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La Bible illustrée par Marc Chagall - Université Paris-Sorbonne

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malheur (« mon peuple, pauvre 343 peuple ») et sur l’absence de secours divin (« Ni la nuée,<br />

ni l’étoile ne nous guident plus ») en référence à l’épisode biblique de l’Exode 344 . Il accuse<br />

ensuite « le monde » qui persécute le peuple (« Un monde “coupable” veut voler ta<br />

force »), et il dénonce son inhumanité (« On chasse de <strong>par</strong>tout mon peuple » 345 , « ne plus<br />

te laisser de place que sous la terre »). Il rappelle tout de même qu’un autre avenir est<br />

possible (« Si tu dois être détruit [...] se lèvera une autre étoile »), et finit <strong>par</strong> exprimer son<br />

espoir (« Je voudrais exaucer ton rêve / Montrer une autre vérité »).<br />

En septembre de la même année (1937) que <strong>Chagall</strong> finit d’écrire ce poème, le<br />

Premier Congrès Mondial de la Culture Yiddish eut lieu à <strong>Paris</strong>. Quelques centaines<br />

d’écrivains, artistes, musiciens, docteurs et scientifiques venant du monde entier se<br />

réunirent à l’occasion de ce rassemblement, afin de manifester leur existence et leur unité<br />

culturelle. <strong>Chagall</strong>, en revanche, était à ce moment-là à Venise, pris <strong>par</strong> « les Tintoret et les<br />

Michel-Ange qui font tourner la tête » 346 . Mais il envoya un mot au Congrès pour exprimer<br />

son soutien et ses encouragements. De plus, il insista sur la situation de l’époque, dans<br />

laquelle la vie et la culture des Juifs étaient menacées de dis<strong>par</strong>aître :<br />

« J’entends un homme crier, un homme qui se prend pour dieu et qui veut dévorer les<br />

Juifs. [...] Personne ne sait qu’un os est coincé dans notre gorge et ils veulent quand<br />

même nous couper la gorge. Ce serait bien si l’un de nos prophètes émergeait d’un coin<br />

de la ville et grondait le monde. [...] Et maintenant, ils veulent étouffer l’esprit de notre<br />

vie, notre culture et notre jeune art » 347 .<br />

Bien qu’à ce moment-là <strong>Chagall</strong> fût lui-même à l’abri – lui et sa famille obtinrent la<br />

nationalité française le 4 juin 1937 –, et qu’il fût très épanoui – il exposa plusieurs de ses<br />

œuvres à l’Exposition internationale à <strong>Paris</strong> en 1937 et il passa quelque temps à<br />

Villeneuve-lès-Avignon, puis en Italie 348 –, les malheurs des Juifs assombrirent l’artiste.<br />

343<br />

Alors qu’ici la traduction en français est : « Mon peuple, tu es sans larmes », la traduction littérale devrait<br />

plutôt être : « Mon peuple, pauvre peuple, tu n’as plus de larmes ». Benjamin Harshav traduit en effet du<br />

yiddish à l’anglais : « My people, poor people, you have no more tears ». Cf. Benjamin Harshav, <strong>Marc</strong><br />

<strong>Chagall</strong> and His Times – A Documentary Narrative, op. cit., p. 466.<br />

344<br />

Dans l’Exode, après la sortie de l’Égypte, le peuple hébreu est guidé <strong>par</strong> la nuée et l’étoile pendant qu’il<br />

marche dans le désert.<br />

345<br />

<strong>La</strong> traduction en anglais de cette phrase fut comme « They pursue, they beat my people from all sides ».<br />

Cf. Benjamin Harshav, <strong>Marc</strong> <strong>Chagall</strong> and His Times – A Documentary Narrative, op. cit., p. 466. En<br />

supprimant une <strong>par</strong>tie (« On frappe » mon peuple), la traduction en français diminua encore le degré<br />

d’expressivité.<br />

346<br />

Dans la lettre à Yosef Opatoshu en 14 septembre 1937 ; Ibid., p. 471. Nous traduisons.<br />

347<br />

Ibid., pp. 471-472. Nous traduisons.<br />

348<br />

Il séjourna en Toscane, à Venise et à Florence.<br />

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