La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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prophète, mais « berger » (ill. 206) 877 . Pour Jonas qui fut jeté à la mer et qui resta dans le ventre du poisson pendant trois jours, l’artiste semble avoir eu plus de facilité à l’illustrer : il réalisa six dessins pour ce prophète, dont quatre le représentant avec le grand poisson, et un avec Jonas jeté du navire. Seul le dernier dessin montre une autre représentation : il figure le prophète qui marche une canne à la main. C’est sans doute une illustration du passage où Dieu demande au prophète de se mettre en route pour aller à Ninive. Quant à Michée, Chagall le représenta littéralement en train de parler à une « fille de Sion » 878 (ill. 207) 879 . En réalité, ce terme signifie Sion même, qui est le nom de l’une des collines de Jérusalem et qui désigne souvent la ville entière, voire même le peuple élu. Il faudrait alors considérer cette expression comme symbolique, mais Chagall choisit de figurer une fille selon son sens littéral au lieu de représenter ce qu’elle signifie symboliquement. De la même manière, l’artiste illustra les visions de Zacharie à travers un cavalier et un chandelier 880 . Quelles que soient leurs significations et leurs valeurs symboliques, l’artiste retranscrit mot à mot les paroles du prophète dans ces dessins. En revanche, lorsque le texte est assez abstrait et quand il ne contient pas d’éléments concrets à retenir, l’artiste figura seulement le prophète en question comme motif central du dessin. Par exemple, dans les deux dessins pour les prophéties de Joël, Chagall réalisa une sorte de portraits de prophète. Contrairement aux dessins sur d’autres prophètes que nous avons analysés, ceuxci représentent le prophète en gros plan sans aucun élément explicatif sur le fond. Ainsi, cela laisse penser que l’artiste trouvait les textes narratifs plus aisés à illustrer. Si nous supposons par ce qui précède que Chagall cherchait des récits ou des éléments concrets pour ses illustrations, il devient d’autant plus intéressant de regarder comment il a représenté des textes comme les Psaumes, l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques. Chagall réalisa deux dessins sur le Psaume I : l’un montre deux oiseaux de chaque côté de deux tablettes, une chèvre et un chandelier allumé au-dessus d’un arbre (ill. 208) 881 ; l’autre montre un ange nu et couronné. Dans le premier dessin, l’inscription sur les tablettes « Heureux l’homme » qui retrace la première phrase du Psaume nous permet de supposer que l’arbre du dessin peut également avoir un lien avec le texte, le troisième 877 e Amasia chasse Amos (le 81 dessin pour Dessins pour la Bible, revue Verve, 1960), Fusain, encre de Chine et gouache, 32, 5 x 25, 5 cm. 878 Michée IV, 10-14. 879 e Le prophète Michée parle à une fille de Sion (le 91 dessin pour Dessins pour la Bible, revue Verve, 1960), Encre de Chine et lavis, 35, 5 x 26, 8 cm. 880 « Cette nuit j’ai vu, dans une vision, un cavalier monté sur un cheval roux. » (Zacharie I, 8) ; « [...] Je vois un chandelier tout en or [...] » (Zacharie IV, 2). 881 e Psaume I –Heureux l’Homme (le 62 dessin pour Dessins pour la Bible, revue Verve, 1960), Encre de Chine et lavis sur papier Japon, 34 x 26 cm. 248

verset étant « Il prospère comme un arbre ». Mais, à part ces éléments, Chagall constitua ces dessins avec des motifs qui ne sont pas directement liés au texte mais qui appartiennent plutôt à son répertoire pictural. Il eut recours à ses propres motifs picturaux tels que l’oiseau, la chèvre, le chandelier, l’ange et les Tables de la Loi, même si sur ces derniers nous ne lisons pas les dix commandements mais un verset du Psaume I. Après le Psaume, Chagall illustra le début et la fin du livre de l’Ecclésiaste par deux dessins très proches l’un de l’autre. En réalité, le prologue de ce livre peut se résumer en une phrase : « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil » 882 . Or, ce que nous voyons dans le dessin, c’est un grand oiseau, peut-être un coq, et un homme, ainsi qu’un grand livre ouvert dans les airs audessus d’une foule (ill. 209) 883 . L’homme et le livre indiquent probablement la personne qui parle dans l’Ecclésiaste, la foule les gens à qui s’adresse le message. Néanmoins, le grand oiseau ou le coq reste énigmatique tant que l’on ignore le sens symbolique de ce motif typiquement chagallien. À ce propos, Franz Meyer voyait dans cet animal une signification hautement religieuse en relation avec le sacrifice rituel du coq lors de la cérémonie de purification dans le judaïsme 884 . Chez Chagall le coq est également considéré comme un symbole de vie et d’espoir 885 . En effet, un grand oiseau qui ressemble à celui de l’Ecclésiaste apparaît dans le premier dessin de cet ouvrage, qui représente l’Éden (ill. 210) 886 . Ce dessin montre Adam et Ève unis en seul corps dans le jardin d’Éden, entourés d’arbres et d’animaux. Nous voyons surtout un énorme oiseau qui déploie ses ailes derrière le premier couple, comme s’il manifestait une puissance de vie. La présence du grand oiseau dans l’Ecclésiaste peut être interprétée à la lumière de ces symbolismes : dans ce texte qui parle du vrai sens de la vie, dans le respect et l’obéissance aux commandements de Dieu, l’oiseau est une allusion de la vie dont nous devons rechercher le sens dans la sainteté. Ainsi, si Chagall introduisit la symbolique par l’ajout de motifs picturaux personnels dans la représentation de textes abstraits comme les Psaumes et l’Ecclésiaste, pour le Cantique des Cantiques il réalisa des dessins encore plus poétiques grâce à ces éléments picturaux. Dans les huit dessins que l’artiste réalisa pour ce livre, nous pouvons remarquer que quelques motifs apparaissent en répétition : un nu féminin, un roi, un couple d’amoureux, un arbre fleuri ou un bouquet de fleurs, un instrument de musique, des 882 L’Ecclésiaste, I, 9. 883 L’Ecclésiaste (le 64 e dessin pour Dessins pour la Bible, revue Verve, 1960). 884 Franz Meyer, Marc Chagall, op. cit., p. 71. 885 Musée National Message Biblique Marc Chagall, op. cit., p. 34. 886 Paradis (le 1 er dessin pour Dessins pour la Bible, revue Verve, 1960), Crayon sur papier granulé, 35, 7 x 27, 2 cm. 249

prophète, mais « berger » (ill. 206) 877 . Pour Jonas qui fut jeté à la mer et qui resta dans le<br />

ventre du poisson pendant trois jours, l’artiste semble avoir eu plus de facilité à l’illustrer :<br />

il réalisa six dessins pour ce prophète, dont quatre le représentant avec le grand poisson, et<br />

un avec Jonas jeté du navire. Seul le dernier dessin montre une autre représentation : il<br />

figure le prophète qui marche une canne à la main. C’est sans doute une illustration du<br />

passage où Dieu demande au prophète de se mettre en route pour aller à Ninive. Quant à<br />

Michée, <strong>Chagall</strong> le représenta littéralement en train de <strong>par</strong>ler à une « fille de Sion » 878 (ill.<br />

207) 879 . En réalité, ce terme signifie Sion même, qui est le nom de l’une des collines de<br />

Jérusalem et qui désigne souvent la ville entière, voire même le peuple élu. Il faudrait alors<br />

considérer cette expression comme symbolique, mais <strong>Chagall</strong> choisit de figurer une fille<br />

selon son sens littéral au lieu de représenter ce qu’elle signifie symboliquement. De la<br />

même manière, l’artiste illustra les visions de Zacharie à travers un cavalier et un<br />

chandelier 880 . Quelles que soient leurs significations et leurs valeurs symboliques, l’artiste<br />

retranscrit mot à mot les <strong>par</strong>oles du prophète dans ces dessins. En revanche, lorsque le<br />

texte est assez abstrait et quand il ne contient pas d’éléments concrets à retenir, l’artiste<br />

figura seulement le prophète en question comme motif central du dessin. Par exemple,<br />

dans les deux dessins pour les prophéties de Joël, <strong>Chagall</strong> réalisa une sorte de portraits de<br />

prophète. Contrairement aux dessins sur d’autres prophètes que nous avons analysés, ceuxci<br />

représentent le prophète en gros plan sans aucun élément explicatif sur le fond. Ainsi,<br />

cela laisse penser que l’artiste trouvait les textes narratifs plus aisés à illustrer.<br />

Si nous supposons <strong>par</strong> ce qui précède que <strong>Chagall</strong> cherchait des récits ou des<br />

éléments concrets pour ses illustrations, il devient d’autant plus intéressant de regarder<br />

comment il a représenté des textes comme les Psaumes, l’Ecclésiaste et le Cantique des<br />

Cantiques. <strong>Chagall</strong> réalisa deux dessins sur le Psaume I : l’un montre deux oiseaux de<br />

chaque côté de deux tablettes, une chèvre et un chandelier allumé au-dessus d’un arbre (ill.<br />

208) 881 ; l’autre montre un ange nu et couronné. Dans le premier dessin, l’inscription sur<br />

les tablettes « Heureux l’homme » qui retrace la première phrase du Psaume nous permet<br />

de supposer que l’arbre du dessin peut également avoir un lien avec le texte, le troisième<br />

877 e<br />

Amasia chasse Amos (le 81 dessin pour Dessins pour la <strong>Bible</strong>, revue Verve, 1960), Fusain, encre de<br />

Chine et gouache, 32, 5 x 25, 5 cm.<br />

878<br />

Michée IV, 10-14.<br />

879 e<br />

Le prophète Michée <strong>par</strong>le à une fille de Sion (le 91 dessin pour Dessins pour la <strong>Bible</strong>, revue Verve, 1960),<br />

Encre de Chine et lavis, 35, 5 x 26, 8 cm.<br />

880<br />

« Cette nuit j’ai vu, dans une vision, un cavalier monté sur un cheval roux. » (Zacharie I, 8) ; « [...] Je vois<br />

un chandelier tout en or [...] » (Zacharie IV, 2).<br />

881 e<br />

Psaume I –Heureux l’Homme (le 62 dessin pour Dessins pour la <strong>Bible</strong>, revue Verve, 1960), Encre de<br />

Chine et lavis sur papier Japon, 34 x 26 cm.<br />

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