La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
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hésita jusqu’en 1957, année marquée par l’installation de sa céramique murale qui représente Moïse guidant les Hébreux à travers la mer Rouge. De plus, l’artiste tint particulièrement à préciser son point de vue en inscrivant au-dessus de l’entrée : « Au Nom de la Liberté de Toutes les Religions ». L’artiste juif avait certainement d’autant plus de scrupules à décorer cette église chrétienne qu’il en avait très envie. En réalité, Chagall rêvait d’avoir un édifice religieux complet où s’épanouirait sa peinture biblique. Il commença à réaliser dès 1950 des tableaux tirés de la Bible, dont certains d’une dimension très importante 745 . Avec ses tableaux l’artiste songeait à créer un lieu de recueillement, où ces œuvres à caractère religieux trouveraient leur véritable valeur et leur message serait mieux transmis. Chagall écrivit : « Décorer une chapelle me donnerait la chance de faire un travail qui est uniquement possible sur de larges murs, sans me limiter aux tableaux de chevalet relativement petits destinés à être accrochés chez des particuliers » 746 . En 1950, il fut question pour la première fois de réaliser ce projet dans une chapelle de Vence. C’était une petite chapelle désaffectée qui appartenait à la paroisse. D’après le témoignage de Virginia, Chagall se sentit attiré par cette chapelle. Il en examina l’espace disponible, en estima les sources d’éclairage et vérifia l’état de la maçonnerie. Puis le diocèse fut officiellement avisé de son désir de décorer la chapelle 747 . Néanmoins, les témoignages contradictoires ne permettent pas de définir avec certitude si ce fut vraiment l’artiste lui-même qui prit cette initiative ou s’il reçut une commande de la part de l’Église. Le livre de Virginia penche vers la première possibilité, alors que le résumé de la lettre 748 de Chagall adressée au Président de l’État d’Israël Chaim Weitzmann privilégie la seconde. En effet, dans ce résumé de lettre il est écrit que Chagall avait reçu la proposition d’exécuter des peintures murales dans la chapelle, mais qu’il n’avait pas encore accepté de le faire 749 . Franz Meyer écrivit à ce sujet que « le lieu le toucha, mais [qu’]après un certain 745 Franz Meyer, Marc Chagall, op. cit., p. 247. 746 Cette citation est tirée du résumé de la lettre de Chagall au Président Weitzmann, probablement rédigé par Ida mais dont l’original reste introuvable dans les archives du Président ; cf. Benjamin Harshav, Marc Chagall and His Times – A Documentary Narrative, op. cit., p. 703. Nous traduisons. 747 Virginia Haggard, Ma vie avec Chagall, op. cit., p. 163. 748 Selon le livre de Virginia, Chagall écrivit au président Weitzmann non au sujet de la décoration de la chapelle de Vence mais à propos de la décoration du baptistère de l’église du Plateau d’Assy. 749 Résumé de la lettre de Chagall au Président Weitzmann ; cf. Benjamin Harshav, Marc Chagall and His Times – A Documentary Narrative, op. cit., pp. 703-704. 216
temps de réflexion, il préféra concevoir son projet plus librement » 750 , ce qui semble suggérer que Chagall déclina la proposition. Quoi qu’il en soit, le résumé de sa lettre en anglais, probablement rédigé par Ida, montre bien combien l’artiste était consciencieux. Il y exprimait son envie de décorer des bâtiments publics, ce qui était depuis longtemps son rêve. Mais il y précisait également qu’ « [il] ne [voulait] pas que le peuple d’Israël pensât que dans [son] cœur ou dans [son] esprit il y avait quelque chose de commun avec le non judaïsme » 751 . Et il ajouta : « Par mes ancêtres je serai toujours attaché à mon peuple » 752 . En outre, il associa son problème de conscience à la politique internationale : « Je ne sais pas si je devrais décorer une église catholique à une période où le Vatican n’est pas favorablement disposé envers Israël. En même temps, je me demande si la présence d’une peinture juive dans une église serait une bonne propagande pour notre peuple » 753 . Il illustra d’ailleurs clairement sa position en énumérant les décisions qu’il avait résolument prises dans des questions en lien avec la politique : il refusa la requête de son ami Jacques Maritain de faire un don de peinture au musée d’art moderne du Vatican ; il refusa d’exposer dans des musées allemands après la guerre malgré l’invitation officielle des services culturels français ; il refusa également d’assister au vernissage de son exposition à Londres lorsque la politique britannique était défavorable aux intérêts d’Israël. Le Président Weitzmann répondit à Chagall que c’était une question plutôt religieuse que politique, et qu’il laissait l’artiste faire un choix selon son bon sens, qui lui avait bien servi jusqu’alors 754 . Quelle que soit l’origine du projet, il est au moins certain que l’artiste avait envie de faire le travail de décoration pour la chapelle de Vence et pour l’église du Plateau d’Assy, mais qu’il ne se sentait pas complètement libre de l’entreprendre en tant que Juif. Même s’il était loin d’être Juif pratiquant, sa volonté de garder ses distances par rapport au christianisme s’avère évidente. Il alla jusqu’à se demander si la présence d’une peinture juive dans une église chrétienne serait bénéfique pour les Juifs ; en revanche, il craignait que ses œuvres soient interprétées d’un point de vue chrétien. Alors il essaya de discerner ce qu’il devait faire, en cherchant des avis et des 750 Franz Meyer, Marc Chagall, op. cit., p. 272. 751 Résumé de la lettre de Chagall au Président Weitzmann. Cf. La phrase originale est : « I would not want the people of Israel to think that in my heart or mind [...] I have anything in common with non-Judaism ». 752 Résumé de la lettre de Chagall au Président Weitzmann ; cf. Benjamin Harshav, Marc Chagall and His Times – A Documentary Narrative, op. cit., p. 703. 753 Résumé de la lettre de Chagall au Président Weitzmann ; cf. Ibid., pp. 703-704. 754 Lettre de Chagall aux Opatoshus ; cf. Ibid., pp. 702-703. 217
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suggérer que <strong>Chagall</strong> déclina la proposition. Quoi qu’il en soit, le résumé de sa lettre en<br />
anglais, probablement rédigé <strong>par</strong> Ida, montre bien combien l’artiste était consciencieux. Il<br />
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rêve. Mais il y précisait également qu’ « [il] ne [voulait] pas que le peuple d’Israël pensât<br />
que dans [son] cœur ou dans [son] esprit il y avait quelque chose de commun avec le non<br />
judaïsme » 751 . Et il ajouta : « Par mes ancêtres je serai toujours attaché à mon peuple » 752 .<br />
En outre, il associa son problème de conscience à la politique internationale :<br />
« Je ne sais pas si je devrais décorer une église catholique à une période où le Vatican<br />
n’est pas favorablement disposé envers Israël. En même temps, je me demande si la<br />
présence d’une peinture juive dans une église serait une bonne propagande pour notre<br />
peuple » 753 .<br />
Il illustra d’ailleurs clairement sa position en énumérant les décisions qu’il avait<br />
résolument prises dans des questions en lien avec la politique : il refusa la requête de son<br />
ami Jacques Maritain de faire un don de peinture au musée d’art moderne du Vatican ; il<br />
refusa d’exposer dans des musées allemands après la guerre malgré l’invitation officielle<br />
des services culturels français ; il refusa également d’assister au vernissage de son<br />
exposition à Londres lorsque la politique britannique était défavorable aux intérêts d’Israël.<br />
Le Président Weitzmann répondit à <strong>Chagall</strong> que c’était une question plutôt<br />
religieuse que politique, et qu’il laissait l’artiste faire un choix selon son bon sens, qui lui<br />
avait bien servi jusqu’alors 754 . Quelle que soit l’origine du projet, il est au moins certain<br />
que l’artiste avait envie de faire le travail de décoration pour la chapelle de Vence et pour<br />
l’église du Plateau d’Assy, mais qu’il ne se sentait pas complètement libre de<br />
l’entreprendre en tant que Juif. Même s’il était loin d’être Juif pratiquant, sa volonté de<br />
garder ses distances <strong>par</strong> rapport au christianisme s’avère évidente. Il alla jusqu’à se<br />
demander si la présence d’une peinture juive dans une église chrétienne serait bénéfique<br />
pour les Juifs ; en revanche, il craignait que ses œuvres soient interprétées d’un point de<br />
vue chrétien. Alors il essaya de discerner ce qu’il devait faire, en cherchant des avis et des<br />
750 Franz Meyer, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, op. cit., p. 272.<br />
751 Résumé de la lettre de <strong>Chagall</strong> au Président Weitzmann. Cf. <strong>La</strong> phrase originale est : « I would not want<br />
the people of Israel to think that in my heart or mind [...] I have anything in common with non-Judaism ».<br />
752 Résumé de la lettre de <strong>Chagall</strong> au Président Weitzmann ; cf. Benjamin Harshav, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> and His<br />
Times – A Documentary Narrative, op. cit., p. 703.<br />
753 Résumé de la lettre de <strong>Chagall</strong> au Président Weitzmann ; cf. Ibid., pp. 703-704.<br />
754 Lettre de <strong>Chagall</strong> aux Opatoshus ; cf. Ibid., pp. 702-703.<br />
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