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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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sur le toit – sans doute la figure symbolique d’un Juif mélancolique – se lamente sur la<br />

tragédie.<br />

Dans cette série de la crucifixion nous pouvons ajouter Le Bœuf écorché 707 de<br />

1947, une variante originale (ill. 153). Au premier plan du tableau nous voyons l’animal<br />

accroché <strong>par</strong> les deux pattes arrière à la branche transversale d’un gibet. Sa dépouille pend<br />

mais sa tête est encore vivante : elle se redresse et lape le liquide d’un baquet. Un coq<br />

s’enfuit du corps de cet animal mort-vivant, mais un homme portant un couteau surgit du<br />

fond du ciel et s’approche de lui. S’agit-il d’un boucher ou d’un sacrificateur ? Au-dessus<br />

de lui, une bougie dans un bougeoir tordu cingle dans les airs. À l’arrière plan, nous<br />

apercevons les maisons du village dans un paysage d’hiver. Ce paysage de nuit est peint<br />

avec des tons tristes allant du noir au violet en passant <strong>par</strong> le bleu nuit, en contraste avec le<br />

rouge vif du corps du bœuf. Sans doute cet animal ensanglanté est une autre figure du<br />

martyr, de la victime sacrifiée, et du Christ sur la croix. <strong>Chagall</strong> a vu dans son enfance des<br />

abattages de bétail chez son grand-père de Lyozno et a décrit une vache tuée comme un<br />

être « nu et crucifié » 708 dans son autobiographie. Franz Meyer voyait dans ce tableau un<br />

tragique plus désespéré que dans d’autres tableaux de la crucifixion, car, d’après lui, si<br />

<strong>Chagall</strong> voyait dans la crucifixion une nécessité intérieure, la condition préalable à<br />

l’accomplissement du véritable humanisme, le massacre de l’animal est l’exemple de la<br />

destruction pure et de la cruauté absurde 709 . Néanmoins, nous pouvons remarquer un fait<br />

étrange : l’animal de ce tableau n’est pas complètement mort, puisqu’il lape le liquide<br />

rouge dans le baquet posé devant lui. Boire cette substance, c’est en effet reprendre le sang<br />

qui coule de son propre corps. L’artiste se sert probablement de la métaphore du retour à la<br />

vie de l’animal comme référence à la résurrection du Christ.<br />

Il est intéressant de voir que depuis 1947, année de la création du Bœuf écorché, le<br />

thème de la crucifixion se présente différemment dans la peinture de <strong>Chagall</strong>.<br />

L’Autoportrait à la pendule 710 représente l’artiste lui-même peignant un tableau avec pour<br />

sujet la crucifixion (ill. 154). <strong>La</strong> figure de l’artiste est mise en <strong>par</strong>allèle avec une tête de<br />

cheval, au-dessus de laquelle une pendule munie de bras semble faire de grands gestes. Par<br />

rapport à ces motifs, la crucifixion posée sur le chevalet occupe une place moins<br />

importante. Or, le Christ dans le tableau attire une attention <strong>par</strong>ticulière car il est<br />

707<br />

Le Bœuf écorché, 1947, Huile sur toile, 101 x 81 cm, <strong>Paris</strong>, Collection <strong>par</strong>ticulière (Succession Ida<br />

<strong>Chagall</strong>) ; cf. Ibid., cat. ill. A. 196.<br />

708<br />

<strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, Ma vie, op. cit., p. 27.<br />

709<br />

Franz Meyer, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, op. cit., pp. 233-234.<br />

710<br />

Autoportrait à la pendule, 1947, Huile sur toile, 86 x 70, 5 cm, Collection <strong>par</strong>ticulière ; cf. Ibid., cat. ill. A.<br />

192.<br />

206

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