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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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c’est la mort du Christ qui incarne cette tragédie. Le fait que son rein soit enveloppé d’un<br />

châle de prière juif nous indique que <strong>Chagall</strong> voulait insister sur la judéité du Christ.<br />

Comme le dit l’inscription sur la croix, il est le roi des Juifs, le représentant du peuple.<br />

Victime innocente, sa mort symbolise la persécution injuste du peuple, et sa crucifixion<br />

celle des Juifs et leur souffrance.<br />

<strong>La</strong> Crucifixion blanche inspire à <strong>Chagall</strong> une longue série de peintures sur le<br />

thème de la crucifixion qui se poursuivra jusqu’à la fin de sa carrière. Pendant la période<br />

de l’avènement de la guerre et peu avant son dé<strong>par</strong>t aux États-Unis, l’artiste intériorisa ce<br />

sujet. Dans une gouache, il représenta Le peintre et le Christ 382 , un autoportrait de l’artiste<br />

peignant le Christ sur la croix : seul dans son atelier, il est assis devant un chevalet, sa<br />

palette à la main. <strong>La</strong> tête posée dans l’autre main, il est pensif. <strong>La</strong> peinture sur le chevalet<br />

figure le Christ, dont le rein est enveloppé <strong>par</strong> un châle de prière comme dans <strong>La</strong><br />

Crucifixion blanche, à côté duquel se tient un vieux Juif avec une canne. Évoquant toujours<br />

la persécution du peuple juif, cet autoportrait précise les préoccupations de l’artiste à cette<br />

époque. Comme nous l’avons mentionné plus haut, <strong>Chagall</strong> confia à un ami la désolation<br />

qu’il ressentait pendant cette période : « Alors qu’il semble que je sois très loin d’eux, seul<br />

dans mon ap<strong>par</strong>tement, dans mon cœur je suis toujours “trop” lié à nos Juifs » 383 .<br />

L’angoisse devait lui sembler d’autant plus grande qu’il était à l’abri, contrairement aux<br />

innombrables Juifs persécutés. Cette peinture reflète sans doute cette double tristesse de<br />

<strong>Chagall</strong>. Ensuite, la souffrance de l’artiste se manifeste de manière amplifiée sous une<br />

autre forme, Le peintre crucifié 384 . L’artiste ne se contente plus de rester simple spectateur<br />

ou témoin, il s’identifie au Christ et s’approprie sa douleur. Dans le tableau, le Christ tient<br />

dans sa main des pinceaux et une palette comme un peintre. Comme dans <strong>La</strong> Crucifixion<br />

blanche, à ses pieds brûlent les cierges d’un chandelier, et son rein est toujours enveloppé<br />

<strong>par</strong> un châle de prière en signe de judéité. Au-dessus de la croix, deux mains, très<br />

probablement celles de Dieu, surgissent du ciel. Ce Christ représenté comme peintre ou ce<br />

peintre crucifié nous invite à regarder le tableau posé sur le chevalet, c’est une Mise au<br />

aussi de 2 000 à 2 500 (en incluant les morts dans les camps de concentration) le nombre de morts liées<br />

directement ou indirectement à « la Nuit de Cristal ».<br />

382<br />

Le peintre et le Christ, 1938-1940, Gouache sur papier, 56 x 44 cm ; cf. Franz Meyer, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, op.<br />

cit., cat. ill. 687.<br />

383<br />

Dans la lettre du 15 décembre 1937, adréssée à Yosef Opatoshu, que nous avons déjà citée dans le passage<br />

concernant son travail sur la <strong>Bible</strong>. Cf. Benjamin Harshav, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> and His Times – A Documentary<br />

Narrative, op. cit., p. 473.<br />

384<br />

Le peintre crucifié, 1938-1940, Gouache sur papier, Collection <strong>par</strong>ticulière ; cf. Franz Meyer, <strong>Marc</strong><br />

<strong>Chagall</strong>, op. cit., cat. ill. 689.<br />

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