancien Testament, sans la figure du Christ.<br />

Quatre lancettes montrent le sacrifice d’Abraham, la lutte de Jacob avec l’ange, le songe de<br />

Jacob et Moïse devant le buisson ardent (ill. 246) 969 . <strong>La</strong> <strong>par</strong>tie haute présente Joseph<br />

berger, Jacob pleurant la perte de Joseph, Noé lâchant une colombe de l’Arche, et Noé et<br />

l’arc-en-ciel. Ce sont tous des épisodes tirés de la Genèse et de l’Exode. Le choix de ces<br />

sujets et leur traitement nous rappellent le cycle du Message Biblique. En effet, quelques<br />

scènes de la fenêtre ressemblent beaucoup à celles du Message Biblique, en <strong>par</strong>ticulier,<br />

celle de Noé lâchant la colombe (ill. 247) 970 , pas seulement dans la composition, mais<br />

aussi dans la coloration en bleu identique. Nous avons déjà noté que la composition du<br />

Message Biblique est fondée sur celle des eaux-fortes de la <strong>Bible</strong> réalisées dans les années<br />

1930. Alors que le Message Biblique développe sa composition en complétant certains<br />

éléments, la <strong>Bible</strong> de <strong>Chagall</strong> est ici présente, sans changement, comme une base pour<br />

966<br />

Sylvie Forestier, <strong>Chagall</strong> – Les Vitraux, op. cit., p. 181.<br />

967<br />

Robert Renard écrivit dans sa lettre du 10 mai 1961 adressée à l’artiste : « Pour vos précédentes fenêtres,<br />

mon Administration m’a reproché de n’avoir pas attendu ni obtenu d’autorisation officielle. J’aimerais donc,<br />

pour la troisième fenêtre, avoir une lettre officielle de commande ». Archives, Médiathèque de l’Architecture<br />

et du Patrimoine, <strong>Paris</strong>.<br />

968<br />

Le rapport de Robert Renard daté du 6 octobre 1958. Archives, Médiathèque de l’Architecture et du<br />

Patrimoine, <strong>Paris</strong>.<br />

969<br />

Vitraux pour la cathédrale de Metz (abside nord, déambulatoire intérieur, fenêtre à quatre formes<br />

lancéolées, sommée dans sa <strong>par</strong>tie haute de sept éléments fusiformes), 1962, Verre, 362 x 92 cm pour les<br />

lancettes, Metz, Cathédrale Saint-Étienne.<br />

970<br />

L’Arche de Noé, 1961-1966, Huile sur toile, 236 x 234 cm, Nice, Musée National Message Biblique <strong>Marc</strong><br />

<strong>Chagall</strong>.<br />

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