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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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Tombeau 385 . Monté lui-même sur la croix, le peintre incarne ainsi le Christ, symbole de la<br />

souffrance et de la mort innocente des Juifs. Nous voyons là une manière tout à fait<br />

personnelle à <strong>Chagall</strong> d’exprimer son attachement au Christ, ainsi que sa souffrance<br />

profonde relative au sort des Juifs. Or, dans des chapitres précédents, nous avons remarqué<br />

à plusieurs reprises le positionnement de <strong>Chagall</strong> vis-à-vis du Christ. L’artiste mentionna<br />

plusieurs fois le Christ dans son autobiographie, se mettant en <strong>par</strong>allèle avec lui de diverses<br />

manières dans ses poèmes et en citant les remarques de ses amis. Néanmoins, jusqu’à <strong>La</strong><br />

Crucifixion blanche, le Christ occupait très peu de place dans son œuvre : seules les<br />

peintures <strong>La</strong> Sainte Famille et Dédié au Christ firent du Christ la figure centrale, mais il<br />

n’y ap<strong>par</strong>aissait d’ailleurs que sous l’ap<strong>par</strong>ence d’un enfant. Ce n’est qu’avec le tableau <strong>La</strong><br />

Crucifixion blanche – autrement dit, à l’avènement de la persécution systématique du<br />

peuple juif – que le Christ trouve son statut d’adulte et de symbole de la souffrance des<br />

Juifs, ainsi que sa place prépondérante dans l’art de <strong>Chagall</strong>.<br />

Or, l’utilisation du motif de la passion du Christ comme symbole de la souffrance<br />

de l’humanité est fréquente dans l’art, surtout en temps de guerre. Mais l’usage <strong>par</strong> <strong>Chagall</strong><br />

du motif de la crucifixion dans ses peintures de cette période fut directement lié à la<br />

souffrance du peuple juif, plutôt qu’à celle de l’humanité entière. Le Martyr 386 (ill. 59), un<br />

autre tableau relatif à ce sujet que <strong>Chagall</strong> réalisa en 1940, confirme cette idée. Si le Christ<br />

dans <strong>La</strong> Crucifixion blanche était avant tout un Christ juif, cette fois-ci, il devient un<br />

simple Juif. Nous voyons dans le tableau un homme attaché au pilori. Le Talit enveloppe<br />

de manière encore plus démonstrative son corps que dans les exemples précédents : <strong>La</strong><br />

Crucifixion blanche, Le peintre et le Christ, et Le peintre crucifié. <strong>La</strong> composition est<br />

semblable à celle de <strong>La</strong> Crucifixion blanche : le personnage central est entouré de scènes<br />

sinistres. Un village est saccagé, détruit et incendié. Nous y retrouvons aussi des motifs<br />

familiers à <strong>Chagall</strong> comme les animaux consolateurs, ici un coq et une vache tenant un<br />

chandelier, et la mère portant son enfant, représentation du Juif réfugié 387 . Le tableau<br />

montre également un violoniste et une jeune femme ressemblant à une mariée qui déplore<br />

la mort de l’homme martyrisé. Une profonde tristesse se dégage de cet homme qui est sans<br />

doute la figure générique du martyr juif. Or, <strong>par</strong> rapport à <strong>La</strong> Crucifixion blanche, le ton de<br />

ce tableau peint en brun foncé est très sombre, rendant ainsi l’ambiance plus grave. Cela<br />

385 Cette peinture rappelle la Mise au tombeau du Titien, de 1525, conservée au Louvre. <strong>Chagall</strong> fit également<br />

un dessin, <strong>La</strong> Déposition de croix de 1939, à <strong>par</strong>tir de cette composition du Titien. Cf. <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> : œuvres<br />

sur papier, op. cit., cat. no. 107.<br />

386 Le Martyr, 1940, Huile sur toile, 164,5 x 114 cm, Zurich, Kunsthaus.<br />

387 Franz Meyer vit dans les personnages de l’angle du tableau les <strong>par</strong>ents de <strong>Chagall</strong> et l’artiste lui-même,<br />

mais ce n’est pas évident à reconnaître. Cf. Franz Meyer, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, op. cit., p. 207.<br />

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