La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
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d’Israël, ne semble pas en ce sens déplacée et correspond à l’usage traditionnel de cet instrument. Par ailleurs, nous voyons dans cette scène plusieurs joueurs de chofar, tandis que traditionnellement l’instrument est sonné seul 470 , ce fait donne à lire la liberté avec laquelle Chagall traite la tradition tout en la respectant. Dans le deuxième exemple, le chofar devait être joué comme une acclamation pour le nouveau roi Salomon, il est d’ailleurs mentionné dans la Bible que « l’on sonna du cor » 471 . Pour cette scène, Chagall a représenté aussi des trompettes, l’instrument ressemblant au chofar (ill. 72) 472 . Appelée Hazozera, la trompette devait être sonnée pour rassembler les Hébreux en cas d’alarme, de guerre (Nombres XXXI, 6) et aussi aux cérémonies du couronnement d’un roi (II Rois XI, 14). Ces deux instruments devaient donc servir à des fins semblables et leur emploi était parallèle. Ils se distinguent seulement par la forme et le nombre : les trompettes sont droites et deux, tandis que le chofar est courbe et toujours seul 473 . Dans cette scène, Chagall néglige encore une fois la tradition. S’il ne représente qu’un seul chofar, il multiplie en revanche le nombre de trompettes. Mais il n’est plus étonnant pour nous de voir l’artiste prendre des libertés avec l’usage. Par ailleurs, Chagall a représenté l’ange sonnant le chofar pour deux planches : l’une concerne la scène où le roi Salomon prie dans le temple en présence de l’assemblée d’Israël (pl. LXXIX) 474 , et l’autre est une représentation de la parole prophétique 475 promettant la paix et la gloire apportées à Jérusalem avec le pardon de Dieu (pl. XCV). Dans la première, l’ange joue du chofar au-dessus du roi priant dans le temple où le chandelier et les tables de la loi se trouvent. Ainsi représentés l’ange et son instrument ne sont pas décoratifs, mais directement liés à l’acte du roi. D’après les versets bibliques concernant cette scène, nous comprenons que la prière et la supplication de Salomon à Dieu sont centrées sur l’invocation du pardon divin. Le roi demande à plusieurs reprises que Dieu pardonne la faute de son peuple, quand ce dernier la regrette et supplie dans ce temple : « Quand le ciel fermé retiendra sa pluie parce qu’ils auront commis une faute envers toi, s’ils prient dans ce lieu en célébrant ton nom, s’ils regrettent leur faute, réponds-leur, toi, écoute depuis le ciel, pardonne la faute de tes serviteurs et de ton peuple, Israël, 470 Mendel Metzger, « Le CHOFAR et sa signification dans l’art juif », art. cit., p. 10. 471 I Rois I, 39. 472 Salomon proclamé Roi d’Israël (pl. LXXVI), 1952-1956, Eau-forte, 30, 5 x 25 cm, Nice, Musée National Message Biblique Marc Chagall. 473 Mendel Metzger, « Le CHOFAR et sa signification dans l’art juif », art. cit., p. 10. 474 I Rois VIII, 23-30. 475 Esaïe LII, 1-7. 140
indique-leur la bonne direction et accorde la pluie à la terre... » 476 . L’explication de Mendel Metzger 477 nous permet de comprendre que le son du chofar est effectivement une autre forme d’expression de cette prière, car la sonnerie de cet instrument a cette fonction de ramener sur le droit chemin ceux qui se sont égarés. En leur permettant de méditer sur leur passé, cette sonnerie s’adresse en particulier à ceux qui n’ont connu qu’une vie de vanité et qui n’ont cherché que les valeurs secondaires. Par ailleurs, le chofar doit aussi avertir et raffermir ceux qui ne se sont pas encore égarés mais qui sont toujours à la merci des tentations et de la facilité. Il s’adresse donc à l’individu et joue un rôle dans sa lutte entre le bien et le mal. Le chofar joué par le deuxième ange dans la planche XCV semble devoir se lire un peu autrement. La planche représente un ange jouant de cet instrument, une cité et une foule entourées d’un cercle (ill. 73) 478 . L’enceinte de la cité, parce qu’elle se trouve en hauteur, nous rappelle tout de suite Jérusalem, et cette supposition est effectivement confirmée par une petite inscription en lettres hébraïques que Chagall a laissé autour du cercle d’image : ם י ל ש ו ר י (Jérusalem). L’ensemble de la scène nous fait penser à une annonce faite au peuple juif de la part de Dieu. En effet, le texte biblique concernant cette image parle du rétablissement et de la délivrance de Jérusalem promis par Dieu. Il s’agit donc d’une prophétie d’espérance et de promesse divine apportée au peuple, et l’ange de Chagall sonnant le chofar livre ce message. Toujours d’après les explications de Metzger, le chofar fait appel à la collectivité du peuple juif pour qu’il évoque son histoire entière, passée, présente et future, rappelant à tous le destin propre d’Israël choisi par Dieu entre tous les peuples. Il nous semble que c’est avec justesse que Chagall illustre cet instrument ici en saisissant bien sa symbolique dans le judaïsme, où le son du chofar est également le symbole même de l’identité juive et le moyen par lequel il peut maintenir cette identité. Dans cette dernière planche XCV pour laquelle nous venons d’évoquer le chofar, il faudrait encore noter la singularité de l’ange jouant de cet instrument : sur la tête, il porte une petite boîte noire (ill. 73). Cet objet lui attribue un caractère complètement juif, car il s’agit de Téphillin, autrement dit phylactères, qui sont portés par les hommes juifs pendant la prière du matin. Dans la première partie nous avons brièvement mentionné cet objet 476 I Rois VIII, 35-36. 477 Mendel Metzger, « Le CHOFAR et sa signification dans l’art juif », art. cit., p. 11. 478 La Paix et la Gloire apportées à Jérusalem avec le pardon de Dieu (pl. XCXV), 1952-1956, Eau-forte, 32, 3 x 23, 1 cm, Nice, Musée National Message Biblique Marc Chagall. 141
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d’Israël, ne semble pas en ce sens déplacée et correspond à l’usage traditionnel de cet<br />
instrument. Par ailleurs, nous voyons dans cette scène plusieurs joueurs de chofar, tandis<br />
que traditionnellement l’instrument est sonné seul 470 , ce fait donne à lire la liberté avec<br />
laquelle <strong>Chagall</strong> traite la tradition tout en la respectant. Dans le deuxième exemple, le<br />
chofar devait être joué comme une acclamation pour le nouveau roi Salomon, il est<br />
d’ailleurs mentionné dans la <strong>Bible</strong> que « l’on sonna du cor » 471 . Pour cette scène, <strong>Chagall</strong> a<br />
représenté aussi des trompettes, l’instrument ressemblant au chofar (ill. 72) 472 . Appelée<br />
Hazozera, la trompette devait être sonnée pour rassembler les Hébreux en cas d’alarme, de<br />
guerre (Nombres XXXI, 6) et aussi aux cérémonies du couronnement d’un roi (II Rois XI,<br />
14). Ces deux instruments devaient donc servir à des fins semblables et leur emploi était<br />
<strong>par</strong>allèle. Ils se distinguent seulement <strong>par</strong> la forme et le nombre : les trompettes sont<br />
droites et deux, tandis que le chofar est courbe et toujours seul 473 . Dans cette scène,<br />
<strong>Chagall</strong> néglige encore une fois la tradition. S’il ne représente qu’un seul chofar, il<br />
multiplie en revanche le nombre de trompettes. Mais il n’est plus étonnant pour nous de<br />
voir l’artiste prendre des libertés avec l’usage.<br />
Par ailleurs, <strong>Chagall</strong> a représenté l’ange sonnant le chofar pour deux planches :<br />
l’une concerne la scène où le roi Salomon prie dans le temple en présence de l’assemblée<br />
d’Israël (pl. LXXIX) 474 , et l’autre est une représentation de la <strong>par</strong>ole prophétique 475<br />
promettant la paix et la gloire apportées à Jérusalem avec le <strong>par</strong>don de Dieu (pl. XCV).<br />
Dans la première, l’ange joue du chofar au-dessus du roi priant dans le temple où le<br />
chandelier et les tables de la loi se trouvent. Ainsi représentés l’ange et son instrument ne<br />
sont pas décoratifs, mais directement liés à l’acte du roi. D’après les versets bibliques<br />
concernant cette scène, nous comprenons que la prière et la supplication de Salomon à<br />
Dieu sont centrées sur l’invocation du <strong>par</strong>don divin. Le roi demande à plusieurs reprises<br />
que Dieu <strong>par</strong>donne la faute de son peuple, quand ce dernier la regrette et supplie dans ce<br />
temple :<br />
« Quand le ciel fermé retiendra sa pluie <strong>par</strong>ce qu’ils auront commis une faute envers toi,<br />
s’ils prient dans ce lieu en célébrant ton nom, s’ils regrettent leur faute, réponds-leur,<br />
toi, écoute depuis le ciel, <strong>par</strong>donne la faute de tes serviteurs et de ton peuple, Israël,<br />
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Mendel Metzger, « Le CHOFAR et sa signification dans l’art juif », art. cit., p. 10.<br />
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Salomon proclamé Roi d’Israël (pl. LXXVI), 1952-1956, Eau-forte, 30, 5 x 25 cm, Nice, Musée National<br />
Message Biblique <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>.<br />
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Mendel Metzger, « Le CHOFAR et sa signification dans l’art juif », art. cit., p. 10.<br />
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