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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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ensuite au spectateur de traduire les comportements des personnages pour donner du sens à<br />

l’image. <strong>Chagall</strong> ne soumet pas les comportements de ses personnages aux conventions,<br />

mais il use de gestes récurrents qui constituent eux-mêmes en quelque sorte un code<br />

intérieur. Ce code correspond <strong>par</strong>fois aux règles générales des comportements dans l’art<br />

médiéval, mais <strong>par</strong>fois, aussi, il s’en éloigne et construit un langage personnel chagallien.<br />

Nous allons examiner de près ce langage corporel dans les illustrations de <strong>Chagall</strong>, et<br />

étudier ses points à la fois de convergence et de divergence avec l’art médiéval.<br />

Dans le langage corporel, il y a d’abord des conventions quasi universelles. Par<br />

exemple, la barbe longue signifie la vieillesse et la sagesse 606 . Elle est souvent employée<br />

<strong>par</strong> l’imagier comme le signe essentiel qui distingue le vieillard-sage. <strong>Chagall</strong> s’en est servi<br />

de la même façon : dans ses illustrations de la <strong>Bible</strong>, les patriarches, les rois et les<br />

prophètes 607 sont presque tous représentés avec une longue barbe. Ensuite, quant aux<br />

gestes conventionnels, l’imposition de la main ou des deux mains au-dessus de la tête<br />

affirme et transmet un pouvoir. D’après les explications de François Garnier, ce geste est<br />

réservé à des personnages que leur nature ou leur fonction ont dotés d’un savoir et d’une<br />

autorité. Il s’agit donc d’une relation de supérieur à inférieur dans une échelle hiérarchique<br />

quelconque, transmettant la réalité d’un pouvoir. Dans une moindre mesure, celui qui<br />

reçoit l’imposition des mains bénéficie seulement de la garantie d’une protection. Par la<br />

suite, ce geste naturel s’est chargé de significations symboliques et rituelles. L’exemple<br />

typique, dans la <strong>Bible</strong>, est le patriarche Jacob bénissant les deux fils de Joseph, Ephraïm et<br />

Manassé, en leur posant à chacun une main sur la tête. De plus, sa main droite posée sur<br />

Ephraïm, le cadet, détermine la primauté de la lignée de celui-ci. <strong>Chagall</strong> a illustré cette<br />

scène dans sa planche XXV sans rien y modifier (ill. 131) 608 .<br />

Tout de même, dans cette planche notre attention se porte plutôt vers l’expression<br />

de Joseph. Celui-ci assistant à la bénédiction de ses fils <strong>par</strong> son père semble embarrassé ou<br />

angoissé : posant sa main droite, il cache son visage. Nous avons déjà vu cette expression<br />

gestuelle dans la planche XI représentant Abraham qui pleure la mort de Sara (ill. 119),<br />

ainsi que dans la planche XX figurant Jacob dans la douleur à l’idée de la mort de son fils<br />

(ill. 120). Tous ces personnages qui se trouvent dans une situation dramatique font en effet<br />

606 Ibid., p. 88.<br />

607 Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, Aaron, Josué, David, Salomon, Élie, Isaïe et Jérémie.<br />

608 Jacob bénit les deux fils de Joseph. Malgré Joseph, il pose sa main droite sur la tête du cadet, Ephraïm,<br />

auquel il prédit une plus glorieuse postérité qu’à son frère aîné Manassé (pl. XXV), 1931-1934, Eau-forte,<br />

29, 7 x 23, 6 cm, Nice, Musée National Message Biblique <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>.<br />

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