Les années de poudre : lutte armée ou pas? - Festival international ...

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26.06.2013 Views

P 25 à 28 : montage alterné Mariano/Primo/ Moro/ Chiara qui pleure. P 29 à 31 : 3 plans de « Trois chants sur Lénine » de Dziga Vertov : les trois femmes tristes. P 32 : Très gros plan de Chiara qui pleure en off : « Le passé défile devant mes yeux comme un film », puis qui tourne la tête et quitte le plan par la droite. Raccord son avec séquence suivante : « J’ai besoin de la voir ! ». FIN PINK FLOYD « The Great gig in the sky ». (25 plans en 1 mn 30) On remarque d’abord le diptyque composé d’abord d’une partie d’exposition avec des plans relativement longs (15 secondes en moyenne), correspondants à la réalité de la séquestration de Moro. La rupture se concrétise avec le début de la musique, et la lecture de la lettre du partisan exécuté. C’est donc l’imagination de Chiara qui a pris le pouvoir, d’autant plus facilement que le réalisateur a pris bien soin de nous montrer deux fois précédemment les livres contenant les lettres de résistants exécutés. Dès lors, tout s’accélère : la deuxième partie est composée de plans beaucoup plus rapides (3 secondes en moyenne, soit 5 fois plus vite) qui font monter la tension, effet renforcé par la voix crescendo de the Great gig in the sky et l’utilisation des gros plans magnifiant la douleur de Chiara à l’opposé de la furie des brigadistes. Autre procédé utilisé ici : la lumière. Bellochio a dit à son chef op’ : « Osez le noir » 36

On l’a vu, c’est dès le premier plan que le réalisateur plonge le spectateur dans le noir. Toute la séquestration, même filmée de jour est quasi toujours dans l’ombre, le contre- jour, le flou… Ici, ce procédé permet d’abord de mettre en valeur les plans en noir et blanc de Païsa, qui apparaissent ainsi plus lumineux, donc captant plus le regard et l’intellect du spectateur et ce dès le premier plan. De plus, le regard « œilleton », canalisant la lumière sur le seul œil du voyeur et revenant systématiquement lors des rencontres entre les geôliers et Moro permet ici d’opposer Chiara. En effet, celle- ci reste seule dans la chambre, cadrée en gros plan mais jamais en très gros plan comme Mariano et Primo, ceux-ci étant en mouvement au point de « flouter » le plan. Reste l’essentiel : A quoi servent ces procédés montage son/ image, dramatisation par l’accélération du récit, la lumière, la voix off et la musique ? C’est parce qu’il y a ici une double idée, ou plutôt l’articulation de deux idées exprimées directement puis indirectement par Bellochio. Inutile d’insister sur la signification du montage alterné lettre Moro/ lettre partisans /image des BR/images des nazis ou des fascistes : renforcé par la musique du Floyd et les larmes de Chiara c’est un véritable martyrologue d’Aldo Moro, doublé d’une charge idéologique conte les BR : leur assimilation aux Fascistes / Nazis, ou tout du moins à leurs méthodes, est évidente. S’arrêter là aurait rendu le propos un peu lourd (sur la forme, pas forcément sur le fond) et c’est là qu’interviennent les trois femmes de Vertov. Et c’est ici qu’intervient le travail d’Anne Fabre (on trouvera son intégralité en partie trois) qui a disséqué ces fameux plans. Il s’agit donc de la mort de Lénine, donc déjà d’une disparition d’un certain communisme, et créant par la même une forme de référence passée au sens propre. Et ce passage s’adresse aussi aux images des partisans, faisant référence indirectement au banquet. Le sens profond de cette séquence apparait alors : bien loin d’un rêve de ce qui aurait pu être, la pensée de Chiara permet au spectateur à la fois de rejeter l’action des BR au nom de l’humanité et des valeurs défendues par les partisans eux-mêmes, mais en renvoyant tout cela dans un passé qui est vraiment passé : Les BR ne sont donc plus que des fantômes qui , à l’image de leur psalmodie fanatique répondant au discours médiatique, ne sont plus dans la réalité, même –et surtout– celle des luttes contre le système. C’est toute l’ambivalence du propos de Bellochio : un attachement à une communauté , à des valeurs issues de la résistance et du communisme italien , mais aussi la proclamation du crime de ceux qui croient qu’assassiner Moro, c’est être fidèle à cette communauté de pensée et d’actes. Il fait bien sûr dire à Enzo (le scénariste !) qu’ils sont fous et stupides, mais le vrai propos de Bellochio va plus loin : il ne les considère pas comme des monstres mais plutôt comme des déviants, des avatars malfaisants de la « famille »… comme par hasard un des thèmes récurrents de l’œuvre de Bellochio. 37

P 25 à 28 : montage alterné Mariano/Primo/ Moro/ Chiara qui pleure.<br />

P 29 à 31 : 3 plans <strong>de</strong> « Trois chants sur Lénine » <strong>de</strong> Dziga Vertov : les trois femmes tristes.<br />

P 32 : Très gros plan <strong>de</strong> Chiara qui pleure en off : « Le <strong>pas</strong>sé défile <strong>de</strong>vant mes yeux comme<br />

un film », puis qui t<strong>ou</strong>rne la tête et quitte le plan par la droite. Raccord son avec séquence<br />

suivante : « J’ai besoin <strong>de</strong> la voir ! ». FIN PINK FLOYD « The Great gig in the sky ».<br />

(25 plans en 1 mn 30)<br />

On remarque d’abord le diptyque composé d’abord d’une partie d’exposition avec <strong>de</strong>s plans<br />

relativement longs (15 secon<strong>de</strong>s en moyenne), correspondants à la réalité <strong>de</strong> la séquestration<br />

<strong>de</strong> Moro.<br />

La rupture se concrétise avec le début <strong>de</strong> la musique, et la lecture <strong>de</strong> la lettre du partisan<br />

exécuté. C’est donc l’imagination <strong>de</strong> Chiara qui a pris le p<strong>ou</strong>voir, d’autant plus facilement que<br />

le réalisateur a pris bien soin <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s montrer <strong>de</strong>ux fois précé<strong>de</strong>mment les livres contenant<br />

les lettres <strong>de</strong> résistants exécutés. Dès lors, t<strong>ou</strong>t s’accélère : la <strong>de</strong>uxième partie est composée <strong>de</strong><br />

plans beauc<strong>ou</strong>p plus rapi<strong>de</strong>s (3 secon<strong>de</strong>s en moyenne, soit 5 fois plus vite) qui font monter la<br />

tension, effet renforcé par la voix crescendo <strong>de</strong> the Great gig in the sky et l’utilisation <strong>de</strong>s gros<br />

plans magnifiant la d<strong>ou</strong>leur <strong>de</strong> Chiara à l’opposé <strong>de</strong> la furie <strong>de</strong>s brigadistes.<br />

Autre procédé utilisé ici : la lumière. Bellochio a dit à son chef op’ : « Osez le noir »<br />

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