La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
eprésente le prophète Élie contre les prophètes de Baal, Élie tend son bras gauche dont l’index pointe verticalement le ciel (ill. 134) 616 . Ce geste, signifiant sans doute son invocation à Dieu afin qu’Il manifeste son pouvoir divin devant les idolâtres, semble également exprimer la fermeté du personnage désireux de montrer la puissance de l’Éternel à ses adversaires. En outre, Chagall le dessina les bras tendus vers le haut tel un signe d’exhortation ou d’imploration. Dans la planche LII, la prophétesse Déborah assise tend ses deux bras vers Baraq debout en l’exhortant à lever une armée. Avec le même geste que la prophétesse, Anne agenouillée, dans la planche LVIII (ill. 135) 617 , tend ses bras vers le ciel en priant l’Éternel de la rendre mère d’un fils, qui sera Samuel. De la même manière encore, Josué, dans la planche L, qui prononce le discours d’adieu à son peuple tend ses bras vers le haut en exhortant les Israélites à reconnaître les bienfaits de l’Éternel et à s’attacher uniquement à Lui. 2. Les choix et les préférences de Chagall Chagall exprime son originalité dans ses illustrations également par sa vision toute personnelle de la Bible et du monde. À travers les thèmes qu’il a choisis, le style et les motifs picturaux appartenant à son univers artistique, il nous présente des éléments que l’on peut qualifier de personnels ou de proprement chagalliens. 2. 1. La sélection des thèmes : l’absence de la chute et la promesse divine Au tout début de cette partie II, nous avons observé le choix des livres dans ses illustrations de la Bible. Et nous avons conclu que l’artiste avait composé ses illustrations selon l’ordre du canon de la Bible hébraïque. Il s’est soumis ainsi délibérément à la tradition juive dans le choix des livres, mais quant à la sélection des épisodes dans chaque livre, il semble de ne pas s’être contraint. La liberté qu’il s’est donné a permis à l’artiste de déployer dans son travail toute son imagination. Dès lors, les thèmes traités par lui nous laissent voir ses préférences et sa vision de l’univers biblique. 616 L’holocauste offert par Élie est consumé par un feu venu de l’Éternel (pl. LXXXV), 1952-1956, Eau-forte, 33, 1 x 25, 5 cm, Nice, Musée National Message Biblique Marc Chagall. 617 Anne prie l’Éternel de la rendre mère d’un fils, qui sera Samuel (pl. LVIII), 1952-1956, Eau-forte, 28 x 24 cm, Nice, Musée National Message Biblique Marc Chagall. 178
L’Ancien Testament, en particulier la Genèse, contient beaucoup d’épisodes mythiques comme Adam et Ève dans le paradis et la tentation, le meurtre de Caïn, le Déluge, la destruction de Sodome et de Gomorrhe, la construction de la tour de Babel etc. Pourtant, ce sont là autant des thèmes qui n’apparaissent pas dans les illustrations de Chagall. Celui-ci représente la création d’Adam, mais supprime celle d’Ève 618 , et omet la tentation de cette dernière par le serpent et le péché originel. Il illustre Noé lâchant la colombe de l’arche mais non pas la scène chaotique du Déluge, et il figure Abraham et trois anges sur le chemin de Sodome ainsi que Loth enivré par ses filles, mais non pas la destruction des villes Sodome et Gomorrhe. De même, ni le premier meurtrier Caïn, ni la catastrophe de la tour de Babel ne trouvent leur place dans cette Bible. L’omission de ces thèmes peut être considéré comme l’absence de l’idée de chute dans l’ensemble de ces illustrations, qui se distinguent d’autres illustrations bibliques dans le concept et le style. D’abord, ceci révèle un grand décalage par rapport à l’art religieux occidental, car l’axe de la pensée chrétienne est basé sur la chute de l’humanité depuis Adam et Ève et sa rédemption par le sacrifice du Christ. C’est la raison pour laquelle les épisodes concernant la chute ont été principalement traités dans l’art chrétien occidental. En revanche, à la place de l’idée de chute et de rédemption, Chagall s’est concentré sur l’idée d’alliance entre Dieu et son peuple, qui se traduit souvent par la promesse divine. De nombreuses planches de Chagall sont directement ou indirectement concernées par ce sujet. Par exemple, l’artiste a ignoré le Déluge mais illustré Noé offrant un sacrifice à Dieu (pl. III), et l’arc-en-ciel, signe d’alliance entre Lui et la Terre (pl. IV). Il a figuré ensuite Abraham pratiquant la circoncision sur son fils, acte rituel ordonné par Dieu, qui est aussi un autre signe d’alliance (pl. VI). De plus, la planche XLIV représente les Israélites portant l’Arche d’alliance, symbole de l’alliance elle-même. La différence de Chagall s’avère plus nette lorsque nous nous rappelons les illustrations de la Bible en France à une époque précédente, notamment celles de Gustave Doré (1832-1883). Presque un siècle avant Chagall, Doré réalisa une importante Bible illustrée de l’Ancien et du Nouveau Testament qui attirèrent l’attention du public. Or, ces illustrations, véritable fruit du Romantisme, sont très marquées par le caractère de l’artiste qui était très doué pour représenter « des épisodes dramatiques, sombres et même horribles » 619 . Non seulement les catastrophes mais aussi toutes les tragédies et les guerres ont été représentées en priorité par Doré. En cela il s’oppose complètement à Chagall, qui 618 Chagall fit une gouache au sujet de la création d’Ève, mais il ne l’utilisa pas pour la planche à l’eau-forte. 619 Gustave Doré illustrateur, Catalogue de l’exposition, Le Havre, Bibliothèque Municipale du Havre, 1984. 179
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L’Ancien Testament, en <strong>par</strong>ticulier la Genèse, contient beaucoup d’épisodes<br />
mythiques comme Adam et Ève dans le <strong>par</strong>adis et la tentation, le meurtre de Caïn, le<br />
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Pourtant, ce sont là autant des thèmes qui n’ap<strong>par</strong>aissent pas dans les illustrations de<br />
<strong>Chagall</strong>. Celui-ci représente la création d’Adam, mais supprime celle d’Ève 618 , et omet la<br />
tentation de cette dernière <strong>par</strong> le serpent et le péché originel. Il illustre Noé lâchant la<br />
colombe de l’arche mais non pas la scène chaotique du Déluge, et il figure Abraham et<br />
trois anges sur le chemin de Sodome ainsi que Loth enivré <strong>par</strong> ses filles, mais non pas la<br />
destruction des villes Sodome et Gomorrhe. De même, ni le premier meurtrier Caïn, ni la<br />
catastrophe de la tour de Babel ne trouvent leur place dans cette <strong>Bible</strong>.<br />
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dans l’ensemble de ces illustrations, qui se distinguent d’autres illustrations bibliques dans<br />
le concept et le style. D’abord, ceci révèle un grand décalage <strong>par</strong> rapport à l’art religieux<br />
occidental, car l’axe de la pensée chrétienne est basé sur la chute de l’humanité depuis<br />
Adam et Ève et sa rédemption <strong>par</strong> le sacrifice du Christ. C’est la raison pour laquelle les<br />
épisodes concernant la chute ont été principalement traités dans l’art chrétien occidental.<br />
En revanche, à la place de l’idée de chute et de rédemption, <strong>Chagall</strong> s’est concentré sur<br />
l’idée d’alliance entre Dieu et son peuple, qui se traduit souvent <strong>par</strong> la promesse divine. De<br />
nombreuses planches de <strong>Chagall</strong> sont directement ou indirectement concernées <strong>par</strong> ce<br />
sujet. Par exemple, l’artiste a ignoré le Déluge mais illustré Noé offrant un sacrifice à Dieu<br />
(pl. III), et l’arc-en-ciel, signe d’alliance entre Lui et la Terre (pl. IV). Il a figuré ensuite<br />
Abraham pratiquant la circoncision sur son fils, acte rituel ordonné <strong>par</strong> Dieu, qui est aussi<br />
un autre signe d’alliance (pl. VI). De plus, la planche XLIV représente les Israélites portant<br />
l’Arche d’alliance, symbole de l’alliance elle-même.<br />
<strong>La</strong> différence de <strong>Chagall</strong> s’avère plus nette lorsque nous nous rappelons les<br />
illustrations de la <strong>Bible</strong> en France à une époque précédente, notamment celles de Gustave<br />
Doré (1832-1883). Presque un siècle avant <strong>Chagall</strong>, Doré réalisa une importante <strong>Bible</strong><br />
<strong>illustrée</strong> de l’Ancien et du Nouveau Testament qui attirèrent l’attention du public. Or, ces<br />
illustrations, véritable fruit du Romantisme, sont très marquées <strong>par</strong> le caractère de l’artiste<br />
qui était très doué pour représenter « des épisodes dramatiques, sombres et même<br />
horribles » 619 . Non seulement les catastrophes mais aussi toutes les tragédies et les guerres<br />
ont été représentées en priorité <strong>par</strong> Doré. En cela il s’oppose complètement à <strong>Chagall</strong>, qui<br />
618 <strong>Chagall</strong> fit une gouache au sujet de la création d’Ève, mais il ne l’utilisa pas pour la planche à l’eau-forte.<br />
619 Gustave Doré illustrateur, Catalogue de l’exposition, Le Havre, Bibliothèque Municipale du Havre, 1984.<br />
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