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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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le même geste : ils posent leur main droite sur le visage en le couvrant. <strong>La</strong> main cachant le<br />

visage semble alors chez <strong>Chagall</strong> être un geste dissimulant la souffrance intérieure de la<br />

personne. D’autres exemples confirment cette idée : nous trouvons encore cette expression<br />

dans la planche LXI représentant Saül (ill. 117) 609 . Le roi qui console ses tourments <strong>par</strong> la<br />

musique de David, pose sa main droite sur le visage et sa main gauche sur la poitrine,<br />

exactement comme Joseph dans la scène de bénédiction. Les planches LXXI et LXXIII<br />

montrent également le roi David dans ce geste : chassé de Jérusalem <strong>par</strong> son fils rebelle<br />

Absalon, David gravit la colline des Oliviers, en mettant sa main droite sur le visage et sa<br />

main gauche sur la poitrine. De même, après la mort d’Absalon, David qui s’abandonne à<br />

sa douleur est assis en conservant la même position des mains.<br />

Or, dans la règle de l’art médiéval, la douleur intense du personnage s’exprime<br />

plutôt <strong>par</strong> la main tenant l’autre main ou le poignet. Lorsqu’un personnage se tient la main<br />

ou le poignet, il montre son incapacité à modifier la situation dramatique dans laquelle il<br />

est plongé 610 . Cette impuissance, définitive devant la mort des proches, génère une<br />

affliction profonde chez les hommes. Le geste de la main ou du poignet tenu traduit ce<br />

sentiment. Pour exemple, la Vierge au pied de la Croix qui fait ce geste reflétant ainsi sa<br />

grande douleur intérieure. Chez <strong>Chagall</strong>, la main tenant son autre main porte une<br />

signification différente. Dans ses illustrations nous trouvons ce geste chez Sara dans la<br />

scène de la circoncision (pl. VI), chez Abraham se trouvant sur le chemin de Sodome avec<br />

les trois Anges (pl. VIII ; ill. 132) 611 , et chez le roi David qui écoute Bethsabée (pl.<br />

LXXV). Lorsque ces personnages se tiennent les mains, ils ne se trouvent pas dans des<br />

situations douloureuses. Par ce geste, ils semblent montrer plutôt leur obéissance ou leur<br />

soumission, sinon leur acceptation ou leur attention portée à la situation ou à la personne<br />

présente. Lorsque Abraham accompagne les trois anges sur le chemin vers Sodome et<br />

lorsque Sara regarde son mari faire la circoncision à leur fils Isaac, ils ne sont pas acteurs<br />

dans la situation où ils se trouvent, ils la suivent passivement, autrement dit, ils s’y<br />

soumettent. Leur attitude y évoque également leur grande attention. Lorsque le roi David<br />

se tient les mains en écoutant Bethsabée, qui lui rappelle sa promesse de désigner Salomon<br />

comme le successeur, il montre moins sa soumission qu’une écoute attentive de son<br />

épouse.<br />

609 David chante, en s’accompagnant de la harpe, devant Saül, et le soulage de ses tourments (pl. LXI),<br />

1952-1956, Eau-forte, 30, 7 x 24, 8 cm, Nice, Musée National Message Biblique <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>.<br />

610 François Garnier, Le <strong>La</strong>ngage de l’image au Moyen Âge II – Grammaire des gestes, op. cit., p. 102.<br />

611 Abraham reconduit les trois Anges qui prennent le chemin de Sodome (pl. VIII), 1931-1934, Eau-forte, 30,<br />

8 x 24 cm, Nice, Musée National Message Biblique <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>.<br />

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