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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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n’aimait pas « dramatiser ». Si Gustave Doré fit de la <strong>Bible</strong> des drames humains, <strong>Marc</strong><br />

<strong>Chagall</strong> fit des poèmes :<br />

« Pour moi, peindre la <strong>Bible</strong>, c’est comme un bouquet de fleurs. <strong>La</strong> <strong>Bible</strong> pour moi c’est<br />

de la poésie toute pure, une tragédie humaine. Les prophètes m’inspirent, Jérémie,<br />

Isaïe... c’est de la poésie engagée [...]. Je ne proclame pas le drame de la vie. Je ne<br />

dramatise pas, même lorsque la mort est présente dans un tableau. C’est tragique <strong>par</strong><br />

nature, c’est comme ça, tout simplement » 620 .<br />

Son point de vue poétique ap<strong>par</strong>aît aussi <strong>par</strong> sa capacité à alléger les sujets graves.<br />

Par exemple, sa planche IX sur l’épisode de Loth et ses filles, incestueux antiques, est<br />

plutôt empreint d’humour. Dans la scène, Loth et une des deux filles sont allongés sur le<br />

sol, et l’autre fille arrive pour les rejoindre (ill. 136) 621 . <strong>La</strong> bouteille de vin tenue <strong>par</strong> la<br />

fille à côté de son père et leurs corps entièrement nus nous laissent imaginer ce qui se<br />

passe. Mais c’est justement cette nudité totale qui donne une certaine gaieté dans l’image<br />

<strong>par</strong> sa franchise, tout en gardant un peu de pudeur <strong>par</strong> un geste astucieux : le père et la fille<br />

plient leur jambe gauche, de telle sorte que leur <strong>par</strong>tie intime soit cachée. Ces deux corps<br />

volumineux ne sont pas privés de sensualité, mais <strong>par</strong> leur même mouvement de jambes ils<br />

se montrent harmonieux. Puis l’expression innocente sur le visage du père endormi éclipse<br />

la nature délicate du sujet, et ainsi l’ensemble de cette planche reste agréable à regarder. En<br />

outre, l’artiste a su aussi transcender la tristesse. Dans sa planche LXVI (ill. 47) 622 <strong>Chagall</strong><br />

illustre l’élégie de David 623 que celui-ci composa sur Saül et Jonathan, fils de Saül et son<br />

meilleur ami, morts dans le combat contre les Philistins. <strong>Chagall</strong> figure ici David comme<br />

un personnage solitaire et mélancolique qui se dresse seul et joue de l’instrument en<br />

regardant tristement vers le ciel : une expression sans emphase, l’air morose de David<br />

baigne cette image dans une tristesse vague mais non bouleversante.<br />

À travers ses illustrations de la <strong>Bible</strong>, <strong>Chagall</strong> nous relate les événements de la vie<br />

humaine. Comme l’artiste lui-même le dit, il considérait la <strong>Bible</strong> comme de la poésie pure<br />

620<br />

Charles Sorlier, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> et Ambroise Vollard, op. cit., p. 18.<br />

621<br />

Les filles de Lot enivrent leur père (pl. IX), 1931-1934, Eau-forte, 32, 2 x 24, 1 cm, Nice, Musée National<br />

Message Biblique <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>.<br />

622<br />

Ayant appris la mort de Jonathan, son ami le plus cher, tué dans le combat contre les Philistins, David le<br />

pleure et chante un cantique funèbre (pl. LXVI), 1952-1956, Eau-forte, 32 x 24 cm, Nice, Musée National<br />

Message Biblique <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>.<br />

623<br />

Cf. II Samuel, I , 17-27.<br />

180

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