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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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lui ap<strong>par</strong>tenait. De loin, un ange plane dans le ciel, nimbé de lumière. Des tours et des<br />

maisons sont visibles à l’arrière-plan. Ce village ou cette ville a l’air paisible et rien<br />

n’indique un drame. Pourtant, il semble que le rabbin est profondément en détresse, et que<br />

seule la vache le console avec son violon. L’ambiance mélancolique du tableau est<br />

renforcée <strong>par</strong> la limpidité du blanc immaculé de la vache et du châle du rabbin. En raison<br />

de l’absence dans le tableau d’éléments précis qui rendent explicite le sujet, cette solitude<br />

fut souvent interprétée comme intérieure et symbolique, voire métaphysique. Franz Meyer<br />

dit : « Véritable îlot de méditation arraché aux ténèbres, il est assis dans un paysage qui<br />

n’est plus qu’un décor. [...] Solitude est l’image du Juif en exil, sé<strong>par</strong>é de son vrai monde<br />

» 358 . Michel Makarius, rappelant que ce tableau fut donné <strong>par</strong> l’artiste au musée de Tel-<br />

Aviv, expliqua que « <strong>Chagall</strong> a voulu sans doute indiquer symboliquement que la rêverie<br />

de son personnage était toute tournée vers la Terre Promise » 359 . Selon lui, la solitude naît<br />

donc d’une attente perpétuelle du peuple juif. Gilles Plazy, soutenant l’idée de Makarius,<br />

avança que la solitude du rabbin était liée à sa relation avec Dieu, qui ne s’empressait pas<br />

de répondre à l’appel des hommes. Il rapprocha alors cette solitude de celle du prêtre à qui<br />

Dieu ne répond pas ou de celle de l’homme qui médite sur sa condition 360 . Monica Bohm-<br />

Duchen replaça plutôt cette œuvre dans son contexte historique, ce qui nous <strong>par</strong>aît adéquat.<br />

L’année 1933 fut en effet marquée <strong>par</strong> l’accession au pouvoir de Hitler, mais aussi <strong>par</strong> la<br />

destruction des tableaux de <strong>Chagall</strong> <strong>par</strong> les nazis à Mannheim. De plus, la demande de<br />

nationalité française de l’artiste fut refusée cette année en raison de ses activités de<br />

commissaire à Vitebsk. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que <strong>Chagall</strong> fut renvoyé à sa<br />

position de Juif. Bohm-Duchen 361 remarqua également que le violon était souvent<br />

considéré comme un instrument essentiellement juif et que la <strong>Bible</strong> com<strong>par</strong>ait Israël à une<br />

génisse. Elle ajouta que <strong>Chagall</strong> s’identifia longtemps à la souffrance du bétail innocent.<br />

Alors, cette peinture est-elle un reflet de son état d’âme ? Quoi qu’il en soit, la vague<br />

tristesse et la mélancolie que ce Juif solitaire dégage évoquent le tourment de l’époque où<br />

les Juifs étaient exposés.<br />

Nous trouvons une expression semblable dans une autre œuvre, L’homme à la<br />

Torah dans la neige 362 . Très probablement réalisée à la même période que <strong>La</strong> Solitude,<br />

cette gouache représente au premier plan un Juif tenant un rouleau de la Torah dans ses<br />

358<br />

Franz Meyer, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, op. cit., p. 186.<br />

359<br />

Michel Makarius, <strong>Chagall</strong>, <strong>Paris</strong>, Fernand Hazan, 1987, p. 110.<br />

360<br />

Gilles Plazy, <strong>Chagall</strong>, les chefs-d’œuvre, <strong>Paris</strong>, Société nouvelle Adam Biro, 2003, p. 70.<br />

361<br />

Monica Bohm-Duchen, <strong>Chagall</strong>, op. cit., pp. 223-224.<br />

362<br />

L’homme à la Torah dans la neige, autour de 1930, Gouache sur papier, 63 x 49 cm ; cf. Franz Meyer,<br />

<strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong>, op. cit., cat. ill. 573.<br />

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