La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
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influences néfastes. Il est probable que la dénomination Magen Dawid, Bouclier de David, ait trouvé son origine dans ce genre d’écrits magiques, et c’est cette fonction de protection qui confère à ce motif sa symbolique 486 . Devenu par la suite le symbole du peuple juif, Magen Dawid fut d’ailleurs choisi en 1897 comme emblème par le premier congrès sioniste et plus tard comme motif central du drapeau d’Israël 487 . Chagall représente à plusieurs reprises cette étoile de David, d’abord sur l’arche d’alliance, lorsqu’elle est portée par des prêtres de Josué pour traverser le Jourdain (pl. XLIV) et quand elle est transportée à Jérusalem (pl. LXVIII). Puis il la dessine sur la pierre que Josué dresse à Sichem (planche LI), sur le trône du roi Saül (pl. LXI, LXIV), derrière le trône de Salomon (pl. LXXXI), ainsi qu’autour du tétragramme (pl. LXXXIV). Il est dès à présent intéressant de remarquer que l’artiste a employé ce motif comme un emblème royal en le mettant sur le trône du roi d’Israël dans l’Ancien Testament, alors qu’en réalité, il n’est devenu le symbole du peuple juif que récemment. Pareillement on peut relever la présence de ce motif sur l’arche d’alliance construite, si on s’en tient au récit biblique, à une époque bien antérieure à celle de David. Chagall a donc un usage anachronique de cette étoile que nous pourrions considérer simplement comme le symbole du peuple juif. Néanmoins, cette explication parait insuffisante pour comprendre ce motif sur la pierre dressée par Josué (pl. LI) ou le motif placé autour du tétragramme, présent dans la chambre du garçon ressuscité par le prophète Élie (pl. LXXXIV). Pour la première planche, dans la Bible, Josué dresse une pierre à Sichem en témoignage des engagements que le peuple d’Israël a pris envers Dieu : « Ce jour-là à Sichem, Josué conclut une alliance avec le peuple et lui donna une Loi et des décrets, Josué consigna ces choses par écrit dans le livre de la Loi de Dieu. Puis il prit une grande pierre et la dressa là, sous le chêne qui se trouvait dans l’enceinte du sanctuaire de l’Éternel, et il dit à tout le peuple : – Cette pierre servira de témoin entre nous, car elle a entendu toutes les paroles que l’Éternel nous a adressées. Oui, elle servira de témoin contre vous pour que vous ne reniiez pas votre Dieu » 488 . C’est ce Josué confirmant l’alliance entre l’Éternel et le peuple devant cette pierre témoin que Chagall figure (ill. 74) 489 . Dans la seconde planche, Élie, le prophète, fait revenir à la 486 Cf. Victor Klagsbald, À l’ombre de Dieu – dix essais sur la symbolique dans l’art juif, op. cit., p. 28. 487 Marc-Alain Ouaknin, Symboles du Judaïsme, op. cit., p. 126. 488 Le livre de Josué, XXIV, 25-27. 489 À Sichem, peu avant sa mort, Josué dresse une pierre en témoignage des engagements que le peuple d’Israël a pris envers Dieu (pl. LI), 1952-1956, Eau-forte, 30, 5 x 24 cm, Nice, Musée National Message 144
vie l’enfant mort de la veuve de Sarepta 490 . Chagall y représente une lumière qui se répand dans la chambre de l’enfant où le prophète à genoux implore l’Éternel. Puis au milieu de cette lumière l’artiste écrit le tétragramme, en l’entourant d’une étoile de David. Dans chacune de ces planches, l’étoile représentée ne nous semble pas vouloir évoquer le peuple juif, mais plutôt un lien avec Dieu. Pour le comprendre, nous pouvons recourir à des informations apportées par Klagsbald 491 . Celui-ci cherche l’origine de l’étoile de David dans la forme de la fleur de lis 492 , Lilium Candidum, qui est une fleur très symbolique. De par sa couleur immaculée et sa forme altière, elle est d’abord un symbole universel de pureté. Mais cette fleur, aux six pétales, à moitié ouverte révèle une forme identique à l’étoile de David parfaitement dessinée. L’hexagramme aux six angles ne serait donc peut-être qu’une représentation schématique de la fleur de lis en vue oblique. Or, le nombre de six, pour les six pétales de la fleur de lis et les six angles de l’hexagramme, est le nombre de base, le nombre de la perfection pour les peuples antiques du Proche Orient. À partir de là, certains auteurs considèrent l’hexagramme comme le symbole de l’omniprésence divine : les six angles représentent les quatre points cardinaux, le monde supérieur et le monde terrestre 493 . En s’appuyant sur ces explications, il est possible d’analyser la présence des étoiles que Chagall fait figurer sur ses planches comme le symbole de l’omniprésence divine et plus encore comme la relation de Dieu au peuple qu’il a élu : l’étoile sur la pierre que Josué a dressé évoque l’alliance entre Dieu et son peuple, et le miracle de la résurrection de l’enfant donne à voir la puissance de Dieu. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà remarqué, les éléments juifs que Chagall a mis dans ses planches ne sont ni forcément justifiés par l’Écriture, ni toujours conformes à la règle. Mais cet emploi plus ou moins libre de la tradition est révélateur de la singularité de l’artiste et de sa vision personnelle de la Bible, voire de sa pratique religieuse. Dans la planche XXXV Chagall a représenté Miryam, sœur de Moïse, en train de danser après la Biblique Marc Chagall. 490 Le livre de I Rois, XVII, 17-22. 491 Victor Klagsbald, « Comme un lis entre les chardons » - De la symbolique de la fleur de lis aux origines du Magen Dawid, dans À l’ombre de Dieu – dix essais sur la symbolique dans l’art juif, op. cit., pp. 25-38. 492 Cette fleur à moitié ouverte révèle la forme identique à l’étoile de David parfaitement dessinée. L’hexagramme ne serait donc peut-être qu’une représentation schématique de la fleur de lis en vue oblique. 493 Dans cette idée, le nombre de six est fort significatif : l’œuvre de la Création s’accomplit en six jours. Les Juifs en âge de combattre qui quittèrent l’Égypte étaient au nombre de six cent mille ; six cent mille acceptent l’Alliance au pied du Sinaï. Six cent mille âmes forment le tronc mystique du peuple d’Israël etc., car la Majesté Divine ne réside pas au sein d’une assemblée inférieure à six cent mille âmes. Voir Victor Klagsbald, « Comme un lis entre les chardons » - De la symbolique de la fleur de lis aux origines du Magen Dawid, op. cit., p. 34. 145
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influences néfastes. Il est probable que la dénomination Magen Dawid, Bouclier de David,<br />
ait trouvé son origine dans ce genre d’écrits magiques, et c’est cette fonction de protection<br />
qui confère à ce motif sa symbolique 486 . Devenu <strong>par</strong> la suite le symbole du peuple juif,<br />
Magen Dawid fut d’ailleurs choisi en 1897 comme emblème <strong>par</strong> le premier congrès<br />
sioniste et plus tard comme motif central du drapeau d’Israël 487 .<br />
<strong>Chagall</strong> représente à plusieurs reprises cette étoile de David, d’abord sur l’arche<br />
d’alliance, lorsqu’elle est portée <strong>par</strong> des prêtres de Josué pour traverser le Jourdain (pl.<br />
XLIV) et quand elle est transportée à Jérusalem (pl. LXVIII). Puis il la dessine sur la pierre<br />
que Josué dresse à Sichem (planche LI), sur le trône du roi Saül (pl. LXI, LXIV), derrière<br />
le trône de Salomon (pl. LXXXI), ainsi qu’autour du tétragramme (pl. LXXXIV). Il est dès<br />
à présent intéressant de remarquer que l’artiste a employé ce motif comme un emblème<br />
royal en le mettant sur le trône du roi d’Israël dans l’Ancien Testament, alors qu’en réalité,<br />
il n’est devenu le symbole du peuple juif que récemment. Pareillement on peut relever la<br />
présence de ce motif sur l’arche d’alliance construite, si on s’en tient au récit biblique, à<br />
une époque bien antérieure à celle de David. <strong>Chagall</strong> a donc un usage anachronique de<br />
cette étoile que nous pourrions considérer simplement comme le symbole du peuple juif.<br />
Néanmoins, cette explication <strong>par</strong>ait insuffisante pour comprendre ce motif sur la<br />
pierre dressée <strong>par</strong> Josué (pl. LI) ou le motif placé autour du tétragramme, présent dans la<br />
chambre du garçon ressuscité <strong>par</strong> le prophète Élie (pl. LXXXIV). Pour la première<br />
planche, dans la <strong>Bible</strong>, Josué dresse une pierre à Sichem en témoignage des engagements<br />
que le peuple d’Israël a pris envers Dieu :<br />
« Ce jour-là à Sichem, Josué conclut une alliance avec le peuple et lui donna une Loi et<br />
des décrets, Josué consigna ces choses <strong>par</strong> écrit dans le livre de la Loi de Dieu. Puis il<br />
prit une grande pierre et la dressa là, sous le chêne qui se trouvait dans l’enceinte du<br />
sanctuaire de l’Éternel, et il dit à tout le peuple : – Cette pierre servira de témoin entre<br />
nous, car elle a entendu toutes les <strong>par</strong>oles que l’Éternel nous a adressées. Oui, elle<br />
servira de témoin contre vous pour que vous ne reniiez pas votre Dieu » 488 .<br />
C’est ce Josué confirmant l’alliance entre l’Éternel et le peuple devant cette pierre témoin<br />
que <strong>Chagall</strong> figure (ill. 74) 489 . Dans la seconde planche, Élie, le prophète, fait revenir à la<br />
486<br />
Cf. Victor Klagsbald, À l’ombre de Dieu – dix essais sur la symbolique dans l’art juif, op. cit., p. 28.<br />
487<br />
<strong>Marc</strong>-Alain Ouaknin, Symboles du Judaïsme, op. cit., p. 126.<br />
488<br />
Le livre de Josué, XXIV, 25-27.<br />
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À Sichem, peu avant sa mort, Josué dresse une pierre en témoignage des engagements que le peuple<br />
d’Israël a pris envers Dieu (pl. LI), 1952-1956, Eau-forte, 30, 5 x 24 cm, Nice, Musée National Message<br />
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