Mémoires historiques, tome premier - Investigaciones Históricas ...
Mémoires historiques, tome premier - Investigaciones Históricas ...
Mémoires historiques, tome premier - Investigaciones Históricas ...
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
SE-MA TS’IEN — <strong>Mémoires</strong> Historiques, <strong>tome</strong> <strong>premier</strong> 117<br />
père et à ma mère ; que le magasin et le grenier soient à mon père et à ma mère.<br />
Que le bouclier et la lance soient miens ; que le luth soit mien ; que l’arc soit<br />
mien ; que ses deux femmes prennent soin de mon lit.<br />
Siang se rendit dans la demeure de Choen ; Choen était sur sa couche et jouait<br />
du luth. Siang dit :<br />
— Je me réjouissais en pensant à vous.<br />
Il fut couvert de confusion.<br />
— L’expression yu t’ao que nous traduisons par « se réjouir » ou « plein de joie » demande<br />
une explication. Dans le texte de Mencius, M. Legge lui donne le sens d’ « éprouver de<br />
l’anxiété » ; on la retrouve dans une phrase du chapitre du Chou king intitulé : Le Chant des<br />
cinq fils yu t’ao … ; le contexte impose là la traduction : « Ils sont pleins de tristesse nos<br />
cœurs. » Il semblerait donc que le sens de l’expression yu t’ao fût celui de tristesse ou<br />
d’anxiété et non celui de joie.<br />
Mais Yen Jo-kiu a fort bien démontré (cité par Wang Ming-cheng, H. T. K. K., chap.<br />
CCCCXXXIV b, p. 8 r°) que ce sens ne saurait convenir aux deux caractères employés : le<br />
caractère t’ao a deux sens ; le <strong>premier</strong> est celui de façonner un objet en terre ; le second, qui<br />
est indiqué par tous les dictionnaires et en particulier par le Koang yun (fin du Xe siècle ap.<br />
J.-C.) est celui de joie. Quant au caractère yu, il peut avoir le sens de tristesse mais il a aussi,<br />
d’après le Koang yun, celui de disposition ou sentiment de l’âme. L’expression yu t’ao est<br />
donc donnée par le Eul ya comme signifiant se livrer à la joie.<br />
Dès lors, dans le texte de Mencius, Siang, se trouvant inopinément en présence de Choen qu’il<br />
croyait mort, explique sa venue en disant qu’il voulait avoir le plaisir de lui rendre visite ;<br />
c’est un mensonge par lequel il se tire d’embarras ; dans le texte de Se-ma Ts’ien, il paie<br />
d’audace et dit qu’il est heureux de revoir son frère ; en réalité il est pénétré de dépit. Les<br />
anciens critiques n’ont pas compris ce texte et ils ont admis que l’expression yu t’ao signifiait<br />
être triste ou anxieux, ce qui mène à une interprétation absurde, car Siang doit nécessairement<br />
feindre d’ignorer le danger auquel vient d’échapper Choen. Ainsi, soit par le sens des mots,<br />
soit par la suite des idées, nous devons, dans le texte de Mencius, traduire yu t’ao par « être<br />
joyeux ».<br />
Mais ce sens répugne absolument à la phrase du Chant des cinq fils ; voici comment on écarte<br />
cette dernière objection : le Chant des cinq fils fait partie du pseudo-texte antique du Chou<br />
king et doit donc être considéré comme inauthentique ; les érudits qui le composèrent, ayant<br />
fait un contresens sur le texte de Mencius, empruntèrent à ce texte les caractères mêmes qu’ils<br />
comprenaient de travers pour donner à leur œuvre un faux air d’antiquité.<br />
01. (278) Ce sens est celui qui est indiqué par Se-ma Tcheng. Le texte correspondant de<br />
Mencius comporte une tout autre interprétation (cf. Legge, Chinese Classics, t. II, p. 223).<br />
01. (279) Cf. p. 55. Le Che ki loen wen met 1a ponctuation après po koan, ce qui confirme<br />
notre traduction.<br />
01. (280) Tso tchoan, 18 e année du duc Wen.<br />
01. (281) Kao-yang est identifié par Se-ma Ts’ien avec Tchoan-hiu (cf. p.╓ 37 ). Dans ce texte,<br />
qui est tiré du Tso tchoan, il n’est pas certain que Kao-yang et Tchoan-hiu soient considérés<br />
comme un seul et même personnage ; en effet, Kao-yang est donné comme ayant eu huit fils<br />
excellents, tandis que plus loin Tchoan-hiu est cité comme le père d’un scélérat.<br />
01. (282) Kao-sin est identifié par Se-ma Ts’ien avec l’empereur Kou (cf. p.╓ 39 ).<br />
01. (283) Le Tcheng i du Tch’oen ts’ieou dit : Le ciel est appelé le ciel impérial ; la terre est<br />
appelée la terre souveraine.