La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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deuxième lithographie intitulée Paradis représente Adam et Ève dans une ambiance idyllique, accompagnés d’une grande tête de cheval vert décorée par de petites fleurs. La féminité du corps d’Ève y est bien soulignée à travers ses seins voluptueux (ill. 223) 901 . Mais la représentation des personnages féminins en tant que bien-aimées sensuelles n’est pas seulement visible dans le cas d’Ève, et elle semble être une des caractéristiques principales de ces lithographies. Comme exemple représentatif, étonnamment, Sara n’est pas représentée ici comme l’épouse d’Abraham, mais comme la femme désirée par Abimélek, roi de Guérar 902 . De la même manière que dans le cas d’Ève, la féminité de Sara et celle des autres personnages sont constamment symbolisées par leurs seins très présents ; ainsi Agar, Rahab, Ruth, Mical, Vasthi et Esther sont toutes dessinées avec de grosses poitrines. Par ailleurs, l’artiste utilisa très peu de couleurs pour ces lithographies destinées aux Dessins pour la Bible. Chaque planche est généralement dominée par une seule couleur, mais parfois une ou deux autres teintes supplémentaires s’ajoutent aux éléments secondaires, marquant ainsi les accents chromatiques dans l’image. Ce principe s’applique d’ailleurs à presque toutes les planches. Prenons quelques exemples : la couverture et la planche sur la Création sont peintes tout en bleu ; la première planche intitulée La Vierge d’Israël est en rouge (ill. 224) ; le Paradis est dominé par le vert et rehaussé par un peu de jaune, de rouge et de noir (ill. 225). Néanmoins, l’utilisation du rouge est très marquante dans l’ensemble : plusieurs scènes sont quasiment des monochromes en rouge (Le Visage d’Israël, Adam et Ève chassés du Paradis terrestre, Caïn et Abel, Rachel dérobe les idoles de son père, Ruth Glaneuse (ill. 224) 903 ). Même lorsque le ton général n’est pas rouge, cette couleur est employée pour accentuer des éléments de la planche : les pommes dans le Paradis, Adam et Ève dans une autre version du Paradis, le corps d’Ève dans Ève maudite par Dieu, les trois anges dans Sara et les Anges, le soleil dans Noémi et ses belles-filles, Rencontre de Ruth et de Booz et Booz se réveille et voit Ruth à ses pieds. Nous nous souvenons que dans le cycle du Cantique des Cantiques, le rose et le rouge sont utilisés comme des couleurs dominantes. Dans cette série de tableaux dont le sujet est l’amour, l’artiste exprime le sujet sous l’apparence du couple amoureux et des mariés. La couleur rose qui évoque la douceur féminine lui confère de la chaleur et une ambiance 901 Paradis pour Dessins pour la Bible, revue Verve, 1960, lithographie en couleurs, 36, 4 x 26 cm, Mourlot n° 233. 902 Cf. Genèse XX. 903 Ruth Glaneuse pour Dessins pour la Bible, revue Verve, 1960, lithographie en couleurs, 36, 4 x 26 cm, Mourlot n° 246. 254

omantique. Comme le rouge est aussi une couleur plutôt féminine chez Chagall et que la plupart de ses Dessins pour la Bible sont consacrés aux personnages féminins, l’artiste choisit probablement volontairement le rouge comme couleur emblématique pour l’ensemble de ces lithographies. Jusqu’ici nous avons étudié divers aspects des Dessins pour la Bible. Selon notre observation, ce deuxième livre biblique illustré par Chagall est très différent du premier. Stylistiquement, la fluidité des dessins construite par les courbes et la libre utilisation des matériaux se distingue de la rigueur des eaux-fortes de la Bible. Dans les Dessins pour la Bible, nous ne trouvons pas des lignes droites, mais des lignes toujours courbées et ondulantes. Les formes sont donc arrondies et liées aux mouvements des personnages, qui sont doux, détendus, rythmiques et même dansants. Cette douceur d’expression s’accorde en effet au thème de ces dessins, qui contrastent autant par leur traitement que par leur sujet avec les eaux-fortes pour la Bible : lignes courbes contre lignes droites, couleurs contre noir et blanc, personnages féminins d’un côté et masculins de l’autre. Néanmoins, si les Dessins pour la Bible s’avèrent moins traditionnels que la première Bible par le choix des personnages majoritairement féminins, la conception générale de l’ouvrage se montre tout de même plus classique que la première. Dans celleci, l’artiste écarta des sujets sur la Chute de l’humanité en mettant principalement l’accent sur l’alliance entre Dieu et son peuple. En revanche, les Dessins pour la Bible montrent en détails l’épisode d’Adam et Ève qui sont chassés du Paradis après avoir désobéi à Dieu. L’histoire de la Chute continue par le meurtre de Caïn et le Déluge, auxquels quatre images sont consacrées. Or, ce qui nous frappe le plus dans cette partie de la Genèse nouvellement représentée, c’est le fait que l’artiste figura Dieu. Dans la lithographie sur Ève maudite par Dieu (ill. 225) 904 , Chagall nous montre l’Éternel sous l’apparence d’un vieillard barbu, selon la convention de l’art occidental. Ceci est un changement radical de la part de l’artiste, car dans ses eaux-fortes pour la Bible il recherchait volontairement à respecter la tradition juive qui ne représente jamais la figure divine. 904 Ève maudite par Dieu pour Dessins pour la Bible, revue Verve, 1960, lithographie en couleurs, 36, 4 x 26 cm, Mourlot n° 236. 255

deuxième lithographie intitulée Paradis représente Adam et Ève dans une ambiance<br />

idyllique, accompagnés d’une grande tête de cheval vert décorée <strong>par</strong> de petites fleurs. <strong>La</strong><br />

féminité du corps d’Ève y est bien soulignée à travers ses seins voluptueux (ill. 223) 901 .<br />

Mais la représentation des personnages féminins en tant que bien-aimées sensuelles n’est<br />

pas seulement visible dans le cas d’Ève, et elle semble être une des caractéristiques<br />

principales de ces lithographies. Comme exemple représentatif, étonnamment, Sara n’est<br />

pas représentée ici comme l’épouse d’Abraham, mais comme la femme désirée <strong>par</strong><br />

Abimélek, roi de Guérar 902 . De la même manière que dans le cas d’Ève, la féminité de Sara<br />

et celle des autres personnages sont constamment symbolisées <strong>par</strong> leurs seins très<br />

présents ; ainsi Agar, Rahab, Ruth, Mical, Vasthi et Esther sont toutes dessinées avec de<br />

grosses poitrines.<br />

Par ailleurs, l’artiste utilisa très peu de couleurs pour ces lithographies destinées<br />

aux Dessins pour la <strong>Bible</strong>. Chaque planche est généralement dominée <strong>par</strong> une seule<br />

couleur, mais <strong>par</strong>fois une ou deux autres teintes supplémentaires s’ajoutent aux éléments<br />

secondaires, marquant ainsi les accents chromatiques dans l’image. Ce principe s’applique<br />

d’ailleurs à presque toutes les planches. Prenons quelques exemples : la couverture et la<br />

planche sur la Création sont peintes tout en bleu ; la première planche intitulée <strong>La</strong> Vierge<br />

d’Israël est en rouge (ill. 224) ; le Paradis est dominé <strong>par</strong> le vert et rehaussé <strong>par</strong> un peu de<br />

jaune, de rouge et de noir (ill. 225). Néanmoins, l’utilisation du rouge est très<br />

marquante dans l’ensemble : plusieurs scènes sont quasiment des monochromes en rouge<br />

(Le Visage d’Israël, Adam et Ève chassés du Paradis terrestre, Caïn et Abel, Rachel<br />

dérobe les idoles de son père, Ruth Glaneuse (ill. 224) 903 ). Même lorsque le ton général<br />

n’est pas rouge, cette couleur est employée pour accentuer des éléments de la planche : les<br />

pommes dans le Paradis, Adam et Ève dans une autre version du Paradis, le corps d’Ève<br />

dans Ève maudite <strong>par</strong> Dieu, les trois anges dans Sara et les Anges, le soleil dans Noémi et<br />

ses belles-filles, Rencontre de Ruth et de Booz et Booz se réveille et voit Ruth à ses pieds.<br />

Nous nous souvenons que dans le cycle du Cantique des Cantiques, le rose et le rouge sont<br />

utilisés comme des couleurs dominantes. Dans cette série de tableaux dont le sujet est<br />

l’amour, l’artiste exprime le sujet sous l’ap<strong>par</strong>ence du couple amoureux et des mariés. <strong>La</strong><br />

couleur rose qui évoque la douceur féminine lui confère de la chaleur et une ambiance<br />

901<br />

Paradis pour Dessins pour la <strong>Bible</strong>, revue Verve, 1960, lithographie en couleurs, 36, 4 x 26 cm, Mourlot<br />

n° 233.<br />

902<br />

Cf. Genèse XX.<br />

903<br />

Ruth Glaneuse pour Dessins pour la <strong>Bible</strong>, revue Verve, 1960, lithographie en couleurs, 36, 4 x 26 cm,<br />

Mourlot n° 246.<br />

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