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Les années de poudre : lutte armée ou pas? - Festival international ...

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On l’a vu, c’est dès le premier plan que le réalisateur plonge le spectateur dans le noir. T<strong>ou</strong>te<br />

la séquestration, même filmée <strong>de</strong> j<strong>ou</strong>r est quasi t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs dans l’ombre, le contre- j<strong>ou</strong>r, le<br />

fl<strong>ou</strong>…<br />

Ici, ce procédé permet d’abord <strong>de</strong> mettre en valeur les plans en noir et blanc <strong>de</strong> Païsa, qui<br />

apparaissent ainsi plus lumineux, donc captant plus le regard et l’intellect du spectateur et ce<br />

dès le premier plan.<br />

De plus, le regard « œilleton », canalisant la lumière sur le seul œil du voyeur et revenant<br />

systématiquement lors <strong>de</strong>s rencontres entre les geôliers et Moro permet ici d’opposer Chiara.<br />

En effet, celle- ci reste seule dans la chambre, cadrée en gros plan mais jamais en très gros<br />

plan comme Mariano et Primo, ceux-ci étant en m<strong>ou</strong>vement au point <strong>de</strong> « fl<strong>ou</strong>ter » le plan.<br />

Reste l’essentiel : A quoi servent ces procédés montage son/ image, dramatisation par<br />

l’accélération du récit, la lumière, la voix off et la musique ?<br />

C’est parce qu’il y a ici une d<strong>ou</strong>ble idée, <strong>ou</strong> plutôt l’articulation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux idées exprimées<br />

directement puis indirectement par Bellochio. Inutile d’insister sur la signification du montage<br />

alterné lettre Moro/ lettre partisans /image <strong>de</strong>s BR/images <strong>de</strong>s nazis <strong>ou</strong> <strong>de</strong>s fascistes : renforcé<br />

par la musique du Floyd et les larmes <strong>de</strong> Chiara c’est un véritable martyrologue d’Aldo Moro,<br />

d<strong>ou</strong>blé d’une charge idéologique conte les BR : leur assimilation aux Fascistes / Nazis, <strong>ou</strong><br />

t<strong>ou</strong>t du moins à leurs métho<strong>de</strong>s, est évi<strong>de</strong>nte.<br />

S’arrêter là aurait rendu le propos un peu l<strong>ou</strong>rd (sur la forme, <strong>pas</strong> forcément sur le fond) et<br />

c’est là qu’interviennent les trois femmes <strong>de</strong> Vertov. Et c’est ici qu’intervient le travail<br />

d’Anne Fabre (on tr<strong>ou</strong>vera son intégralité en partie trois) qui a disséqué ces fameux plans.<br />

Il s’agit donc <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> Lénine, donc déjà d’une disparition d’un certain communisme, et<br />

créant par la même une forme <strong>de</strong> référence <strong>pas</strong>sée au sens propre. Et ce <strong>pas</strong>sage s’adresse<br />

aussi aux images <strong>de</strong>s partisans, faisant référence indirectement au banquet.<br />

Le sens profond <strong>de</strong> cette séquence apparait alors : bien loin d’un rêve <strong>de</strong> ce qui aurait pu être,<br />

la pensée <strong>de</strong> Chiara permet au spectateur à la fois <strong>de</strong> rejeter l’action <strong>de</strong>s BR au nom <strong>de</strong><br />

l’humanité et <strong>de</strong>s valeurs défendues par les partisans eux-mêmes, mais en renvoyant t<strong>ou</strong>t cela<br />

dans un <strong>pas</strong>sé qui est vraiment <strong>pas</strong>sé : <strong>Les</strong> BR ne sont donc plus que <strong>de</strong>s fantômes qui , à<br />

l’image <strong>de</strong> leur psalmodie fanatique répondant au disc<strong>ou</strong>rs médiatique, ne sont plus dans la<br />

réalité, même –et surt<strong>ou</strong>t– celle <strong>de</strong>s <strong>lutte</strong>s contre le système.<br />

C’est t<strong>ou</strong>te l’ambivalence du propos <strong>de</strong> Bellochio : un attachement à une communauté , à <strong>de</strong>s<br />

valeurs issues <strong>de</strong> la résistance et du communisme italien , mais aussi la proclamation du crime<br />

<strong>de</strong> ceux qui croient qu’assassiner Moro, c’est être fidèle à cette communauté <strong>de</strong> pensée et<br />

d’actes. Il fait bien sûr dire à Enzo (le scénariste !) qu’ils sont f<strong>ou</strong>s et stupi<strong>de</strong>s, mais le vrai<br />

propos <strong>de</strong> Bellochio va plus loin : il ne les considère <strong>pas</strong> comme <strong>de</strong>s monstres mais plutôt<br />

comme <strong>de</strong>s déviants, <strong>de</strong>s avatars malfaisants <strong>de</strong> la « famille »… comme par hasard un <strong>de</strong>s<br />

thèmes récurrents <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Bellochio.<br />

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