La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne
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matériel, l’or, métal « solaire », car il reflète par son éclat naturel la splendeur incréée, est tout aussi signifiant 453 . Chagall illustre cette menorah d’une manière assez impressionnante dans sa Bible. À ce premier objet cultuel de la tradition juive, il a consacré la planche XL Aaron devant le Chandelier (ill. 69) 454 . Pour cette planche, l’artiste fit le portrait d’un vieil homme qui se trouve devant un chandelier. Cet objet prend une place dominante dans la scène, puisque Aaron n’occupe que la moitié de la place en bas à droite. En outre, Chagall a incliné la tête d’Aaron de telle sorte qu’elle forme une belle courbe avec la dernière branche droite du chandelier. Avec cette courbe nous avons l’impression que cette branche pousse légèrement Aaron afin de n’être pas cachée par lui. Par ailleurs, Aaron est vêtu d’une tunique, il porte un chapeau et un petit tablier, un éphod. C’est un tablier ou corselet fixé à la poitrine par deux bretelles et qui fait partie des habits sacrés du grand-prêtre. Dans l’Exode, on mentionne longuement tous les détails sur les institutions cultuelles, entre autres les vêtements du grand-prêtre (Exode XXVIII) et le chandelier d’or (Exode XXV, 31-37). Il y est précisé aussi que l’entretien du chandelier est la tâche d’Aaron et de ses fils (Exode XXVII, 20-21). Le fait que Chagall ait disposé Aaron en costume du grand-prêtre et le chandelier à sept branches en parallèle prouve que l’artiste fut bien conscient de ces précisions bibliques, et nous donne à comprendre que Chagall, dans cette planche, n’illustre pas un récit ou un épisode biblique, mais la Loi. Cette association d’Aaron et du chandelier dans une image n’est pas vraiment une invention de Chagall, elle est même fréquente dans l’iconographie hébraïque. Regardons l’image d’un manuscrit juif médiéval conservé à Londres 455 (ill. 70). Dans cette scène nous voyons d’abord un énorme chandelier à sept branches qui occupe presque toute la place. À côté de ce chandelier, un personnage barbu, grand et très mince, vêtu d’une longue tunique et d’un manteau. Il verse de l’huile dans la lampe. Bien sûr il s’agit d’Aaron, le grand prêtre qui entretient le chandelier. La couleur rouge-bleu choisie pour l’habit d’Aaron est également utilisée pour le cadre du chandelier construisant ainsi une harmonie chromatique. Aaron est dessiné en petit format par rapport au chandelier. Ce dernier est particulièrement imposant par ses dimensions, on croirait qu’il est le sujet de cette image. En regardant ces deux illustrations, celle de Chagall et celle du recueil de Londres, nous 453 Maurice Cocagnac, Les symboles bibliques – lexique théologique, Paris, les Éditions du Cerf, 1993. p. 25 et s. 454 Aaron devant le Chandelier d’or à sept branches, exécuté selon les prescriptions de l’Éternel (pl. XL), 1952-1956, Eau-forte, 29, 7 x 23, 5 cm, Nice, Musée National Message Biblique Marc Chagall. 455 Londres, British Library, Add. ms. 11639, folio 114 r. 136
trouvons un point commun surprenant : la combinaison du chandelier et du grand-prêtre Aaron et le même rapport dimensionnel entre les deux. La mise en valeur de la menorah d’une manière si semblable par ces artistes juifs, Chagall et l’enlumineur médiéval, semble traduire leur reconnaissance de la signification que cet objet revêt pour les Juifs. Victor Klagsbald a expliqué le véritable symbolisme de la menorah en s’appuyant sur la vision prophétique de Zacharie 456 . Dans la première partie du IV e chapitre du livre Zacharie, on trouve la signification de cet objet : « L’ange qui me parlait revint [...]. Il me demanda : – Que vois-tu ? Je répondis : – Je vois un chandelier tout en or muni, à la partie supérieure, d’un réservoir. Il est surmonté de sept lampes [...]. Reprenant la parole, je questionnai l’ange [...] : – Que signifient ces choses, mon Seigneur ? Il me dit : – Ne sais-tu pas ce que cela représente ? [...] Voici le message que l’Éternel adresse à Zorobabel : “ Cette œuvre, vous l’accomplirez ni par la puissance, ni par la force mais c’est par mon Esprit, le Seigneur des armées célestes le déclare” » 457 . La menorah, dit l’ange, représente donc l’Esprit de Dieu. Manifestant la présence de l’Esprit divin, elle est porteuse d’espoir de rédemption, car la force physique n’est pas déterminante et la victoire appartient à l’Esprit de Dieu. Cette vision prophétique fit ainsi de la menorah le symbole religieux le plus vénéré du judaïsme 458 . Par ailleurs, la fonction symbolique du chandelier s’enrichit au cours de l’histoire juive. La menorah qui, à l’origine, symbolise la victoire de l’Esprit sur la force brutale acquiert progressivement d’autres significations : elle évoque la Torah, la relation entre Dieu et le peuple d’Israël, les espérances messianiques, la victoire militaire, etc. Mais en tant qu’objet reflétant essentiellement l’image de Dieu qui donne la lumière, la menorah est devenue avant tout un symbole de lumière ; lumière spirituelle et primordiale, qui est celle de la Torah et qui est la lumière éternelle illuminant tout Juif pendant sa vie et audelà, dans le monde à venir 459 . Quant au rouleau de la Torah, qui est aussi d’une importance primordiale dans le judaïsme, il est fréquemment utilisé dans l’œuvre de Chagall comme symbole de la judaïté. 456 e C’est à l’époque du retour de Babylonie (V siècle avant J.-C.). 457 Zacharie IV, 1-6. 458 Victor Klagsbald, À l’ombre de Dieu – dix essais sur la symbolique dans l’art juif, Leuven (en Belgique), Peeters, 1997, p. 2. 459 Ibid., pp. 1-8. 137
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matériel, l’or, métal « solaire », car il reflète <strong>par</strong> son éclat naturel la splendeur incréée, est<br />
tout aussi signifiant 453 .<br />
<strong>Chagall</strong> illustre cette menorah d’une manière assez impressionnante dans sa <strong>Bible</strong>.<br />
À ce premier objet cultuel de la tradition juive, il a consacré la planche XL Aaron devant le<br />
Chandelier (ill. 69) 454 . Pour cette planche, l’artiste fit le portrait d’un vieil homme qui se<br />
trouve devant un chandelier. Cet objet prend une place dominante dans la scène, puisque<br />
Aaron n’occupe que la moitié de la place en bas à droite. En outre, <strong>Chagall</strong> a incliné la tête<br />
d’Aaron de telle sorte qu’elle forme une belle courbe avec la dernière branche droite du<br />
chandelier. Avec cette courbe nous avons l’impression que cette branche pousse<br />
légèrement Aaron afin de n’être pas cachée <strong>par</strong> lui. Par ailleurs, Aaron est vêtu d’une<br />
tunique, il porte un chapeau et un petit tablier, un éphod. C’est un tablier ou corselet fixé à<br />
la poitrine <strong>par</strong> deux bretelles et qui fait <strong>par</strong>tie des habits sacrés du grand-prêtre. Dans<br />
l’Exode, on mentionne longuement tous les détails sur les institutions cultuelles, entre<br />
autres les vêtements du grand-prêtre (Exode XXVIII) et le chandelier d’or (Exode XXV,<br />
31-37). Il y est précisé aussi que l’entretien du chandelier est la tâche d’Aaron et de ses fils<br />
(Exode XXVII, 20-21). Le fait que <strong>Chagall</strong> ait disposé Aaron en costume du grand-prêtre<br />
et le chandelier à sept branches en <strong>par</strong>allèle prouve que l’artiste fut bien conscient de ces<br />
précisions bibliques, et nous donne à comprendre que <strong>Chagall</strong>, dans cette planche,<br />
n’illustre pas un récit ou un épisode biblique, mais la Loi.<br />
Cette association d’Aaron et du chandelier dans une image n’est pas vraiment une<br />
invention de <strong>Chagall</strong>, elle est même fréquente dans l’iconographie hébraïque. Regardons<br />
l’image d’un manuscrit juif médiéval conservé à Londres 455 (ill. 70). Dans cette scène nous<br />
voyons d’abord un énorme chandelier à sept branches qui occupe presque toute la place. À<br />
côté de ce chandelier, un personnage barbu, grand et très mince, vêtu d’une longue tunique<br />
et d’un manteau. Il verse de l’huile dans la lampe. Bien sûr il s’agit d’Aaron, le grand<br />
prêtre qui entretient le chandelier. <strong>La</strong> couleur rouge-bleu choisie pour l’habit d’Aaron est<br />
également utilisée pour le cadre du chandelier construisant ainsi une harmonie<br />
chromatique. Aaron est dessiné en petit format <strong>par</strong> rapport au chandelier. Ce dernier est<br />
<strong>par</strong>ticulièrement imposant <strong>par</strong> ses dimensions, on croirait qu’il est le sujet de cette image.<br />
En regardant ces deux illustrations, celle de <strong>Chagall</strong> et celle du recueil de Londres, nous<br />
453<br />
Maurice Cocagnac, Les symboles bibliques – lexique théologique, <strong>Paris</strong>, les Éditions du Cerf, 1993. p. 25<br />
et s.<br />
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Aaron devant le Chandelier d’or à sept branches, exécuté selon les prescriptions de l’Éternel (pl. XL),<br />
1952-1956, Eau-forte, 29, 7 x 23, 5 cm, Nice, Musée National Message Biblique <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>.<br />
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Londres, British Library, Add. ms. 11639, folio 114 r.<br />
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