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1971<br />

<strong>Magma</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>une</strong> - Best n° 32 – Mars :<br />

<strong>Magma</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>une</strong><br />

Du lundi 18 au vendredi 22 janvier, <strong>Magma</strong> nous a emmenés <strong>à</strong> <strong>la</strong> découverte<br />

de Kobaïa. Le groupe se trouve amputé du soliste, C<strong>la</strong>ude Engel, qui ne sera<br />

pas<br />

remp<strong>la</strong>cé (" impossible de retrouver un soliste comme lui "), par contre, un<br />

nouveau cuivre s'est intégré d'<strong>une</strong> manière provisoire, en raison du départ<br />

d'A<strong>la</strong>in Charlery. Une première partie faite avec des compositions déj<strong>à</strong><br />

connues, n'a fait que confirmer les qualités de l'orchestre et sa valeur, valeur<br />

qui ne peut être contestée, même si le <strong>la</strong>ngage Kobaia semble parfois un peu<br />

pauvre, limité <strong>à</strong> des impressions simples. La deuxième partie était plus riche<br />

d'enseignements puisqu'elle a permis d'entendre leurs nouvelles compositions.<br />

Le climat de violence qui s'en dégage est dans <strong>la</strong> même lignée que<br />

précédemment. mais le groupe semble maintenant plus cohérent (il l'était déj<strong>à</strong><br />

pas mal) et plus " pénétré " par Kobaïa. L'effet de surprise que provoquait<br />

<strong>Magma</strong>, pour beaucoup le groupe était même déconcertant, a en partie disparu.<br />

Tant mieux, peut-être, car les spectateurs peuvent profiter plus pleinement<br />

d'<strong>une</strong> musique où chacun des musiciens semble donner ou donne le meilleur de<br />

lui-même. Musique parfois hachée ou au contraire très douce, au long de<br />

<strong>la</strong>quelle s'alternent rythmes <strong>la</strong>ncinants, fanfares militaires, arrangements<br />

symphoniques et sonorités <strong><strong>fr</strong>ee</strong> jazz, mais sans jamais donner l'impression d'un<br />

" déj<strong>à</strong> entendu ", c'est-<strong>à</strong>-dire en gardant toujours intacte <strong>la</strong> (forte) personnalité<br />

du groupe, sans non plus s'enfermer dans le piège d'<strong>une</strong> musique<br />

intellectuellement masturbatoire. Au passage, on peut noter l'effort d'adaptation<br />

que <strong>Magma</strong> a fait par rapport aux obligations d'<strong>une</strong> boîte (difficile de présenter<br />

l'intégralité du voyage vers Kobaïa), sans pour autant dénaturer sa musique.<br />

Loin de n'avoir été qu'un épisode ou <strong>une</strong> brève démarche hasardeuse, l'histoire<br />

de <strong>Magma</strong> continue, ses musiciens ont encore beaucoup <strong>à</strong> nous dire.<br />

Jean-Paul COMMIN<br />

Best n° 32 - Mars 1971<br />

<strong>Magma</strong> - Le Pop <strong>à</strong> Part - Salut les Copains :<br />

MAGMA<br />

LE POP A PART


Par sa musique et son <strong>la</strong>ngage, <strong>Magma</strong> fait figure d'exception dans <strong>la</strong><br />

pop<br />

<strong>fr</strong>ançaise. Jean-Marie Moreau vous présente ces étranges garçons si<br />

inventifs.<br />

"Il y a dans <strong>Magma</strong> un volcan qui sommeille". C'est le très beau titre d'un<br />

article fort élogieux d'André Drossart, paru dans le journal "Le Soir" <strong>à</strong> <strong>la</strong> suite<br />

du triomphe que le groupe <strong>fr</strong>ançais a remporté en Belgique. Je reprendrais<br />

volontiers <strong>à</strong> mon compte <strong>la</strong> formule du journal belge en modifiant toutefois<br />

l'un des termes, ce qui pourrait donner quelque chose comme : "II y a dans<br />

<strong>Magma</strong> un volcan en éruption ..." Pour les<br />

sept premiers musiciens de<br />

l'Hexagone, en effet, l'heure H a sonné !<br />

Il doit être quatre heures de l'après-midi ; dehors, il fait <strong>fr</strong>oid et gris, tandis que<br />

je roule tranquillement vers le Perray-en-Yvelines où Giorgio Gomelsky vient<br />

d'acquérir <strong>une</strong> demeure campagnarde. Giorgio a pris en main <strong>la</strong> carrière de<br />

<strong>Magma</strong>, depuis quelques mois, et il m'a donné rendez-vous chez lui avec toute<br />

son équipe. Je suis un peu anxieux : on a dit tellement de choses désagréables<br />

au sujet des musiciens de <strong>Magma</strong>... Si je connais bien leur musique, je n'ai pas<br />

encore eu de véritables contacts avec ces garçons mystérieux et apparemment<br />

très agressifs. C'est donc un peu contracté que je gare ma voiture dans <strong>la</strong> petite<br />

cour de l'ancienne cartonnerie où sont réunis les membres de <strong>Magma</strong>. Giorgio,<br />

le sourire aux lèvres, m'accueille dans sa grande maison. Tout le monde est<br />

déj<strong>à</strong> sur p<strong>la</strong>ce. Installée dans <strong>une</strong> petite pièce en retrait du living, <strong>la</strong> formation<br />

est <strong>à</strong> l'oeuvre. Après <strong>une</strong> poignée de main générale et sans grande chaleur, je<br />

m'installe <strong>à</strong> mon poste d'observateur (enfoncé dans un fauteuil, un verre de vin<br />

b<strong>la</strong>nc <strong>à</strong> <strong>la</strong> main), Christian Vander, assis sur son siège de batteur comme sur un<br />

trône, semble régner en maître absolu sur ses musiciens. Son regard bleu et dur<br />

ne pardonne pas le moindre relâchement rythmique ou harmonique. Sa batterie<br />

d'acier est devant lui comme pour le protéger d'un monde qui le blesse. Les<br />

pointes métalliques qu'il a fait attacher <strong>à</strong> l'avant de sa grosse caisse confirment<br />

d'ailleurs cette impression. François Cahen, quant <strong>à</strong> lui, appuie sur les touches<br />

de son piano électrique avec <strong>une</strong> aisance appliquée. Faton (c'est son surnom)


est un peu l'attaché de<br />

presse du groupe ; sa gentillesse évidente et sa haute stature inspirent<br />

immédiatement confiance. (On dit de lui que c'est un excellent cuisinier !) A<br />

ses côtés, perché sur <strong>une</strong> colonne d'amplification, K<strong>la</strong>us B<strong>la</strong>squiz, benjamin et<br />

chanteur du groupe, chante de sa belle voix grave et puissante devant un micro<br />

inutile. Avec ses très longs cheveux et sa barbe de vieil<strong>la</strong>rd, il ressemble <strong>à</strong> un<br />

héros de <strong>la</strong> révolution russe. Et pourtant il est Basque et fier de l'être. Francis<br />

Moze, le bassiste <strong>à</strong> <strong>la</strong> force tranquille caresse les quatre cordes de sa guitare<br />

translucide. II est attentif aux plus petites nuances du morceau et n'en<br />

transgresse jamais <strong>la</strong> ligne. Son père était un Peau Rouge et il a gardé de cette<br />

filiation, sinon <strong>la</strong> physionomie, du moins <strong>la</strong> sagesse et l'intelligence. Voil<strong>à</strong> pour<br />

"<strong>la</strong> force rythmique". Restent les trois magiciens du "peloton de cuivre". Teddy<br />

Lasry, au sein de <strong>Magma</strong>, joue du saxophone et de <strong>la</strong> flûte, mais il est capable<br />

d'exécuter n'importe quelle oeuvre sur n'importe quel instrument. D'ailleurs, les<br />

fameuses structures sonores Lasry-Baschet ont un rapport très étroit avec son<br />

père, Jacques Lasry, pianiste et compositeur. Jeff Seffer, ce garçon d'origine<br />

hongroise, joue également du saxophone et de <strong>la</strong> flûte. Il est encore un peu<br />

gitan sur les bords... Louis Toesca, dit Loulou, est né <strong>à</strong> Nice, ce qui lui vaut un<br />

léger accent du Midi. Il est assez amusant, par exemple, d'entendre Loulou<br />

décrire <strong>la</strong> tournée de <strong>Magma</strong> en Belgique ! Son caractère enjoué ne l'empêche<br />

pas d'être un trompettiste de tout premier ordre. Il est évidemment premier prix<br />

de conservatoire (mais <strong>une</strong> telle distinction est monnaie courante au sein de<br />

<strong>Magma</strong>). Mais au fait, comment se sont donc rencontrés<br />

les musiciens de ce<br />

super-groupe ? Francis et François me l'ont raconté.<br />

- Tout a commencé par un été très chaud sur <strong>la</strong> Côte d'Opale, explique Francis.<br />

Une grosse maison de disques avait fabriqué de toutes pièces un trio musical<br />

pour animer les soirées d'un club estival. A <strong>la</strong> basse il y avait Laurent Thibault,<br />

<strong>à</strong> <strong>la</strong> batterie, Christian Vander, et <strong>à</strong> l'orgue, moi-même. C'était <strong>une</strong> aventure<br />

très folklorique qui a commencé par <strong>une</strong> surprise fabuleuse : lorsque nous<br />

sommes arrivés dans <strong>la</strong> petite ville, les murs étaient couverts d'affiches portant<br />

le nom des "Carnaby Street Swingers" c'était nous ! Un peu étonnés d'avoir été<br />

baptisés aussi ompeusement, nous avons cependant fait l'effort de rester dans<br />

notre galère. Bien nous en a pris car, quelques jours plus<br />

tard, j'improvisais <strong>une</strong><br />

ligne de basse qui al<strong>la</strong>it devenir celle de "Kobaïa"...<br />

- Et, <strong>à</strong> ton retour, tu as été appelé sous les drapeaux,<br />

intervient François,<br />

ironiquement, et <strong>Magma</strong> s'est fait sans toi.


- Mon absence n'a pas été longue, car, au bout d'un mois, l'armée m'a renvoyé<br />

pour "incompatibilité d'humeur". J'ai pris <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de Laurent <strong>à</strong> <strong>la</strong> basse et j'ai<br />

retrouvé François et Christian.<br />

- D'où venais-tu, Faton ?<br />

- Je venais juste de quitter... "Les Enfants Terribles" ! Petit <strong>à</strong> petit, le travail<br />

s'est fait et l'équipe de <strong>Magma</strong> en même temps. Richard Raux, Zabu, C<strong>la</strong>ude<br />

Engel et Paco nous ont quittés. Le cas de Paco n'est pas encore définitif ; peutêtre<br />

reviendra-t-il un jour avec ses tambours... Quant aux autres, nous sommes<br />

toujours en très bons termes avec eux et je persiste <strong>à</strong> croire que C<strong>la</strong>ude est l'un<br />

des meilleurs guitaristes d'Europe.<br />

Christian Vander vient nous rejoindre. Il semble un peu plus détendu que tout <strong>à</strong><br />

l'heure.<br />

- On présente <strong>fr</strong>équemment <strong>Magma</strong> comme le groupe de Christian Vander.<br />

Qu'en penses-tu ?<br />

- Rien ou peu de chose. Il se trouve que je ne suis pas le seul <strong>à</strong> composer pour<br />

le groupe et que <strong>la</strong> musique de <strong>Magma</strong> n'est pas uniquement celle de Christian<br />

Vander. J'ai imaginé <strong>une</strong> p<strong>la</strong>nète qui s'appelle Kobaïa, j'ai écrit <strong>une</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

musicale, le kobaïen, et je suis peut-être <strong>à</strong> l'origine de cette communauté de<br />

pensée. Voil<strong>à</strong> quelle est ma part d'activité... Mais je n'ai pas peur de dire que<br />

notre formation est sûrement l'<strong>une</strong> des plus homogènes.<br />

- Comment t'est venue l'idée d'un nouveau <strong>la</strong>ngage ?<br />

- Le plus baturellement du monde. J'ai toujours été amoureux de certains mots<br />

sans contenu sémantique. Ce n'est pas un désir d'obscurité ni de mystère, c'est<br />

un besoin de pureté, de simplicité. Il faut que les mots, les signes linguistiques<br />

soient beaux en eux-mêmes. Un mot du dictionnaire kobaïen comme "vurda"<br />

s'est imposé <strong>à</strong> moi <strong>à</strong> cause de sa richesse expressive. "Vurda" exprime le<br />

mécontentement, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ssitude... Je n'aime pas que l'on accuse le kobaïen d'être<br />

<strong>une</strong> <strong>la</strong>ngue secrète, car c'est absolument faux. Le kobaïen doit être chanté pour<br />

être ressenti comme un support musical. Quels sont les gens qui comprennent<br />

les mots hurlés par Mick Jagger ? Quels sont les gens qui s'en p<strong>la</strong>ignent ? Chez<br />

les Rolling Stones, les mots sont distordus comme le sont les guitares...<br />

Je me retourne vers Francis qui a grande envie de parler.<br />

- Oui. Je vou<strong>la</strong>is te dire que nous sommes obligés de nous retenir pour ne pas<br />

enregistrer un disque toutes les semaines. Nous avons sans cesse de nouvelles<br />

idées, de nouveaux morceaux <strong>à</strong> proposer aux autres.<br />

- Comment ce<strong>la</strong> se passe-t-il ?<br />

- Nous ne sommes pas tendres entre nous. Plus durs encore qu'avec les autres<br />

musiciens <strong>fr</strong>ançais ! Si quelqu'un a <strong>une</strong> idée douteuse, elle est immédiatement


ejetée. Il faut l'unanimité absolue du groupe pour qu'un morceau entre dans le<br />

répertoire. D'ailleurs, nous remanions sans cesse les anciens titres.<br />

- Parle-moin de l'album intitulé "Univeria zekt".<br />

- C'est très simple, c'est <strong>la</strong> musique que nous aurions jouée si nous n'avions pas<br />

joué celle de <strong>Magma</strong>. Pour cet album, nous avons retrouvé C<strong>la</strong>ude Engel et<br />

nous avons fait notre forme de pop musique... Les Mothers et les Flock sont<br />

unanimement appréciés par les musiciens du groupe, mais c'est <strong>à</strong> peu près tout<br />

ce que nous acceptons de <strong>la</strong> pop.<br />

- Que penses-tu du public <strong>fr</strong>ançais ?<br />

- Nous lui reprochons d'avoir tout vu, intervient Faton? Je préfère<br />

personnellement, les je<strong>une</strong>s de seize ans, qui ont encore <strong>la</strong> <strong>fr</strong>aîcheur des<br />

oreilles et de l'esprit. En général, les gens s'ennuient en France parce qu'ils ne<br />

s'intéressent plus <strong>à</strong> rien. Comment explqiues-tu que tous les groupes belges ont<br />

élu <strong>Magma</strong> groupe mondial numéro un ? Pourquoi "Télé Moustique" nous a-til<br />

c<strong>la</strong>ssés avant les Pink Floyd et Jethro Tull ? Parce que l'on n'est pas prophète<br />

en son pays, surtout si l'on habite en France ! Les notions d'encouragement et<br />

de tolérance sont assez peu répandues dans notre pays. Lorsque nous<br />

reviendrons des Etats-Unis ou d'Angleterre avec un grand nom, nous serons<br />

bénis par les Français ! A cemoment-l<strong>à</strong> nous serons devenus très, très chers...<br />

Bref, <strong>la</strong> vie sur Kobaïa s'écoule dans le bonheur et <strong>la</strong> beauté. La terre a appris<br />

notre existence ; elle est en effervescence...<br />

Giorgio, très excité, nous appelle dans le séjour. La télévision est allumée et<br />

diffuse <strong>une</strong> émission sur Haroum Tazieff et son équipe de vulcanologues. Les<br />

images sont très belles et l'accompagnement musical est de... <strong>Magma</strong>. C'est<br />

<strong>une</strong> surprise pour tout le monde !<br />

- Il nous faut un film comme clui-ci pour notre spectacle lumineux, s'écrie<br />

Giorgio. Qu'en pensez-vous, mes enfants ?<br />

Une vague rumeur marque l'approbation générale. Christian Vander, qui est<br />

parti depuis quelques minutes, ne participe pas <strong>à</strong> l'euphorie de fin de soirée :<br />

ses camarades le regrettent.<br />

- Ne te fais pas trop vite <strong>une</strong> idée sur Christian, me murmure Giorgio. C'est un<br />

garçon très pur, très adroit, mais aussi très timide. Son agressivité est un<br />

masque qui disparaît très vite lorsqu'il se sent <strong>à</strong> l'aise. On peut parler des nuits<br />

entières avec lui parce qu'il est sensible et intelligent. Christian demande<br />

beaucoup <strong>à</strong> <strong>la</strong> vie et il s'éonne de voir qu'elle ne rend pas ce qu'il lui donne.<br />

Ainsi, il déteste les concessions et les roueries du show-business. Il se refuse<br />

aussi <strong>à</strong> écrire des textes en ang<strong>la</strong>is, alors qu'il le parle couramment. En aucun<br />

cas, même pour "Univeria zekt", il n'abandonne son kobaïen... Il est très fort,<br />

Christian, et il gagnera !<br />

La nuit est déj<strong>à</strong> bien avancée lorsque je reprends <strong>la</strong> route de Paris. Francis,<br />

silencieux, est assis <strong>à</strong> côté de moi. Nous ne tardons pas <strong>à</strong> rattraper <strong>la</strong> voiture de


Teddy, puis celle de Faton. Bientôt, nous nous perdons sur l'autoroute...<br />

Finalement, tout s'est très bien passé, j'ai peut-être vu le meilleur groupe du<br />

monde ! Je me demande simplement si nous n'allons pas les perdre, ces<br />

musiciens extraordinaires... Il faudrait peut-être se dépêcher de leur dire tout le<br />

bien que l'on pense d'eux, avant qu'ils nous quittent définitivement.<br />

Source : Salut les Copains - 1971<br />

Zeuhl Merci : Michel Altmayer<br />

<strong>Magma</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> Maison de <strong>la</strong> Culture de Reims - Best n° 32 – Mars :<br />

MAGMA<br />

<strong>à</strong> <strong>la</strong> Maison de <strong>la</strong> Culture de Reims<br />

La salle était comble, il y avait l<strong>à</strong> plus de 1000 personnes, sans compter tous<br />

ceux qui n'avaient pu rentrer par manque de p<strong>la</strong>ce, pour l'unique concert que<br />

donnaient les musiciens de <strong>Magma</strong>, le samedi 30 janvier, <strong>à</strong> <strong>la</strong> Maison de <strong>la</strong><br />

Culture de Reims.<br />

Dès leur apparition sur l'immense scène, on en prend plein les oreilles et plein<br />

les yeux. Christian Vander, le batteur et leader du groupe, est l<strong>à</strong>, dominant ses<br />

musiciens et les <strong>la</strong>nçant dans l'aventure qu'ils vont nous faire vivre durant <strong>une</strong><br />

heure et demie. II fera personnellement un triomphe et sera rappelé plusieurs<br />

fois.<br />

Christian Vander <strong>fr</strong>appe le public par sa décontraction totale et son sens du<br />

rythme. Il emmène ses compagnons de façon magistrale et <strong>la</strong> musique qui<br />

paraît d'abord déconcertante, devient soudain envoûtante, et ces musiciens que<br />

l'on croit tendus, se révèlent décontractés et d'un ensemble parfaitement réglé.<br />

Mais si Christian Vander semble être <strong>la</strong> " personnalité " du groupe, les autres<br />

n'en sont pas moins d'<strong>une</strong> grande valeur. Je pense notamment au chanteur,<br />

K<strong>la</strong>us, dont <strong>la</strong> voix, souvent grave et profonde, se transforme parfois pour<br />

devenir un cri qui pourrait être celui d'un oiseau. Le tout donnant, dans un<br />

ensemble parfait, <strong>une</strong> musique d'<strong>une</strong> rare beauté.<br />

Ce qu'exprime <strong>la</strong> musique de <strong>Magma</strong>, c'est avant tout <strong>la</strong> vie dans un autre<br />

monde que le nôtre, sur <strong>une</strong> autre p<strong>la</strong>nète. Une p<strong>la</strong>nète qui est <strong>la</strong> leur et dont ils<br />

nous révèlent tous les secrets par le truchement de leurs instruments et par un<br />

<strong>la</strong>ngage qu'ils souhaiteraient universel : le " kobaïen ". Une <strong>la</strong>ngue qui<br />

exprimerait avec <strong>une</strong> égale force tous les sentiments, qu'ils soient d'amour ou<br />

de haine, et que tout le monde comprendrait.<br />

Mais le public rémois a-t-il réellement compris le message ?<br />

A l'issue de <strong>la</strong> première partie, on en doutait et <strong>la</strong> diversité des commentaires le<br />

faisait bien sentir. Ce<strong>la</strong> al<strong>la</strong>it de : " génial, extra… " <strong>à</strong> " zéro, dégueu<strong>la</strong>sse… "<br />

en passant par : " pas mal le batteur, qui est-ce ? ".<br />

Quoi qu'il en soit, étonné et un peu <strong>fr</strong>oid au début, le public devait par <strong>la</strong> suite<br />

se détendre, notamment au cours de <strong>la</strong> seconde partie du spectacle, et faire un


très gros succès <strong>à</strong> <strong>Magma</strong>, dont <strong>la</strong> musique, parfois difficile, souvent très belle,<br />

mais toujours prenante, ne peut vraiment <strong>la</strong>isser personne indifférent.<br />

A bientôt donc Christian Vander, pour un nouvel épisode de <strong>Magma</strong>.<br />

Guy BURCKHART,<br />

correspondant <strong>à</strong> Reims.<br />

Chronique "<strong>Magma</strong> 2" - Yves ADRIEN - Rock & Folk n° 54 – Juillet :<br />

MAGMA<br />

"<strong>Magma</strong> 2 - 1001° centigrades"<br />

Chronique et interview d'Yves ADRIEN<br />

Rock & Folk n° 54 - Juillet 1971<br />

La nouvelle œuvre de <strong>Magma</strong>… Comment exprimer le choc que j'ai ressenti, <strong>à</strong><br />

l'écoute du second enregistrement de ce groupe qui est déj<strong>à</strong> l'un des meilleurs<br />

au monde et sera peut-être un jour le seul, l'ultime ?<br />

Comment dire <strong>à</strong> quel point est magistrale <strong>la</strong> gifle que porte <strong>Magma</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

médiocre musique <strong>fr</strong>ançaise, celle qui adapte ou qui p<strong>la</strong>gie ?<br />

Comment? … Christian Vander crée <strong>une</strong> musique chaque jour plus dure, plus<br />

belle, plus intelligente et nous, critiques, n'avons que nos pauvres mots pour<br />

tenter de rendre plus accessible, plus palpable <strong>la</strong> dimension de ce travail<br />

exceptionnel ; Vander a inventé un <strong>la</strong>ngage nouveau (c'est de <strong>la</strong> musique dont<br />

je parle, non du kobaïen) et nous, critiques, n'avons rien inventé, pas même <strong>la</strong><br />

critique…<br />

"Terre… Mange ton cœur, bois ton sang, brûle ton âme<br />

Arbre flétri que déchirent les <strong>la</strong>mes du soleil<br />

…Tu fus ce brasier imaginaire dépourvu de passion<br />

Qui se forgea son crématoire<br />

Bruit silence, bruit silence<br />

Le temps a passé<br />

Bruit silence, bruit, silence<br />

Son flot de vagues se déverse in<strong>la</strong>ssablement<br />

Il inonde l'univers, imperturbable,<br />

Tandis que <strong>la</strong> sève de ta pauvre vie<br />

Perle péniblement sur ton écorce avive<br />

Bruit silence, bruit silence<br />

Ta vie s'étire et le temps passe<br />

Les dernières gouttes de ta sueur,<br />

Fruit de ton angoisse constante, s'échappent de tes racines


Ta mort te salue<br />

Bruit silence, bruit repos<br />

Que tu n'attendais pas<br />

…Flots du temps, flots du temps<br />

Ne pardonnez pas<br />

Vengez ces âmes pures aux veines translucides<br />

Qui ne demandaient qu'<strong>à</strong> respirer<br />

Tes parfums trompeurs de haine et d'hypocrisie<br />

Terre, purge ce premier néant !<br />

L'air du temps comme ton sort<br />

Est prisonnier du cycle infini de <strong>la</strong> vie…"<br />

(Fragments d'un poème rêvé par Christian Vander dans <strong>la</strong> nuit du 8 au 9<br />

juillet 1970).<br />

Elle est toujours l<strong>à</strong>, <strong>la</strong> haine de Vander ; un jour, peut-être, elle se changera en<br />

<strong>une</strong> grande force tranquille, mais aujourd'hui il (Vander) continue, tel un Sun<br />

Râ en colère, <strong>à</strong> hurler des menaces <strong>à</strong> sa vieille ennemie, <strong>la</strong> Terre… Sa musique<br />

c'est le combat d'un homme contre <strong>une</strong> p<strong>la</strong>nète. II a été <strong>à</strong> maintes reprises traité<br />

de fasciste, le leader de <strong>Magma</strong>, parce qu'il y avait des croix gammées sur <strong>la</strong><br />

pochette de son disque et que le ton de ses discours rappe<strong>la</strong>it <strong>à</strong> certains un autre<br />

leader célèbre en son temps ; les gens se sont trompés : les croix gammées<br />

étaient détruites, tout comme les buildings, églises, avions et autres pourritures<br />

que nous of<strong>fr</strong>e <strong>la</strong> Terre ; quant aux discours, on pouvait très bien y trouver des<br />

origines dans le théâtre Nô ou ailleurs.<br />

Au début de cette année, plusieurs membres de <strong>Magma</strong>, coup sur coup,<br />

partirent : Richard Rault, C<strong>la</strong>ude Engel, Paco Charlery ; le groupe semb<strong>la</strong> un<br />

moment devoir éc<strong>la</strong>ter (sa séparation officielle fut même annoncée); pendant<br />

ce temps, Christian Vander sélectionnait de nouveaux musiciens qu'il emmena<br />

au début du mois d'avril aux studios de Michel Magne (Hérouville) pour y<br />

graver les morceaux du second album. Aujourd'hui, <strong>Magma</strong> est de retour, plus<br />

fort que jamais… Le groupe se compose désormais d'<strong>une</strong> "force rythmique" et<br />

d'un "peloton de cuivres" ; <strong>la</strong> force rythmique comprend K<strong>la</strong>us B<strong>la</strong>squiz<br />

(chant, percussions), François Cahen (piano et piano électrique Fender),<br />

Francis Moze (basse électrique) et Christian Vander (batterie de combat,<br />

percussions, voix); quant au peloton de cuivres, il regroupe Teddy Lasry<br />

(c<strong>la</strong>rinette, saxe, flûte, voix), Jeff Seffer (saxe, c<strong>la</strong>rinette basse), Louis Toesca<br />

(trompette) et Louis Sarkissian (régisseur stratégique). Tous ces gens, ainsi que<br />

Ro<strong>la</strong>nd Hilda (réalisateur plénipotentiaire) et Dominique B<strong>la</strong>nc-Francard<br />

(ingénieur des sons) sont les artisans de cette splendide réussite qu'est <strong>Magma</strong><br />

2. Ce disque marque, chose incroyable, un immense progrès par rapport au<br />

précédent qui était pourtant lui-même un très grand moment musical…<br />

Vander a maintenant réussi <strong>à</strong> dépasser ses deux plus fortes influences,<br />

Stravinsky et Coltrane ; il a su également éviter de refaire l'erreur du premier<br />

album (résumé du déroulement de l'action dans les notes de pochette) : cette<br />

fois-ci, pas de fil conducteur pour le lecteur, mais seulement un poème, au<br />

verso : <strong>la</strong> musique de <strong>Magma</strong> ne se raconte pas… Le sommet de <strong>Magma</strong> 2,<br />

c'est sans aucun doute "Rïah Sahïltaahk" qui occupe <strong>la</strong> totalité de <strong>la</strong> première<br />

face, 21'51" ; composé par Vander, "Rïah Sahïltaahk" est un morceau d'<strong>une</strong>


ichesse phénoménale: il est difficile d'imaginer qu'il soit possible de dire tant<br />

de choses en si peu de temps… Mais Christian Vander se joue du Temps, joue<br />

avec les temps, avec tout ce qui est musique et peut lui permettre d'exprimer <strong>la</strong><br />

violence de ses sentiments : écoutez donc ces tempos hachés, ces rafales des<br />

cuivres ponctués de cris aigus et tranchants comme <strong>la</strong> <strong>la</strong>me du couteau dans <strong>la</strong><br />

chair ; écoutez <strong>la</strong> voix chaude et majestueuse de K<strong>la</strong>us qui sait si bien imiter le<br />

cri des grands oiseaux de nuit ; écoutez aussi <strong>la</strong> finesse des interventions de<br />

François Cahen (au piano électrique, il fait souvent penser <strong>à</strong> Don Preston dans<br />

"King Kong", les cuivres étant eux-mêmes parfois assez proches des Mothers)<br />

et <strong>la</strong> solidité du travail de Francis Moze qui, tel un roc, soutient de sa basse<br />

puissante l'édifice <strong>Magma</strong>. François Cahen et Teddy Lasry se sont partagés <strong>la</strong><br />

face B ; le pianiste a composé "Ki Iahl O Lïahk", le saxophoniste "Iss" Lanseï<br />

Doïa ; ces deux morceaux (le premier surtout) sont certainement, du strict point<br />

de vue de l'écriture musicale, plus soignés que "Rïah Sahïltaahk" mais il leur<br />

manque cependant <strong>une</strong> qualité essentielle sans <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> démarche de <strong>Magma</strong><br />

pourrait se trouver un jour gravement entravée : <strong>la</strong> violence…<br />

Violence que détient Vander ; je ne dis pas que les autres membres n'ont pas<br />

les motivations ; je pense seulement qu'ils ne ressentent pas au même degré<br />

d'intensité ce besoin radical de hurler et de cracher dans lequel Vander est<br />

tellement <strong>à</strong> son aise. <strong>Magma</strong> est, je pense que ses membres le savent très bien,<br />

engagé dans les mécanismes de haine et de violence, SANS POSSIBILITÉS<br />

DE RETOUR : pour vivre, il doit cogner (j'espère aussi que ses membres<br />

savent où et contre qui), vite, très vite et fort, très fort… Si le groupe devait<br />

arriver <strong>à</strong> <strong>la</strong> plénitude sans avoir mené <strong>à</strong> bien le travail qu'il s'est fixé, ce serait<br />

<strong>une</strong> tragédie : Vander, s'il veut continuer <strong>à</strong> créer <strong>une</strong> musique aussi<br />

exceptionnelle, sera obligé de rester un individualiste forcené ; <strong>à</strong> lui de savoir<br />

s'il s'en sent le courage… "La nouvelle innocence, c'est le rêve maléfique<br />

devenant réalité. La subjectivité ne se construit pas sans anéantir ses obstacles ;<br />

elle puise dans l'intermonde <strong>la</strong> violence nécessaire <strong>à</strong> cette fin. La nouvelle<br />

innocence est <strong>la</strong> construction lucide d'un anéantissement" (Raoul Vaneigem.<br />

Traité de savoir-vivre <strong>à</strong> l'usage des je<strong>une</strong>s générations). La plénitude tue plus<br />

vite et plus sûrement que le combat, et l'on souhaite très fort que Christian<br />

Vander reste vivant pour faire (entre autres choses) de superbes albums comme<br />

celui-ci ; on ne le dira jamais assez, <strong>la</strong> musique de <strong>Magma</strong> est<br />

PRIMORDIALE ; on ne le dira jamais assez…<br />

Chronique "<strong>Magma</strong> 2" - Jean-Paul COMMIN - Best n° 36 – Juillet :<br />

MAGMA<br />

"<strong>Magma</strong> 2 - 1001° centigrades"<br />

Chronique et interview de Jean-Paul COMMIN<br />

Best n° 36 - Juillet 1971


Ce mois-ci aucun pugi<strong>la</strong>t n'est venu marquer le choix du disque du<br />

mois. Non pas que <strong>la</strong> qualité des disques soit inférieure, mais tout<br />

simplement <strong>à</strong> cause d'un grand nombre d'albums de valeur, suffisant<br />

pour satisfaire l'appétit démesuré d'<strong>une</strong> équipe de rédacteurs, grands<br />

dévoreurs de cire.<br />

Le " <strong>Magma</strong> 2 " est un très grand disque, mais si j'ai choisi <strong>Magma</strong>,<br />

c'est plus pour l'ensemble des deux disques réalisés que pour le dernier. La<br />

raison en est simple : si vous aimez ce disque (et je ne vois pas comment les<br />

lecteurs de " Best " pourraient ne pas aimer <strong>la</strong> musique de qualité), vous<br />

aimerez tout autant le premier. Une même conception musicale, un même<br />

esprit et <strong>une</strong> même démarche les caractérisant tous deux.<br />

Alors, plutôt que de vous contenter d'un seul L.P., achetez les deux (le premier<br />

était double), votre p<strong>la</strong>isir sera d'autant plus grand. Les mots s'alignent et je<br />

réalise que je n'ai pas encore parlé de ce deuxième album. Tant pis, je vous<br />

<strong>la</strong>isse juger sur pièce, sur cire si vous préférez. Sachez malgré tout que sa<br />

couverture est grise et facilement reconnaissable (voir photo), grâce au " sigle "<br />

très intelligemment trouvé. Le recto vous permettra de vous initier au Kobaïa<br />

par l'intermédiaire du poème " Terre " (Ivah ), rédigé par Christian Vander.<br />

Voil<strong>à</strong> pour <strong>la</strong> couverture, quant au contenu, je vous <strong>la</strong>isse le déguster. Alors,<br />

vite, dé<strong>la</strong>issez " Best " (pour quelques instants seulement), et courez chez votre<br />

disquaire.<br />

"On est toujours l'Hitler de quelqu'un" - Pop Music n° 69 - 22 juillet :<br />

MAGMA<br />

On est toujours l'Hitler de quelqu'un<br />

Par <strong>une</strong> belle soirée de juillet 1971 Don Quichotte enfourcha sa mobylette ailée<br />

pour aller écouter <strong>Magma</strong> qui donnait un concert <strong>à</strong> l'ancienne Cartoucherie de<br />

Vincennes. Il était grand temps pour Don Quichotte de parler avec les<br />

musiciens : plusieurs choses l'avait choqué chez <strong>Magma</strong>. Les petites insignes<br />

que portaient les musiciens sur leur tricot ne lui p<strong>la</strong>isaient pas du tout. François<br />

Cahen (piano) dit : "Ce n'est pas plus drôle qu'un costume de scène des<br />

P<strong>la</strong>tters". Sur <strong>la</strong> pochette du premier album, les musiciens écrasaient les<br />

hommes. L'attitude n'est pas tellement courante : "De toutes façons, les<br />

hommes s'écrasent tout seuls. On avait envie de vivre autrement et, chaque fois<br />

que tu veux vivre autrement, les gens qui ne l'admettent pas t'attaquent. Nous<br />

avons des vues sur Kobaia qui est notre p<strong>la</strong>nète. La terre, qui est <strong>une</strong> p<strong>la</strong>nète<br />

assez stupide, nous attrapera un jour. Elle sera détruite au moment mémo de<br />

son attaque. Histoire symbolique qui reste en suspens..."<br />

Les cris du premier album avaient choqué Don Quichotte. Hitler état encore<br />

trop présent dans les mémoires. Les paroles de Christian Vander (batterie)<br />

chantées en kobaien étaient impossibles <strong>à</strong> comprendre. II ne restait donc plus


que <strong>la</strong> sonorité des mots, et l<strong>à</strong>, le parallèle était évident. Vander le nie<br />

totalement :<br />

"Maintenant, les cris ont disparu parce que je n'éprouve plus le besoin de crier.<br />

Mais bientôt, quand ce<strong>la</strong> sera nécessaire, le recommencerai". Et François<br />

Cahen ajoute : "Un jour ou l'autre, de toute façon, on est toujours l'Hitler de<br />

quelqu'un".<br />

La plupart des groupes pop <strong>fr</strong>ançais chantent en ang<strong>la</strong>is, quelques-uns en<br />

<strong>fr</strong>ançais. <strong>Magma</strong> est le seul <strong>à</strong> avoir inventé un nouveau <strong>la</strong>ngage : le kobaien.<br />

Certains ont dit que cette nouvelle <strong>la</strong>ngue était <strong>une</strong> simple affaire publicitaire.<br />

Sans doute se trompent-ils gravement. Christian Vander a décidé que le<br />

kobaien, c'était son problème : "Je travaille en ce moment <strong>à</strong> un dictionnaire<br />

kobaien. On n'en est qu'au début. Une <strong>la</strong>ngue ne se fait pas en deux ans. Si tu<br />

fais <strong>une</strong> <strong>la</strong>ngue, c'est que celle que tu parles ne te satisfait plus. Et puis, on en<br />

avait assez de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue ang<strong>la</strong>ise. <strong>Magma</strong> n'aurait jamais chanté en ang<strong>la</strong>is".<br />

Don Quichotte avait épuisé l<strong>à</strong> toutes les critiques qu'il pouvait adresser au<br />

groupe. Il fal<strong>la</strong>it bien commencer <strong>à</strong> parler un peu plus en détail de leur<br />

musique. L'audience que possède un groupe est <strong>une</strong> chose très importante. Les<br />

musiciens de <strong>Magma</strong> ne sont pas des pop stars. Ils n'en ont encore ni les<br />

moyens, ni le comportement. Les contrats ne les submergent pas et leurs<br />

disques ne se vendent pas encore <strong>à</strong> des milliers d'exemp<strong>la</strong>ires. Ils sont arrivés<br />

sur le marché de <strong>la</strong> musique avec un double album. Personne n'avait entendu<br />

prononcer le nom de <strong>Magma</strong> : "Le premier truc qu'on ait fait ensemble en tant<br />

que <strong>Magma</strong>, ce<strong>la</strong> s'est fait pratiquement au moment du double album. On<br />

n'avait jamais joué sur scène auparavant. On avait répété six mois en cherchant<br />

les musiciens. Au bout de six mois, les musiciens étaient trouvés. C'est tout.<br />

Des musiciens sont partis, d'autres sont venus. La musique a évolué en<br />

fonction de ces changements. Avant, on écrivait des riffs pour les cuivres, plus<br />

simples, parce que les musiciens ne savaient pas jouer. Maintenant, les cuivres<br />

sont beaucoup plus sérieux et on est libéré. Et puis, il n'y a plus de guitare".<br />

La musique de <strong>Magma</strong> respecte très peu les critères de <strong>la</strong> Pop Music c<strong>la</strong>ssique<br />

(style Rolling Stones) :<br />

"On a essayé d'éliminer tout ce qui ressemb<strong>la</strong>it <strong>à</strong> quelqu'un d'autre. On évite les<br />

clients et ce qui nous semble être des vulgarités. Mais en fait, cette musique<br />

"différente" est venue tout naturellement. On <strong>la</strong> sentait. Avant, je (François<br />

Cahen) composais des thèmes de Jazz. Et puis, un jour, j'ai réalisé que le Jazz<br />

était <strong>une</strong> musique réservée aux Américains. Il faut faire ce que l'on a envie de<br />

faire. <strong>Magma</strong> aura certainement fait quelque chose de bien le jour où des<br />

groupes comme Triangle, Martin Circus, Zoo, qui sont formés de bons<br />

musiciens, cesseront de faire <strong>la</strong> musique des autres. Que chacun fasse sa propre<br />

musique".<br />

On ne peut pas nier l'originalité de <strong>la</strong> musique de <strong>Magma</strong>. Quand Don<br />

Quichotte demanda aux musiciens quelles étaient les sources musicales de<br />

<strong>Magma</strong>, il entendit Christian Vander dire : "Les gens ne comprennent pas autre<br />

chose. On joue notre musique. Ce<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ît ou ce<strong>la</strong> ne p<strong>la</strong>ît pas. II ne faut pas<br />

faire de cinéma. Il ne faut pas dire que ce<strong>la</strong> ressemble <strong>à</strong> ceci ou que ce<strong>la</strong><br />

ressemble <strong>à</strong> ce<strong>la</strong>".


Vander avoua pourtant par <strong>la</strong> suite qu'il appréciait particulièrement Igor<br />

Stravinsky. Son apprentissage auprès de Elvin Jones (batteur de Jazz très<br />

célèbre), il préféra ne pas en parler. Le groupe al<strong>la</strong>it bientôt jouer. François<br />

Cahen ajouta : "A priori, on n'a pas choisi de faire <strong>une</strong> musique commerciale.<br />

D'ailleurs, notre musique est commerciale puisqu'on <strong>la</strong> joue dans des salles où<br />

il y a plein de gens et que ce<strong>la</strong> leur p<strong>la</strong>ît. Commercial ne doit pas avoir de sens<br />

restrictif. Brassens est commercial, c'est très bien. La musique commerciale,<br />

c'est <strong>une</strong> musique popu<strong>la</strong>ire. C'est-<strong>à</strong>-dire qu'elle n'est pas inaccessible aux gens<br />

et qu'elle les touche".<br />

Don Quichotte, qui avait déj<strong>à</strong> vu le groupe sur scène, se demande pourquoi <strong>la</strong><br />

musique donnait l'impression d'être toujours <strong>la</strong> même ; les passages en public,<br />

pensait-il, auraient pu inspirer certaines improvisations. Les musiciens de<br />

<strong>Magma</strong> ne partagent pas cet avis. Ils ont trop travaillé sur leurs morceaux pour<br />

se permettre, par <strong>la</strong> faute d'un musicien, de mettre <strong>à</strong> bas l'édifice construit après<br />

tant de travail : "Ce<strong>la</strong> ne m'ennuie pas du tout de rejouer toujours les mêmes<br />

morceaux. Chaque fois que je les écoute, je les trouve tout <strong>à</strong> fait spontanés. La<br />

musique est très travaillée, mais elle n'est définitive que jusqu'au moment où<br />

un musicien trouve <strong>une</strong> idée <strong>à</strong> rajouter. On en discute, et si l'on accepte, on <strong>la</strong><br />

rajoute". (François Cahen).<br />

Bien peu de choses avaient été dites. On n'avait pratiquement pas parlé de <strong>la</strong><br />

violence qui se dégage des disques de <strong>Magma</strong>.<br />

Teddy Lasry : "Il est grand temps de dire sauve qui peut. On ne veut pas<br />

crever. On ne veut pas être englouti. Dans ce monde, ou bien tu es bouffé, ou<br />

bien tu bouffes."<br />

Don Quichotte avait encore beaucoup de questions <strong>à</strong> poser aux musiciens de<br />

<strong>Magma</strong>. Mais l'heure du concert approchait. Les musiciens allèrent se<br />

ra<strong>fr</strong>aîchir dans un café des environs. Pour Don Quichotte, <strong>la</strong> Pop Music<br />

<strong>fr</strong>ançaise avait grand tort de se priver, en partie, d'<strong>une</strong> telle musique. Il devait<br />

en avoir <strong>la</strong> preuve formelle pendant le concert. Une assistance très respectable<br />

s'était dép<strong>la</strong>cée <strong>à</strong> Vincennes, sans qu'aucun effort particulier n'ait été fourni<br />

pour assurer <strong>la</strong> publicité de ce spectacle ou pour transporter ses éventuels<br />

spectateurs. La musique du groupe fut parfaite, plus parfaite que sur ses<br />

disques, parce que plus vivante. Aucun des musiciens ne fit de démonstration<br />

technique gratuite. La réussite du groupe fut vraiment exceptionnelle ce soir-l<strong>à</strong>.<br />

Le public le comprit bien, qui réserva <strong>à</strong> <strong>Magma</strong> <strong>une</strong> belle salve<br />

d'app<strong>la</strong>udissements. Et puis, il y avait eu cet entracte durant lequel les<br />

spectateurs étaient tous venus sur <strong>la</strong> scène. Les uns demandant des<br />

renseignements <strong>à</strong> propos du kobaien, les autres s'étonnant devant <strong>la</strong> batterie de<br />

Vander... Le public et les musiciens discutaient. Comme Don Quichotte disait<br />

<strong>à</strong> Vander tout le bien qu'il pensait d'un tel comportement, Vander répondit :<br />

"On n'est pas les Rolling Stones"...<br />

Don Quichotte apprécia <strong>la</strong> boutade.<br />

DISCOGRAPHIE.<br />

<strong>Magma</strong> :Philips 6395 001/002<br />

<strong>Magma</strong> 2 : Philips 6397 031


Thierry LEWIN<br />

Pop Music Hebdo Super Hebdo n° 69 - 22 juillet 1971<br />

Gibus Club - Best n° 36 – Juillet:<br />

Gibus Club<br />

(…) le groupe suivant est un des meilleurs que vous actuellement entendre,<br />

alors je vous annone tout de suite qu'il se reproduira les 28, 29 et 30 juin au<br />

Gibus. Il s'agit de <strong>Magma</strong>. Après l'exceptionnelle réussite d'un premier album<br />

double, vous pouvez toujours l'acheter car cette musique ne vieillit pas, le<br />

groupe vient de terminer son deuxième LP, celui-l<strong>à</strong> aussi il vous le faut, et un<br />

simple également nécessaire. Point, mais non pas point final car on n'a pas fini<br />

de parler d'eux. (…)<br />

Jean-Paul COMMIN<br />

Best n° 36 - Juillet 1971<br />

Gibus Club - Best n° 37 – Août:<br />

Gibus Club<br />

Juin aurait pu marquer <strong>une</strong> récession du nombre de spectateurs, <strong>à</strong> cause du<br />

beau temps, de l'approche des vacances et des périodes d'examen. Il n'en a rien<br />

été, au contraire, le Gibus a été plus animé que durant le mois précédent. Une<br />

affiche bien remplie avec <strong>une</strong> assez nette prédominance pour les groupes<br />

<strong>fr</strong>ançais (qui s'en p<strong>la</strong>indrait?), des bœufs nombreux et d'<strong>une</strong> très haute qualité,<br />

c'est ainsi que l'on peut résumer ce mois de juin.


Il serait fastidieux d'énumérer tous les bœufs et de s'étendre sur chacun, malgré<br />

tout il convient de citer quelques noms : Laurent Petit-Gérard (orgue), André<br />

Hervé (orgue), Paul Scemama (guitare), C<strong>la</strong>ude Olmos (guitare), A<strong>la</strong>in C<strong>la</strong>rel<br />

(batterie), Richard Fontaine (guitare basse) et Doudou (batterie). Francis Moze<br />

(guitare basse) et Christian Vander (batterie), tous deux de <strong>Magma</strong>, constituent<br />

<strong>une</strong> des toutes meilleures sections rythmiques que je connaisse (pas seulement<br />

au niveau <strong>fr</strong>ançais, mais au niveau international) : <strong>une</strong> entente parfaite, <strong>une</strong><br />

efficacité <strong>à</strong> toute épreuve, alliées <strong>à</strong> <strong>une</strong> grande richesse d'idées et <strong>à</strong> <strong>une</strong><br />

intelligente subtilité sont, pour moi, leurs caractéristiques importantes. Ils ont<br />

encore eu l'occasion d'en faire profiter les spectateurs du Gibus dans des bœufs<br />

tardifs et passionnants... Je n'aime pas faire trop de compliments, celui-ci vient<br />

de m'échapper, tant pis...<br />

Best n° 37 - Août 1971<br />

Un groupe d'ailleurs - Rock & Folk n° 55 – Août :<br />

Un groupe d'ailleurs<br />

<strong>Magma</strong> et le Smart-Ass Rock'n'roll Critic :<br />

première partie en six tableaux<br />

TEXTE RÊVÉ PAR ADRIEN DANS LA NUIT DU 12 AU 13 JUILLET<br />

1971… et plus particulièrement destiné <strong>à</strong> ceux qui n'ont pas encore compris<br />

que <strong>Magma</strong> était le meilleur groupe de ce système so<strong>la</strong>ire.<br />

1) A tous les rêveurs passés, présents… et <strong>à</strong> venir.<br />

Par <strong>une</strong> lucarne ouvrant sa petite gueule affamée de lumière vers l'immensité<br />

g<strong>la</strong>cée du Ciel, l'aube grisâtre prenait lentement possession de <strong>la</strong> pièce sans<br />

âme dans <strong>la</strong>quelle se terminait un trip qui s'était avéré fort éprouvant pour ses


participants. L'ombre était peu <strong>à</strong> peu délogée de chacun des recoins où elle<br />

s'était imaginée pouvoir se réfugier et <strong>une</strong> fille pleurait de ne plus voir ("<br />

Something is happening here, and you dont know what it is… ") le visage de<br />

celui qui fit fort<strong>une</strong> en gif<strong>la</strong>nt l'Amérique se détacher sur les milliers de<br />

kilomètres de pylônes télégraphiques baignés de rosée.<br />

" Aux fourmis-souvenirs<br />

Qui font parfois <strong>fr</strong>émir<br />

Les murs roses et noirs<br />

Et nus de ma mémoire… "<br />

Le mauvais poète baude<strong>la</strong>irien s'était soudainement arrêté, prenant conscience<br />

que <strong>la</strong> peau b<strong>la</strong>nche et parfumée de <strong>la</strong> femme blonde <strong>à</strong> <strong>la</strong>quelle il dédiait sa<br />

douleur bien ordonnée n'était plus en répit que pour quelques cinquante années<br />

: dans un rire déchiré de sanglots de dégoût, il se jura tout <strong>à</strong> coup, chassant de<br />

son esprit l'image de <strong>la</strong> charogne putréfiée que serait dans cinquante années <strong>la</strong><br />

peau b<strong>la</strong>nche et parfumée de <strong>la</strong> femme blonde (et maintenant presque enterrée)<br />

<strong>à</strong> <strong>la</strong>quelle il avait dédié sa douleur bien ordonnée, de ne plus jamais aimer.<br />

Dans cette pièce où gisaient effondrés quelques grands clowns tristes de<br />

l'underground parisien, un je<strong>une</strong> homme <strong>à</strong> cheveux plus longs que les autres se<br />

morfondait, <strong>la</strong>ssé par <strong>la</strong> sarabande que dansaient autour de lui les pantins et les<br />

putains " psychédéliques "; le Smart-Ass Rock'n'roll Critic (ainsi s'appe<strong>la</strong>it le<br />

je<strong>une</strong> homme <strong>à</strong> cheveux plus longs que les autres) voyait décroître son énergie<br />

qui n'était déj<strong>à</strong> plus que le vain mot qu'utilisent parfois pour se faire remarquer<br />

les <strong>fr</strong>eaks sans imagination ; il évoqua certaines images susceptibles de le<br />

ramener vers <strong>la</strong> pulsion originelle… Les immenses cités de pierre qu'H. P.<br />

Lovecraft avait imaginées au-del<strong>à</strong> de l'Au-Del<strong>à</strong> po<strong>la</strong>ire ; <strong>la</strong> tâche rousse de cet<br />

écureuil trempé de soleil et de pluie le fixant étrangement dans les yeux (et<br />

dans le cœur)l'après-midi d'avril où l'orage avait agressé <strong>la</strong> forêt ; <strong>la</strong> nuit<br />

pendant <strong>la</strong>quelle, lors d'un trip aquatique, le gentil visage de Christelle s'était<br />

rapidement décomposé en <strong>une</strong> abominable outre suintante. Mais rien de tout<br />

ce<strong>la</strong> ne pouvait arriver <strong>à</strong> le libérer de <strong>la</strong> torpeur qui le tenait cloué <strong>à</strong> ce vieux<br />

fauteuil de cuir; il repassa longtemps dans son esprit les instantanés<br />

démoniaques ou merveilleux de ses expéditions vers ce qui avait jadis été<br />

l'Inconnu mais il dut bien se rendre <strong>à</strong> l'évidence qu'il était prisonnier de<br />

l'apathie régnant parmi les ombres censées constituer son entourage… LA<br />

TRAGÉDIE DES SOLITUDES PARALLÈLES, pensa-t-il un instant, en<br />

refusant de caresser le pied qu'avait posé sur l'accoudoir du fauteuil, EleKtric<br />

Pr<strong>une</strong>, <strong>une</strong> fillette de douze ans très, très envahissante ; c'est <strong>à</strong> ce moment qu'il<br />

s'aperçut qu'un sang plus vif battait <strong>à</strong> ses tempes : loin dans sa tête, un rythme<br />

sourd avait pris naissance et s'amplifiait de seconde en seconde… C'était un<br />

roulement sauvage, comme celui d'<strong>une</strong> armée en marche, entrecoupé de rafales<br />

de cuivres cing<strong>la</strong>ntes et de cris haineux éc<strong>la</strong>tant dans un <strong>la</strong>ngage qu'il lui était<br />

impossible de traduire, bien que familier ; les coups heurtés redoub<strong>la</strong>ient<br />

maintenant d'intensité et l'impression fugitive qu'avait éprouvée le je<strong>une</strong><br />

homme aux cheveux plus longs que les autres se changeait rapidement en<br />

certitude : cette violence sans appel, ce ne pouvait être que son ami VANDER,<br />

et ce morceau… RIAH SAIHLTAAHK, <strong>la</strong> plus belle de ses compositions. Le<br />

Smart-Ass Rock'n'Roll Critic quitta sans même s'en apercevoir le vieux<br />

fauteuil de cuir qui chuta mollement sur un grand p<strong>la</strong>teau de <strong>fr</strong>uits tropicaux ;


les visages des gens dont il avait partagé l'intimité lui semblèrent plus<br />

dérisoires encore : <strong>la</strong> petite EleKtric Pr<strong>une</strong> s'était couchée près d'un vieil<br />

opiomane suédois et elle serrait contre son ventre <strong>la</strong> pochette de " Chelsea<br />

Girls "… La violence électrique déj<strong>à</strong> déchirait l'air épais ; le Smart-Ass<br />

Rock'n'Roll Critic se p<strong>la</strong>nta au milieu de <strong>la</strong> pièce et, de <strong>la</strong> musique de<br />

MAGMA plein <strong>la</strong> tête, hur<strong>la</strong> : " ÉTERNITÉ ".<br />

L'opiomane eut un spasme, deux filles déchirèrent le satin noir de leurs<br />

longues robes et, les yeux révulsés, s'en fouettèrent sauvagement ; EleKtric<br />

Pr<strong>une</strong> p<strong>la</strong>ça le venti<strong>la</strong>teur entre ses cuisses et, reins cambrés, tête renversée elle<br />

se mit <strong>à</strong> pleurer doucement, <strong>la</strong> gorge tendue vers le lustre de cristal qui oscil<strong>la</strong>it<br />

déj<strong>à</strong> de manière menaçante au p<strong>la</strong>fond. Le Smart-Ass Rock'n'Roll Critic sortit<br />

définitivement de LEUR trip qu'il avait cassé.<br />

2) Qui n'est l<strong>à</strong> que pour permettre au Smart-Ass Rock'n'Roll Critic de<br />

retrouver son identité (le banal JE)… mais peut-être également considéré<br />

comme un moyen facile d'annoncer le 3).<br />

Lorsque l'air <strong>fr</strong>ais vint caresser son visage, le je<strong>une</strong> homme aux cheveux plus<br />

longs que les autres passa deux doigts distraits sur son cou et, réalisant tout <strong>à</strong><br />

coup qu'il lui serait exquis d'écrire quelques lignes sur MAGMA, décida de<br />

localiser au plus vite sa machine <strong>à</strong> écrire. II y parvint après plusieurs heures<br />

d'un vagabondage in<strong>fr</strong>uctueux qui l'amena jusqu'<strong>à</strong> <strong>la</strong> lourde porte chenue de<br />

son ancestrale demeure, le Smart-Ass Rock'n'Roll Critic's Territory ; il entra<br />

dans le jardin, s'assit au soleil, mangea un pamplemousse et, après avoir chassé<br />

du docile instrument un couple de retraités CGT qui y avaient élu domicile, il<br />

écrivit :<br />

3) (qui devrait être le 1) mais devra pourtant bien se contenter de rester le<br />

3) puisqu'il y a eu avant le 1) et le 2).<br />

Un après-midi du mois de juin 1970, je remontais le boulevard Saint-Germain<br />

en pensant très fort <strong>à</strong> <strong>la</strong> façon dont j'al<strong>la</strong>is pouvoir me rendre <strong>à</strong> Bath assister au<br />

concert de Frank Zappa et de ses nouveaux Mothers lorsque j'aperçus K<strong>la</strong>us<br />

B<strong>la</strong>squiz, chanteur de MAGMA, un groupe dont le premier double album<br />

venait juste de sortir, recueil<strong>la</strong>nt des critiques contradictoires de <strong>la</strong> presse<br />

spécialisée (dont j'étais alors très fier de ne pas faire partie). K<strong>la</strong>us et moi nous<br />

arrêtâmes (ayant certains traits physiques communs, nous nous arrêtons<br />

toujours afin de vérifier si c'est bien <strong>à</strong> l'autre ou <strong>à</strong> soi-même que nous avons<br />

affaire) ; nous nous assîmes et parlâmes de musique ; <strong>la</strong> conversation tourna<br />

rapidement sur MAGMA ; K<strong>la</strong>us me demanda si je connaissais le disque du<br />

groupe et, constatant que je ne l'avais jamais écouté (je n'étais pas encore un<br />

Smart-Ass Rock'n'Roll Critic <strong>à</strong> cette époque), il me proposa de passer chez lui<br />

un soir… Lorsque je me rendis <strong>à</strong> son invitation, ce fut plus <strong>à</strong> <strong>une</strong> initiation qu'<strong>à</strong><br />

<strong>une</strong> écoute de disque que je participai : K<strong>la</strong>us entreprit de m'expliquer<br />

méticuleusement les différentes phases du voyage vers Kobaïa, les sentiments<br />

éprouvés par les hommes <strong>à</strong> leur arrivée sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète, les réactions des<br />

occupants de ce sol, les sensations de joie et de terreur ; il me par<strong>la</strong><br />

<strong>fr</strong>équemment de VANDER, de C<strong>la</strong>ude Engel aussi et je revins plusieurs fois<br />

rue Jacob pour y discuter de MAGMA…


4) La rencontre avec VANDER.<br />

A l'automne dernier, MAGMA donna un concert <strong>à</strong> l'Olympia ; il y avait peu de<br />

monde ce jour-l<strong>à</strong> dans <strong>la</strong> salle ; je me trouvais en coulisses et je vis arriver<br />

VANDER, dur et solitaire dans son grand manteau de cuir noir, serrant <strong>à</strong><br />

l'occasion <strong>une</strong> main qui lui était tendue, souriant avec <strong>la</strong> bouche mais ne<br />

cessant jamais de fixer de son regard c<strong>la</strong>ir et incisif les gens qui l'approchaient.<br />

Un homme sur <strong>la</strong> défensive, pensai-je en le voyant passer. Quelques semaines<br />

plus tard, un ami s'occupant d'un café-théâtre me proposa d'organiser des<br />

soirées pendant lesquelles j'inviterais <strong>une</strong> personnalité musicale de mon choix<br />

<strong>à</strong> venir se faire interviewer en public. L'image de VANDER traversant les<br />

coulisses de l'Olympia me revint aussitôt <strong>à</strong> l'esprit et j'acceptai cette of<strong>fr</strong>e,<br />

décidant de faire du leader de MAGMA le premier sujet de mes entretiens…<br />

Entrer en contact avec lui ne fut pas aussi difficile que je l'avais escompté ;<br />

après quelques coups de téléphone in<strong>fr</strong>uctueux, j'arrivai <strong>à</strong> le joindre un matin et<br />

lui exposai ce que j'attendais de lui : <strong>à</strong> ma grande surprise, il accepta et un<br />

rendez-vous fut pris pour que nous puissions nous rencontrer avant <strong>la</strong> soirée<br />

proprement dite…<br />

Chez lui, le dimanche matin, il ne fut pas très loquace : je le devinai tout<br />

d'abord tendu, puis, vers <strong>la</strong> fin de notre entrevue, je sentis qu'il abaissait un peu<br />

ses défenses ; cependant, quand je le quittai il me dévisagea du même air<br />

g<strong>la</strong>cial que quand j'étais entré, <strong>une</strong> heure plus tôt… Le surlendemain, c'était<br />

l'interview au café-théâtre ; <strong>à</strong> 8 h 45, VANDER entra, vêtu du grand manteau<br />

de cuir noir et, sans regarder personne, se dirigea vers moi ; <strong>la</strong> salle s'emplissait<br />

doucement et je lui proposai de boire quelque chose : il accepta mais ne trempa<br />

pas ses lèvres dans le verre que je lui avais offert ; par contre il me demanda de<br />

l'accompagner chercher des cigarettes et, quand nous eûmes trouvé un bar<br />

ouvert, s'informa de ce que je vou<strong>la</strong>is prendre, m'expliquant par <strong>la</strong> même<br />

occasion qu'il se méfiait des boissons qu'on lui of<strong>fr</strong>ait l<strong>à</strong> où il était invité.<br />

VANDER, ce soir-l<strong>à</strong>, m'étonna beaucoup. Il se livra quasi totalement,<br />

résumant les circonstances parfois intimes dans lesquelles il en avait été amené<br />

<strong>à</strong> adopter certaines positions vis-<strong>à</strong>-vis des re<strong>la</strong>tions humaines ; il par<strong>la</strong> du<br />

travail qu'il avait entrepris en vue de perfectionner le kobaïen, s'instal<strong>la</strong> au<br />

piano afin de mieux faire comprendre les explications strictement musicales.<br />

VANDER fut tour <strong>à</strong> tour attentif, ironique, provocateur, détaché selon que le<br />

public était sincère avec lui et que Francis Moze, le bassiste de MAGMA<br />

également présent, se chargeait de répondre ou non. Certains trouvèrent que<br />

VANDER était suffisant et prétentieux, d'autres furent touchés par celui qu'ils<br />

considéraient comme un idéaliste. Personne de toute manière ne resta<br />

indifférent… Quelques temps après, VANDER et moi eûmes nos problèmes<br />

respectifs <strong>à</strong> régler et nous nous perdîmes de vue jusqu'au début du mois de<br />

juillet.<br />

5) L'interview de MAGMA.<br />

Le jeudi 8 juillet <strong>à</strong> 15 h, le soleil écrasait Paris et je descendais les marches du<br />

Gibus afin de retrouver les membres de MAGMA avec lesquels j'avais rendezvous<br />

; le Gibus, c'était leur dernier engagement jusqu'au… 11 septembre, ce<br />

qui prouve que les propriétaires de clubs capables de reconnaître un bon<br />

groupe ne sont pas légion.


Tout d'abord, pourriez-vous nous faire un rapide résumé des raisons pour<br />

lesquelles est né MAGMA ?<br />

Francis Moze : C'est très simple. En 1969, nous avons fait, Christian<br />

(VANDER) et moi, <strong>une</strong> tournée en Italie ; <strong>à</strong> notre retour nous avons ressenti un<br />

besoin pressant de faire quelque chose de personnel.<br />

VANDER : cette tournée se passait dans des boîtes <strong>à</strong> champagne où les<br />

minettes sont plus intéressées par les chaussures du bassiste que par <strong>la</strong><br />

musique.<br />

Comment s'est opérée <strong>la</strong> sélection des musiciens?<br />

Teddy Lasry : en partie grâce <strong>à</strong> des rencontres d'amis, des conversations.<br />

Que devient Uniweria Zekt?<br />

VANDER : Uniweria Zekt. D'abord ce n'est pas un hasard si on l'a appelée<br />

Uniweria Zekt et non pas Internationa Zekt. C'est <strong>une</strong> organisation fondée pour<br />

aider <strong>à</strong> l'épanouissement et <strong>à</strong> <strong>la</strong> propagation de créations de qualité, que ce soit<br />

dans des domaines artistiques musicaux, cinématographiques, picturaux ou<br />

bien scientifiques, voire même philosophiques. Le handicap aujourd'hui, c'est<br />

que nous n'avons pas d'argent…<br />

François Cahen : mais <strong>la</strong> Secte de toute manière existe déj<strong>à</strong> <strong>à</strong> notre niveau…<br />

MAGMA, c'est <strong>la</strong> Secte.<br />

Quelles sont les raisons pour lesquelles Richard Rault, C<strong>la</strong>ude Engel et<br />

Paco Charlery sont partis?<br />

François Cahen : peut-être vaudrait-il mieux le leur demander ?<br />

Teddy Lasry : en ce qui concerne Richard, je crois que c'était purement<br />

esthétique. Pour Paco, c'est différent : il ne travail<strong>la</strong>it visiblement pas assez son<br />

instrument ; chez MAGMA, on ne peut pas se contenter de donner l'impression<br />

; de plus il prenait comme des implications raciales le fait qu'on lui fasse<br />

remarquer qu'il arrivait en retard…<br />

Francis Moze : pour C<strong>la</strong>ude, je pense qu'il y avait un problème d'emploi, il<br />

sentait peut-être qu'il ne pouvait pas tellement s'exprimer au sein de<br />

MAGMA… Et puis il a eu d'autres propositions… les sessions… il fal<strong>la</strong>it qu'il<br />

ait les mains libres. J'ai entendu dire qu'il préparait son premier album solo ;<br />

ce<strong>la</strong> sera certainement intéressant…<br />

Avez-vous eu des problèmes pour recruter de nouveaux musiciens?<br />

VANDER : Non, aucun.<br />

Et leur arrivée n'a-t-elle pas créé <strong>une</strong> certaine perte d'identité, <strong>une</strong> sorte<br />

d'affaiblissement de l'image du groupe ?<br />

François Cahen : non, ils se sont très bien adaptés et on est vraiment heureux<br />

de les avoir avec nous…<br />

Teddy Lasry : de toute façon, des musiciens, il en passera encore chez<br />

MAGMA.<br />

Quels sont vos projets immédiats?<br />

François Cahen : repos forcé jusqu'en septembre car nous n'avons aucun<br />

engagement d'ici l<strong>à</strong>.<br />

VANDER : nous allons enregistrer chacun un album en solo, plus commercial,


pour Barc<strong>la</strong>y ; nous travaillerons avec Laurent Thibault ; nous<br />

enregistrons pendant <strong>la</strong> première semaine d'août <strong>à</strong> Hérouville.<br />

Avez-vous quelque chose <strong>à</strong> ajouter?<br />

VANDER : oui. J'aime tout le monde. Et plus particulièrement le<br />

nommé Gilbert Rovère, qui joue chez Martial So<strong>la</strong>l et s'est permis un<br />

jour de juger Coltrane.<br />

Ainsi par<strong>la</strong>it VANDER, le musicien le plus violent de sa génération.<br />

6) Le Smart-Ass Rock'n'Roll Critic reposa sa plume dans l'encrier et,<br />

tandis que <strong>la</strong> cendre de sa cigarette vo<strong>la</strong>it sans hâte vers le cendrier vieux<br />

de trois siècles, <strong>la</strong> demie d'<strong>une</strong> heure qu'il ne connaissait pas sonna au<br />

bef<strong>fr</strong>oi… (<strong>à</strong> suivre).<br />

Yves ADRIEN<br />

Rock & Folk n° 55 - Août 1971<br />

<strong>Magma</strong> : un bloc de g<strong>la</strong>ce chaleureux - Salut les Copains n° 109 – Septembre :<br />

<strong>Magma</strong> : un bloc de g<strong>la</strong>ce chaleureux...<br />

Après un an d'existence, <strong>Magma</strong> s'est fait un nom et l'on serait tenté de dire<br />

que l'ascension de ce groupe a été très rapide. Une je<strong>une</strong> carrière marquée déj<strong>à</strong><br />

par un "Musicorama", un double album, un album simple et deux 45 tours<br />

pourrait faire rêver bon nombre de musiciens. Hé<strong>la</strong>s ! La musique de <strong>Magma</strong><br />

n'est pas encore appréciée de tous. Elle est comme un <strong>fr</strong>uit amer que l'on se<br />

met <strong>à</strong> savourer du jour au lendemain sans raison apparente. Aussi François<br />

Cohen, C<strong>la</strong>ude B<strong>la</strong>squiz, Francis Moge, Teddy Lasry, Louis Toesca, Jeff<br />

Saffer et Christian Vonder, membres d'un <strong>Magma</strong> homogène, ont-ils pris <strong>la</strong><br />

décision d'oeuvrer <strong>à</strong> <strong>une</strong> musique plus popu<strong>la</strong>ire (au bon sens du terme !). Ce<br />

groupe se distingue de toutes les formations du monde car il s'exprime dans<br />

<strong>une</strong> nouvelle <strong>la</strong>ngue qu'il a lui-même créée : le kobaïen. Giorgio Gomeslky, le<br />

célèbre manager britannique, s'intéresse <strong>à</strong> leur avenir et leur propose <strong>une</strong><br />

promotion internationale... Pour <strong>la</strong> France, <strong>Magma</strong> envisage d'enregistrer un 33<br />

tours avec Charles Aznavour. Et puis... les rumeurs du show-business <strong>la</strong>issent<br />

entendre que Johnny Hallyday apprécierait beaucoup <strong>la</strong> présence de <strong>Magma</strong><br />

sur <strong>la</strong> scène du Pa<strong>la</strong>is des Sports. Pourquoi pas ? Le bain de foule lui ferait du<br />

bien.


Salut les Copains n° 109 - Septembre 1971<br />

<strong>Magma</strong> "On ne joue pas pour s'amuser" - Actuel n° 12 – Septembre :<br />

MAGMA<br />

"On ne joue pas pour s'amuser"<br />

Que faire de <strong>Magma</strong> ? En deux ans d'existence, deux albums et un nombre de<br />

concerts qu'il aurait aimé plus important, le groupe s'impose <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois comme le<br />

plus grand espoir du rock <strong>fr</strong>ançais et comme sa plus grande épine au pied. Tout<br />

le monde s'incline devant <strong>la</strong> musique. Mais <strong>Magma</strong> dérange, bouscule,<br />

inquiète. L'originalité obstinée et dédaigneuse de <strong>Magma</strong> fait grincer les dents.<br />

La scène pop <strong>fr</strong>ançaise, qui somno<strong>la</strong>it doucement, ne s'en est pas encore<br />

remise. La presse pop oscille entré le dithyrambe et <strong>la</strong> diffamation. Le plus<br />

souvent les "spécialistes" gardent respectueusement leurs distances.<br />

Si les conformistes n'aiment pas Vander, Vander le leur rend bien : "Je suis<br />

revenu d'Italie, où je jouais du rhythm'n'blues. Il n'y avait pas de musique l<strong>à</strong>bas.<br />

En France je croyais trouver des musiciens. J'al<strong>la</strong>is dans les clubs. Les<br />

musiciens étaient des petits minets, qui buvaient un ballon de Beaujo<strong>la</strong>is puis<br />

disaient : "Tiens, si, on al<strong>la</strong>it jouer un peu pour s'amuser." Ensuite, ils par<strong>la</strong>ient<br />

de n'importe quoi sauf de musique, de steak-<strong>fr</strong>ites et de vin rouge. J'étais<br />

déprimé. J'avais envie d'entrer et de crier que je n'étais pas comme eux. Je<br />

vou<strong>la</strong>is jouer <strong>une</strong> musique qui soit <strong>une</strong> c<strong>la</strong>que, qui réveille - parce qu'ils<br />

dormaient tous, ils restaient l<strong>à</strong> <strong>à</strong> tortiller du cul sur <strong>la</strong> piste de danse, mais<br />

personne ne bougeait. A l'époque, on jouait Kobaïa, et c'était l'agression, <strong>la</strong><br />

haine. On leur montrait qu'il y avait autre chose, des gens qui ne vivaient que<br />

pour <strong>la</strong> musique. Je prenais un pied monstrueux <strong>à</strong> rentrer au Circus, <strong>à</strong> jouer<br />

puis <strong>à</strong> ,sortir sans adresser <strong>la</strong> parole <strong>à</strong> personne."<br />

Vander prend son temps. Les musiciens se succèdent dans le groupe en<br />

gestation, certains ne restent pas plus d'<strong>une</strong> après-midi. Les répétitions qui<br />

mèneront au premier double album durent un an. <strong>Magma</strong> présente aux maisons<br />

de disques un produit fini, extrêmement é<strong>la</strong>boré. Après quelques enchères au<br />

pourcentage, Philips l'emporte, en of<strong>fr</strong>ant douze pour cent sur les ventes des<br />

disques. Une autre marque propose même trop tard quinze pour cent. Entre le<br />

premier et le second album, le groupe continue <strong>à</strong> se transformer. Le guitariste<br />

C<strong>la</strong>ude Engel quitte le groupe, bientôt suivi de Paco Charlery. La presse pop<br />

titre hâtivement : "<strong>Magma</strong> se dissout", et plus d'un pousse un soupir de<br />

sou<strong>la</strong>gement. Sept musiciens, venus d'horizons différents (rock, jazz, musique<br />

c<strong>la</strong>ssique) forment <strong>la</strong> "force rythmique" et le "peloton de cuivres" du second<br />

album.<br />

La formation, n'est pas définitive : les nouveaux morceaux nécessiteront des<br />

musiciens supplémentaires, notamment pour les percussions. Vander refuse de<br />

se déc<strong>la</strong>rer satisfait. Il fixe déj<strong>à</strong> des yeux <strong>la</strong> prochaine étape.<br />

"La musique a évolué. Au début, c'était l'agression. Ensuite, on a arrangé,<br />

raffiné. Kobaïa, aujourd'hui, est <strong>une</strong> chansonnette. A l'époque, <strong>la</strong> musique était


plus improvisée ; je n'avais pas de local pour travailler, je vivais un jour chez<br />

l'un, un jour chez l'autre. Quand j'ai connu ma femme, j'ai eu un piano pour<br />

travailler dix heures par jour. Depuis, je n'arrête pas. Je ne sors pas un thème<br />

pour sortir un thème, c'est idiot."<br />

Christian Vander tranche, d'<strong>une</strong> voix catégorique. Il sait ce qu'il veut. Il a <strong>une</strong><br />

grande gueule, qui lui cause parfois du tort. On dit de lui qu'il est "prétentieux"<br />

- parce qu'il ne dit pas bonjour <strong>à</strong> tout le monde.<br />

"C'est idiot! Quand je n'ai pas envie de parler je me tais. De plus, je n'ai pas <strong>la</strong><br />

mémoire des visages. Et puis quand je pense que quelque chose est de <strong>la</strong><br />

merde, je le dis." Mais il y a pire : on parle de fanatisme. Et même, on<br />

chuchote, on murmure, on raconte, on s'interroge… fascisme! Le mot est<br />

<strong>la</strong>ncé, et <strong>la</strong> légende se diffuse. "Ça me fait bien rigoler!" proc<strong>la</strong>me Vander.<br />

K<strong>la</strong>us B<strong>la</strong>squiz, le chanteur, se sent moins <strong>à</strong> l'aise : "Il faut dire qu'il y a eu des<br />

équivoques, au début…" Quelques images font naître peu <strong>à</strong> peu <strong>une</strong><br />

atmosphère ambiguë. Vander, en grand manteau de cuir noir, l'air sombre,<br />

assis sans rien dire <strong>à</strong> <strong>une</strong> table du Circus, fait office de symbole et de<br />

repoussoir. L'emblème de <strong>Magma</strong> (stylisée, <strong>une</strong> sorte de serre d'oiseau de<br />

proie) qu'ils portent d'abord en pendentif, puis sur leurs T-shirts et leurs sacs,<br />

passe pour un uniforme. Les discours en borborygmes exacerbés dont Vander<br />

s'est fait le spécialiste prennent figure de discours nazi.<br />

<strong>Magma</strong> s'est-il <strong>la</strong>issé prendre <strong>à</strong> son propre piège ? Vander confesse : "Je<br />

vou<strong>la</strong>is créer un climat, quelque chose d'assez mystérieux. Il fal<strong>la</strong>it qu'on sente<br />

que <strong>Magma</strong> n'était pas n'importe quoi, ne respirait pas le steak-<strong>fr</strong>ites. Mais<br />

j'aurais voulu un autre genre de mystère !" Le phénomène ne se limite pas aux<br />

réticences de quelques personnes en p<strong>la</strong>ce. Plus d'un amateur de pop recule<br />

encore. <strong>Magma</strong> fait peur et les âmes sensibles "flippent" <strong>à</strong> sa musique.<br />

Christian Vander n'est sans doute pas tout <strong>à</strong> fait mécontent : "Je ne cherche pas<br />

<strong>à</strong> faire peur. Les gens qui se méfient de <strong>Magma</strong> sont des gens qui ne se sentent<br />

pas bien dans leur peau. Les gens qui vivent vraiment n'ont pas peur : ils se<br />

sentent bien, ils comprennent. Ils sont heureux, sainement, ils ne se posent pas<br />

de questions." <strong>Magma</strong> ne ménage personne. K<strong>la</strong>us proc<strong>la</strong>me : "Nous sommes<br />

gauchistes de cœur et anarchistes de fait", mais il ajoute très vite : "Nous ne<br />

sommes pas pour le militantisme. Ce n'est pas par le scoutisme qu'on arrive <strong>à</strong><br />

<strong>une</strong> prise de conscience." Le groupe ne s'identifie pas plus avec <strong>la</strong> culture pop.<br />

Les musiciens ne vivent pas en communauté, et ne portent pas de vêtements<br />

<strong>fr</strong>eaky. La plupart sont mariés et vivent dans leur appartement Christian<br />

Vander aime <strong>la</strong> pêche <strong>à</strong> <strong>la</strong> ligne. "J'ai horreur de tout ce <strong>la</strong>ngage pop… toutes<br />

ces expressions américanisées, tout ce qui est anti-naturel. Je suis pour <strong>la</strong> vie.<br />

Tu peux avoir des cheveux longs, des idées monstrueuses, et être très sain. Ce<br />

n'est pas parce que tu me parles trip et flip que tu es un mec dément."<br />

Inutile de chercher <strong>une</strong> "idéologie <strong>Magma</strong>" : il n'y a qu'<strong>une</strong> musique et<br />

quelques sentiments presque <strong>fr</strong>ustes : <strong>la</strong> colère, <strong>la</strong> joie, <strong>la</strong> tristesse, <strong>la</strong> paix. Le<br />

rock, en affinant ses techniques, en hui<strong>la</strong>nt les rouages de sa section rythmique<br />

jusqu'<strong>à</strong> un équilibre doucement euphorique, a perdu de vue <strong>la</strong> puissance des<br />

sentiments. <strong>Magma</strong> s'ouvre <strong>la</strong>rgement au choc physique, <strong>à</strong> <strong>la</strong> rupture, aux<br />

éc<strong>la</strong>ts, bref <strong>à</strong> <strong>la</strong> démesure. La musique est dure, compacte et sombre comme un


loc de basalte. L'alternance des temps calmes et des rythmes furieux crée <strong>une</strong><br />

tension qui rebondit tout au longs de morceaux sinueux. La vieille rythmique<br />

binaire du rock a complètement explosé, tout comme les structures coupletre<strong>fr</strong>ain-couplet<br />

ou thème-chorus-thème. Ces phrases qui se heurtent et se<br />

recouvrent appartiennent <strong>à</strong> <strong>une</strong> architecture complexe qui ne se déploie<br />

qu'après plusieurs écoutes. Pour ses rythmes dissidents, <strong>Magma</strong> invente des<br />

sons nouveaux, "inouïs" au sens propre. K<strong>la</strong>us gonfle <strong>la</strong> voix dans des registres<br />

bizarrement solennels, et se meut avec agilité dans les borborygmes caverneux,<br />

pour lesquels il roule admirablement les r. Il exploite aussi les possibilités de <strong>la</strong><br />

chambre d'écho et de <strong>la</strong> stéréophonie - d'<strong>une</strong> manière que les disques n'ont pas<br />

encore présentée. Les arrangements pour cuivre utilisent toutes les<br />

dissonances. Vander <strong>fr</strong>appe sur sa batterie - <strong>une</strong> petite Asba métallique aux fûts<br />

exceptionnellement minces avec <strong>une</strong> exultation presque sauvage, en<br />

découvrant toutes ses dents, le corps propulsé en avant, et chaque coup sonne<br />

comme <strong>une</strong> brève explosion.<br />

La scène convient mieux que le disque <strong>à</strong> <strong>la</strong> musique de <strong>Magma</strong>. Visuellement,<br />

l'aspect des sept musiciens immobiles et vêtus de noir introduit <strong>une</strong> atmosphère<br />

intense, quelque peu anxieuse. Le volume sonore et spatial d'<strong>une</strong> grande salle<br />

de concert, ou d'arènes en plein-air, enfle et approfondit tous les effets.<br />

Juillet 1971 : <strong>Magma</strong> n'a pas de contrat pendant l'été. Pour l'instant, le groupe<br />

n'est <strong>une</strong> réussite ni financière ni internationale. Teddy Lasry déc<strong>la</strong>re : "Nous<br />

ne toucherons jamais des millions de gens. Ou si nous les touchons un jour,<br />

c'est qu'il y aura quelque chose qui n'ira pas." Vander proteste : "Absolument<br />

pas. Il suffit de croire en ce que nous faisons." Le succès de snobisme les guet<br />

te, mais cette perspective ne le démonte pas : "J'expliquerai au public les<br />

raisons pour lesquelles il doit aimer <strong>Magma</strong>. Je lui dirai que sinon, c'est du<br />

cinéma." On criera encore <strong>à</strong> <strong>la</strong> prétention. Mais <strong>la</strong> prétention leur a donné <strong>la</strong><br />

force de tenir pendant les premiers mois, elle les pousse <strong>à</strong> explorer plus loin<br />

aujourd'hui. Vander n'est pas près de renoncer <strong>à</strong> sa musique, pas plus qu'<strong>à</strong> ses<br />

humeurs.<br />

Jean-Pierre Lentin<br />

ACTUEL n° 12 - Septembre 1971<br />

Vander Power / 2 - Rock & Folk n° 56 – Septembre :<br />

VANDER POWER / 2<br />

En <strong>une</strong> deuxième partie, un portrait plus précis de Christian Vander, batteur et<br />

leader de <strong>Magma</strong>, le " groupe d'ailleurs ".


Le soleil tombait, comme <strong>à</strong> regret, entraînant dans sa chute quelques rayons<br />

attardés qui s'ingéniaient <strong>à</strong> trouer le rideau dense de <strong>la</strong> forêt. Le ciel, lourd et<br />

mauvais, semb<strong>la</strong>it mépriser les demeures terriennes aux toits de tuiles rouges,<br />

tandis que les hommes se hâtaient <strong>à</strong> travers champs vers leurs dérisoires<br />

habitations, pressés de mettre un mur entre leur corps et cet orage qui<br />

s'approchait en grondant sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine… Une fois encore <strong>la</strong> foudre al<strong>la</strong>it<br />

dépouiller les grands arbres de leur écorce et les arracher de ce sol gras d'où ils<br />

tiraient leur force tranquille, les jetant irrespectueusement en travers des routes<br />

grises et trempées. Toute <strong>la</strong> nuit durant, de grands arbres al<strong>la</strong>ient mourir,<br />

couchés dans l'eau, leur agonie parfois traversée par <strong>la</strong> lueur des phares d'<strong>une</strong><br />

voiture dont le conducteur, après maintes imprécations, devrait rebrousser<br />

chemin… Demain, des âmes simples évoqueraient le passage du diable en<br />

découvrant les blés ravagés par le vent. Demain des couples s'éveilleraient,<br />

heureux de pousser le bois de leurs volets contre <strong>la</strong> pierre de leurs murs.<br />

Demain des enfants insouciants jetteraient des petits cailloux noirs vers le ciel<br />

et enjamberaient les arbres morts en riant. " Demain ", pensait le Smart-Ass<br />

Rock'n'Roll Critic, suivant <strong>la</strong> progression de l'orage au travers des vitres<br />

peintes qui séparent son Territory du reste du monde… L'idée d'un lendemain<br />

ne semb<strong>la</strong>it pas, <strong>à</strong> ce moment, devoir le passionner outre-mesure ; il souleva<br />

<strong>une</strong> fois encore le couvercle de <strong>la</strong> tabatière de corail où étaient habituellement<br />

déposés les bonbons synthétiques qui lui permettaient de dépasser les réalités<br />

terriennes lorsque celles-ci devenaient trop prévisibles, mais il dut se rendre <strong>à</strong><br />

l'évidence : elle était vide. II regarda Christelle, perdue dans un autre rêve, qui<br />

brodait <strong>à</strong> <strong>la</strong> lumière de <strong>la</strong> vieille <strong>la</strong>mpe <strong>à</strong> pétrole. II s'en vou<strong>la</strong>it, tout <strong>à</strong> coup,<br />

d'avoir commis <strong>la</strong> négligence de ne pas regarnir <strong>la</strong> tabatière ; il s'en vou<strong>la</strong>it de<br />

rester cloué devant <strong>la</strong> fenêtre peinte qui, lorsqu'un éc<strong>la</strong>ir déchirait le ciel, faisait<br />

passer son visage du vert bronze au mauve en lui donnant successivement<br />

toutes les teintes des pastels célestes... " Que d'énergie perdue ", avait-il pensé<br />

lorsque son corps était devenu tout électrique, juste après le premier <strong>fr</strong>acas du<br />

tonnerre ; cette fois-ci, il ne pourrait pas emprisonner l'énergie que <strong>la</strong> nuit<br />

of<strong>fr</strong>ait, comme pour le narguer, en de longs éc<strong>la</strong>irs b<strong>la</strong>ncs qui se découpaient<br />

nettement sur les murs gris du vil<strong>la</strong>ge. Le Smart-Ass Rock'n'roll Critic sentit


qu'il al<strong>la</strong>it lui falloir avoir recours <strong>à</strong> <strong>une</strong> autre p<strong>la</strong>nète, <strong>la</strong> Terre s'avérant <strong>une</strong><br />

fois encore trop petite… C'est, naturellement, KOBAIA qu'il choisit, comme il<br />

le faisait toujours depuis ce soir d'automne où il avait entendu, dans le vent qui<br />

hur<strong>la</strong>it sur <strong>la</strong> ville, les mots suivants : " Dewa trïwen ëk straïn da fennh dro<br />

zanka - Dusz wurdah dusz hamtaï… ". Le Smart-Ass Rock'n'Roll Critic se<br />

dirigea vers son secrétaire, ouvrit un des tiroirs et en tira <strong>une</strong> pile de feuillets<br />

dont un était couvert d'<strong>une</strong> écriture qui n'était pas <strong>la</strong> sienne, mais celle de son<br />

ami VANDER ; sur ce dernier feuillet on pouvait lire des noms comme<br />

Görutsz Komputëhr Kommandeuhr (K<strong>la</strong>us - Zaszpiak), Mekanïk Destruktïw<br />

Köhntarkösz Kommandeuhr (René Garber -Töht Würdah), et Mekanïk<br />

Extermïnatïw Zërëbrahl Kommandeuhr (Christian Vander - Teiusz Bïngöh<br />

/Würdah G<strong>la</strong>ö…). Le Smart-Ass Rock'n'Roll Critic sut que le moment était<br />

venu de conclure l'article sur MAGMA dont ROCK & FOLK avait publié <strong>la</strong><br />

première partie quelques semaines plus tôt. II prit sa plume et écrivit…<br />

La nuit du 8 au 9 juillet 1970<br />

Cette nuit-l<strong>à</strong>, Christian VANDER rêva un poème. Le voici…<br />

" TERRE<br />

Mange ton cœur, bois ton sang, brûle ton âme<br />

Arbre flétri que déchirent les <strong>la</strong>mes du soleil<br />

La hargne est <strong>la</strong> fort<strong>une</strong> de ton cerveau débile aux abois<br />

Que broie le pilier de ton sein<br />

Fumet assoiffé d'hérédité qu'ébauche le spectre de tes violences<br />

Tu fus ce brasier imaginaire dépourvu de passion<br />

Qui se forgea son crématoire<br />

Bruit silence, bruit silence<br />

Le temps a passé<br />

Bruit silence, bruit silence<br />

Son flot de vagues se déverse in<strong>la</strong>ssablement<br />

II inonde l'univers, imperturbable<br />

Tandis que <strong>la</strong> sève de ta pauvre vie<br />

Perle péniblement sur ton écorce avive<br />

Bruit silence, bruit silence<br />

Ta vie s'étire et le temps passe<br />

Les dernières gouttes de ta sueur<br />

Fruit de ton angoisse constante, s'échappent de tes racines<br />

Ta mort te salue<br />

Bruit silence, bruit repos<br />

Que tu n'attendais pas<br />

Ton échine hurle sa convulsion<br />

Son cri se perd dans l'océan du temps<br />

Tu éc<strong>la</strong>tes sans un son<br />

Pourquoi ne parlez-vous pas, cendres<br />

Dans l'apocalypse de cette nuit interminable<br />

Où vous sombrez <strong>à</strong> jamais?<br />

Flots du temps, flots du temps<br />

Ne pardonnez pas<br />

Vengez ces âmes pures aux veines translucides<br />

Qui ne demandaient qu'<strong>à</strong> respirer<br />

Tes parfums trompeurs de haine et d'hypocrisie


Terre, purge ce premier néant !<br />

L'air du temps comme ton sort<br />

Est prisonnier du cycle infini de <strong>la</strong> vie<br />

Je compatis, je compatis<br />

" AMEN "…<br />

Christian VANDER.<br />

La nuit du 8 au 9 juillet 1971<br />

Je me trouvais au Gibus. J'étais venu écouter MAGMA dont c'était le dernier<br />

engagement jusqu'<strong>à</strong> <strong>la</strong> mi-septembre. L'après-midi, j'avais prévu <strong>une</strong> interview<br />

et nous nous étions livrés sans enthousiasme <strong>à</strong> l'habituel jeu des questions et<br />

des réponses ; je regardais de temps <strong>à</strong> autre VANDER qui restait silencieux,<br />

comme s'il était désireux de ne pas contredire les autres membres du groupe,<br />

de ne pas s'interférer entre eux et moi… Ayant noté, dans ma chronique de<br />

MAGMA 2, qu'il manquait aux compositions de François Cohen et Teddy<br />

Lasry " <strong>une</strong> qualité (<strong>la</strong> violence) essentielle sans <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> démarche de<br />

MAGMA pourrait se trouver un jour gravement entravée " , je m'entretins avec<br />

eux de cette question et ils me déc<strong>la</strong>rèrent que " leur " violence supposait <strong>une</strong><br />

certaine é<strong>la</strong>boration, contrairement <strong>à</strong> "celle " de VANDER. La conversation "<br />

n'éc<strong>la</strong>ta pas " : il manquait <strong>une</strong> sorte d'ivresse et nos propos restèrent assez<br />

anodins ; <strong>à</strong> <strong>la</strong> fin de l'interview cependant, VANDER m'avoua, quand nous<br />

fûmes seuls, qu'il y avait beaucoup de points très importants sur lesquels il<br />

avait préféré se taire et que nous aurions <strong>à</strong> en discuter ensemble dans un proche<br />

avenir…<br />

Le soir, MAGMA était sur scène. Le premier passage du groupe fut assez<br />

difficile, du fait de <strong>la</strong> chaleur qui régnait ; <strong>la</strong> télévision tournait et les<br />

projecteurs braqués sur VANDER n'arrangeaient en rien sa nervosité : il devait<br />

d'ailleurs plus tard me confier combien il lui avait été pénible de jouer dans ces<br />

conditions… Et puis ce fut le second passage, magistralement dirigé par<br />

VANDER ; il m'avait dit pendant l'après-midi : " II faut que tu restes ce soir, tu<br />

verras, on joue le nouvel album… " ; je suis resté et j'ai pu ainsi constater <strong>à</strong><br />

quel point le leader de MAGMA vivait plus intensément SA musique que celle<br />

de François Cahen et Teddy Lasry. II fut, pour " Iss <strong>la</strong>nseï doïa " et " Ki ïahl ö<br />

lïahk ", ce batteur irréprochable d'efficacité que nous sommes nombreux déj<strong>à</strong> <strong>à</strong><br />

apprécier, mais jamais on ne put dire qu'il approchait <strong>la</strong> fièvre paroxystique<br />

qu'on lui connaît dans ses grands moments. Tout ce<strong>la</strong> changea dès<br />

l'introduction de " Rïah Saïhltaahk ", ce magnifique morceau qu'il a composé<br />

pour MAGMA 2 ; on le vit brusquement devenir plus mauvais, plus haineux et<br />

plus joyeux, cognant peaux et cymbales avec <strong>une</strong> ef<strong>fr</strong>ayante précision, lui le<br />

guerrier dont les baguettes fendent l'air telles les armes meurtrières d'un enfant<br />

qui se serait juré d'abattre des géants… VANDER, quand il joue SA musique,<br />

est tout le contraire de ces batteurs civilisés qui font d'interminables<br />

démonstrations de leur technique ; il pourrait pourtant se comp<strong>la</strong>ire dans des<br />

exercices de ce genre, <strong>la</strong> technique ne lui manquant pas puisqu'il l'a gagnée<br />

avec des gens comme Elvin Jones alors qu'il n'était âgé que de quinze ans…<br />

Mais VANDER est un BATTEUR SAUVAGE plus intéressé par l'impact<br />

viscéral de son discours que par des finesses d'ornementation telles qu'en<br />

pratiquent les rats-jazzmen qui pullulent dans les caves parisiennes. VANDER


NE BAT PAS, IL COMBAT… ! Le torse souple, les poignets déliés, il<br />

propulse, les traits haineux, l'énorme machine qu'est MAGMA. Ceux qui<br />

semblent le mieux le seconder sont Francis Moze, imposante masse au visage<br />

fermé qui soutient imperturbablement le groupe de sa basse solide ; K<strong>la</strong>us,<br />

dont les parties vocales gagnent sans cesse en beauté majestueuse et François<br />

Cahen, le pianiste, capable d'interventions d'<strong>une</strong> rare finesse. Après le passage<br />

du groupe, nous nous retrouvâmes tous autour des tables du Gibus. Je me<br />

souvins de l'après-midi passé… Francis Moze m'avait dit " Quand je finis de<br />

jouer, j'ai les doigts qui tremblent encore longtemps après " et Louis Toesca, le<br />

trompettiste : " Bien que je sois épuisé, je ne peux pas dormir après avoir joué<br />

avec MAGMA… " . Ils étaient l<strong>à</strong>, maintenant, les membres de MAGMA :<br />

Francis Toesca et les autres, cherchant qui <strong>une</strong> femme, qui un verre ; ils<br />

s'étaient séparés et occupaient chacun <strong>une</strong> table autour de <strong>la</strong>quelle se<br />

succédaient des amis ou re<strong>la</strong>tions venus leur dire un mot. II n'y avait que<br />

VANDER qui était seul… ou presque; nous commençâmes <strong>à</strong> parler, très<br />

naturellement : ce<strong>la</strong> faisait tellement longtemps que nous n'en avions pas eu<br />

l'occasion… II me fit part de ce qui le gênait chez MAGMA : les autres qui<br />

semb<strong>la</strong>ient l'entourer et vouloir substituer leurs explications aux siennes<br />

lorsqu'il désirait PARLER ; Teddy Lasry qui chahutait sur scène, tout <strong>à</strong> l'heure,<br />

juste avant le final de " Rïah Saïhltaahk "… Je le sentis fatigué, VANDER ; les<br />

baguettes / armes étaient rangées dans son sac, accrochées au dos de <strong>la</strong> chaise ;<br />

" Je voudrais enregistrer avec des chœurs, des percussions quelque chose<br />

d'immense… Teiusz Bïngöh, ce n'est pas mon nom de guerre, c'est mon nom<br />

de cirque afin de ne pas ef<strong>fr</strong>ayer les gens… Tu es <strong>la</strong> seule personne que<br />

j'apprécie dans ce métier ; il y a aussi Laurent Thibault ; tu ne connais pas<br />

Laurent? II faudra que je te le présente… Ah ! et puis je dois te faire écouter<br />

ma nouvelle bande… ". Nous avons parlé, longtemps, établissant <strong>une</strong><br />

complicité comme en établissent les gens seuls qui se rencontrent <strong>la</strong> nuit dans<br />

les boîtes et décident de se raconter en attendant le petit jour. Et puis nous<br />

avons été rejoints par René Garber, saxophoniste-flûtiste noir qui fit un temps<br />

partie de MAGMA ; Garber, <strong>fr</strong>eak parmi les <strong>fr</strong>eaks, vint nous lire un extrait de<br />

l'édition <strong>fr</strong>ançaise des Noces de Stravinsky et disparut tout aussi vite qu'il était<br />

arrivé. " Si tu parles de René Garber, me dit VANDER, j'aimerais que tu<br />

écrives que je le considère comme le seul musicien qui vit réellement sa<br />

musique… ". Au petit matin nous roulions, VANDER, Garber, Christelle et<br />

moi dans <strong>la</strong> voiture qui fi<strong>la</strong>it le long des murs gris…<br />

Le temps de <strong>la</strong> haine<br />

Un après-midi d'août, j'ai revu VANDER ; dès que je suis arrivé, il m'a fait<br />

écouter sa nouvelle bande. " Theusz Hamtaahk ", dont il compte faire son<br />

troisième album. " Theusz Hamtaahk " , c'est le temps de <strong>la</strong> haine… Ce<strong>la</strong> fait<br />

un an qu'il travaille sur cette bande ; avant, il avait travaillé un an sur celle<br />

de"Rïah Saïhltaahk "… On peut déj<strong>à</strong> dire qu'avec " Theusz Hamtaahk " le<br />

leader de MAGMA va <strong>fr</strong>apper un grand coup ; il y a dans ce morceau, dont je<br />

n'ai pourtant pas écouté <strong>la</strong> partie principale, des climats superbes : <strong>la</strong> musique<br />

de VANDER lentement s'épure… II a beaucoup de projets, VANDER : tout<br />

d'abord, cette série d'enregistrements pour Barc<strong>la</strong>y (toujours <strong>à</strong> Hérouville avec<br />

Laurent Thibault) reportée <strong>à</strong> <strong>la</strong> fin août ; ensuite il y a <strong>la</strong> réalisation d'un album<br />

qui retracera l'histoire du rythme <strong>à</strong> travers les âges, avec étude des différentes<br />

techniques de percussion et résumé de leur progression ; et puis surtout, il y a


ce projet d'exploitation, et si possible d'amélioration, de <strong>la</strong> quadrophonie par un<br />

procédé permettant d'amener l'auditeur <strong>à</strong> un stade encore plus avancé de sa<br />

dépendance vis-<strong>à</strong>-vis de l'enregistrement… Cet après-midi l<strong>à</strong> René Garber, le<br />

Mekanïk Destruktïw Köhntarkösz Kornmandeuhr, est passé ; il forme<br />

actuellement un groupe qui s'appellera Mekanïk et comprendra quatre<br />

pianistes… En octobre, VANDER va commencer <strong>à</strong> organiser les réunions de <strong>la</strong><br />

Secte et nombreux seront ceux qui vont s'apercevoir (trop tard, hé<strong>la</strong>s que<br />

MAGMA n'est pas seulement de <strong>la</strong> musique, mais AUTRE CHOSE aussi…<br />

LA NOUVELLE INNOCENCE, C'EST LE RÊVE MALÉFIQUE<br />

DEVENANT RÉALITÉ. LA SUBJECTIVITÉ NE SE CONSTRUIT PAS<br />

SANS ANÉANTIR SES OBSTACLES ; ELLE PUISE DANS<br />

L'INTERMONDE LA VIOLENCE NÉCESSAIRE A CETTE FIN. LA<br />

NOUVELLE INNOCENCE EST LA CONSTRUCTION LUCIDE D'UN<br />

ANÉANTISSEMENT (Raoul Vaneigem. Traité de savoir-vivre <strong>à</strong> l'usage des<br />

je<strong>une</strong>s générations).<br />

Le Smart-Ass Rock'n'Roil Critic prit <strong>une</strong> nouvelle plume et signa…<br />

YVES ADRIEN,<br />

Hell Zërëbrahl<br />

Endoktrinaïhr Kommandeuhr.<br />

(avec l'approbation du Kommandeuhr Suprëm).<br />

Rock & Folk n° 56 - Septembre 1971<br />

<strong>Magma</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> Fête de l'Humanité - Rock & Folk n° 57 – Octobre :<br />

<strong>Magma</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> Fête de l'Humanité<br />

(…) Beau dimanche, ensoleillé, effaçant les impressions moroses de <strong>la</strong> veille.<br />

La lumière était plus vive, les sourires plus nombreux. La boue était devenue<br />

poussière. A l'entrée, un homme de 61 ans qui faisait le tour du monde <strong>à</strong> pied<br />

en traînant un cercueil <strong>à</strong> roulettes of<strong>fr</strong>ait sa petite alternative, sa solution<br />

personnelle aux questions qui tournaient dans ma tête. L'odeur de <strong>fr</strong>iture était<br />

moins pesante, les couleurs des manèges s'étaient rallumées. Sur scène, au<br />

fond, au lieu-dit <strong>la</strong> "discothèque", on commençait <strong>à</strong> installer le matériel de<br />

<strong>Magma</strong>. J'avais jamais vu encore. Un peu ef<strong>fr</strong>ayé quand même, a priori, par les<br />

déc<strong>la</strong>rations de Vander et ces signes agressifs rouges sur fond noir. On m'avait<br />

pas appris ça en Californie ! Et puis, <strong>la</strong> musique. Je ne sais pas combien de<br />

temps. Il y eut des moments pénibles, étouffants, <strong>une</strong> lourdeur indéfinissable<br />

dans <strong>la</strong> tête, comme des noix qui s'entrechoquent. Des moments légers, aériens,<br />

ténus. Des moments monotones, tristes remplissages sans saveur et puis <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

fin, après <strong>une</strong> demi-heure étouffante, <strong>à</strong> hurler, arrêtez, foutez-nous <strong>la</strong> paix, un<br />

morceau tranquille, rassurant, bon, vous en faites pas, on est arrivés, tout va<br />

bien. <strong>Magma</strong> c'est <strong>la</strong> vie quotidienne <strong>à</strong> Paris en 1971. Avec ses rares moments<br />

de paix, de lumière, et son abrutissement total pour le reste, avec quand même,<br />

<strong>une</strong> porte ou <strong>une</strong> fenêtre en chacun de nous - et c'était peut-être ça le dernier<br />

thème. Le kobaïen, c'est, mé<strong>la</strong>ngés, le speaker <strong>à</strong> <strong>la</strong> télé, les bagnoles, le voisin,


les cris du père et de <strong>la</strong> mère, les ordres et les conseils distribués<br />

généreusement pendant 20-30 ans. Le kobaïen, c'est ce qui sort quand on<br />

presse <strong>la</strong> cervelle d'un homme adulte. Reste que l'on peut toujours s'inventer un<br />

<strong>la</strong>ngage <strong>à</strong> soi pour trouver, <strong>une</strong> paix et qu'on peut toujours l'appeler "Kobaïa".<br />

(…)<br />

Rock & Folk n° 57 - Octobre 1971<br />

<strong>Magma</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> Fête de l'Humanité - Extra n° 11 – Octobre :<br />

<strong>Magma</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> Fête de l'Humanité<br />

(…)<br />

Après Voyage, <strong>Magma</strong>. L<strong>à</strong>, nous avons assisté <strong>à</strong> un délire peu commun chez<br />

nous. <strong>Magma</strong>, c'est l'apogée de <strong>la</strong> pop musique en France ; leur musique peut<br />

difficilement se traduire par les mots : elle recèle <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois beauté, intelligence<br />

et puissance ; basée avant tout sur <strong>la</strong> violence des sentiments, elle a su<br />

s'éloigner des influences de Coltrane et de Stravinsky pour devenir totalement<br />

originale. <strong>Magma</strong>, c'est de <strong>la</strong> musique avec un grand M. Au fil des mois, cette<br />

musique se fait de plus en plus ensorce<strong>la</strong>nte et nous avons tous pris notre pied<br />

ce dimanche après-midi car cette puissance occulte nous saisit au plus profond<br />

de nous mêmes. Ecoutez, réécoutez et jugez de <strong>la</strong> qualité.<br />

(...) En somme, <strong>la</strong> fête de l'Humanité fut <strong>une</strong> réussite sur le p<strong>la</strong>n musical, quant<br />

<strong>à</strong> <strong>la</strong> politique, il ne nous appartient pas d'en juger dans ce journal. En réalité<br />

cette fête annuelle c'est un peu comme Lourdes : on s'y rend en pèlerinage, de<br />

temps <strong>à</strong> autre, plein d'espoir, on en revient déçu, et rarement guéri. C'est le<br />

propre des miracles !!!<br />

Bernard Y. Guilcher<br />

Extra n° 11 - Octobre 1971<br />

<strong>Magma</strong> au Festival de Ma<strong>la</strong>val - Best n° 39 – Octobre :<br />

Festival de Ma<strong>la</strong>val<br />

(…) Jeudi, face <strong>à</strong> sept cents spectateurs seulement, <strong>Magma</strong> s'est produit dans<br />

<strong>une</strong> indifférence étonnante, tant pis pour le public qui n a pas su profiter de<br />

l'occasion d'aborder cet univers étrange et sauvage. Pour en terminer avec <strong>la</strong><br />

musique, il faut signaler l'excellente sono (fabrication Vincent) dont disposait<br />

le festival.<br />

Pour les spectateurs, le Festival de Ma<strong>la</strong>val est maintenant terminé ; pour les<br />

organisateurs, il est loin d'en être de même car les répercussions de l'échec<br />

financier commencent seulement <strong>à</strong> se faire sentir. Echec mais réussite, Ma<strong>la</strong>val


Jean-Paul COMMIN.<br />

Best n° 39 - Octobre 1971<br />

Gibus - Christian Parison - 28 octobre :<br />

GIBUS<br />

mérite bien d'être qualifié de festival des " Dommage ". Il<br />

ne manquait presque rien pour faire de Ma<strong>la</strong>val un grand<br />

festival. Il faut donc espérer que les organisateurs ne<br />

seront pas trop déçus, n'auront pas de délicats ennuis et<br />

qu'ils " remettront ça " avec, cette fois, <strong>la</strong> protection du<br />

Dieu de <strong>la</strong> réussite. Encore <strong>une</strong> fois, " Dommage! "<br />

Installé 18, rue du Faubourg du Temple, le Gibus est devenu progressivement<br />

l'un des principaux centres parisiens de pop music. De Caravan <strong>à</strong> Gong, de<br />

Martin Circus <strong>à</strong> <strong>Magma</strong>, les spectacles du jeudi et du vendredi, en particulier,<br />

sont p<strong>la</strong>cés sous le signe de <strong>la</strong> qualité. Depuis le jeudi 14 octobre, c'est le<br />

journal "Best" qui assure <strong>la</strong> programmation de cet établissement.<br />

Du lundi 11 au jeudi 14, c'est <strong>Magma</strong> qui a occupé <strong>la</strong> scène du Gibus. Le verbe<br />

"occuper" prend tout son sens lorsqu'on connaît le groupe. La "force<br />

rythmique" et le peloton de cuivres étaient au grand complet pour ces quatre<br />

concerts puisque <strong>Magma</strong> a plu, beaucoup et surtout, phénomène rare, a attiré<br />

un public malgré <strong>une</strong> absence presque totale de publicité et des dates de<br />

concerts situées en début de semaine. Un titre semble quelque peu se détacher<br />

du répertoire actuel de <strong>Magma</strong> : "Mecanik Kommando", principal morceau de<br />

leur prochain simple. L'audience de magma s'étend chaque jour, et il faut<br />

souhaiter que ce<strong>la</strong> se poursuive.<br />

Vendredi et Lundi 18 un petit groupe <strong>fr</strong>aîchement arrivé de Nice, Carpe Diem,<br />

influencé par le hard rock, s'est essayé <strong>à</strong> <strong>la</strong> difficile expérience du Gibus. Il en<br />

a été de même pour Spleen, le samedi 16. Ce groupe reviendra d'ici un mois.<br />

Mardi 19 et mercredi 20 le public était peu nombreux. Sur scène s'est produite<br />

<strong>une</strong> excellente formation anglo-saxonne dont on commence <strong>à</strong> parler, surtout<br />

depuis qu'elle a assuré, au pa<strong>la</strong>is des Sports, <strong>la</strong> première partie du spectacle de<br />

Johnny Hallyday : il s'agit du groupe de Gary Wright. Une musique bien en<br />

p<strong>la</strong>ce, pas très compliquée, mais pleine de rythme jouée avec un p<strong>la</strong>isir évident<br />

par les quatre membres du groupe. Ainsi peuvent se résumer les deux passages<br />

de Gary Wright. Deux excellentes soirées, couronnées de succès.<br />

Jeudi le public était plus nombreux pour entendre Zoo. Cette formation, de<br />

retour d'<strong>une</strong> tournée réussie en Angleterre, ne doit pas être jugée sur cette<br />

soirée où elle fut <strong>à</strong> peine l'ombre d'elle-même. Les musiciens de Zoo semblent<br />

complètement "vidés" de toute envie de jouer après un mois et demi de travail<br />

continu (studio, ga<strong>la</strong>s, tournée).<br />

Christian PARISON - 28 octobre 1971<br />

Pour <strong>Magma</strong> - Best n° 40 – Novembre :


Pour <strong>Magma</strong><br />

<strong>Magma</strong> pourra-t-il être <strong>une</strong> véritable réussite (discographique, financière et<br />

popu<strong>la</strong>ire) ? Le problème n'est pas l<strong>à</strong> et ce n'est pas le genre de questions que<br />

l'on se pose en assistant <strong>à</strong> un concert ou en écoutant un des deux albums déj<strong>à</strong><br />

réalisés, mais il est <strong>à</strong> noter que cette attitude de doute est <strong>fr</strong>équemment<br />

déce<strong>la</strong>ble dans de nombreuses discussions avec les gens du " métier ". Pour<br />

résumer grossièrement ces dialogues (au passage il faut dire que leur nombre<br />

est le meilleur gage de l'intérêt que peut susciter le groupe), disons que<br />

personne (ou presque) ne met en cause <strong>la</strong> valeur de cette formation mais<br />

beaucoup croient que cette musique n'a pas de véritable chance de s'imp<strong>la</strong>nter.<br />

Même au risque de me faire reprocher de p<strong>la</strong>ner dans un nuage d'optimisme<br />

inconscient et d'imaginer encore qu'il est possible de reconnaître les gens <strong>à</strong> leur<br />

juste valeur, je crois en <strong>la</strong> possibilité de succès pour <strong>Magma</strong>.<br />

La valeur du groupe est <strong>la</strong> première raison expliquant mon opinion. Bien sûr,<br />

c'est rarement suffisant (c'est même parfois inutile) mais il vaut mieux avoir cet<br />

atout en main. En un peu plus d'un an, je n'ai jamais eu l'occasion de ressortir<br />

d'un concert du groupe en étant déçu. II y a bien sûr des hauts et des bas mais<br />

le bas se situe <strong>à</strong> un tel niveau qu'il n'est pas possible en étant honnête dans sa<br />

critique, de taxer le groupe d'" irrégu<strong>la</strong>rité ".<br />

La deuxième raison tient <strong>à</strong> <strong>la</strong> personnalité de Christian Vander. A tort ou <strong>à</strong><br />

raison, je crois qu'un groupe a besoin d'<strong>une</strong> image de marque, d'<strong>une</strong> figure de<br />

proue. <strong>Magma</strong> possède tout ce<strong>la</strong> : sigle intelligent, grand impact graphique de<br />

l'affiche, photogénisme de Vander, démesure du personnage dans ses propos…<br />

La liste serait trop longue <strong>à</strong> établir, l'important n'est d'ailleurs pas vraiment l<strong>à</strong>.<br />

Mais il est indispensable de noter que <strong>Magma</strong> a, en plus de ses atouts<br />

musicaux, des caractéristiques qui ne peuvent que concourir <strong>à</strong> sa promotion.<br />

La dernière raison qui me vienne <strong>à</strong> l'esprit est plus importante encore : elle<br />

s'attache <strong>à</strong> <strong>la</strong> musique même de <strong>Magma</strong>. Au passage, je signale que cet article<br />

n'est qu'un mini-brouillon, <strong>une</strong> sorte de mise au point réalisée " comme ça ",<br />

par envie, et donc ne peut être considéré comme contenant tout ce que je pense<br />

ou tout ce que j'ai <strong>à</strong> vous dire de <strong>Magma</strong>. Ceci écrit, revenons <strong>à</strong> <strong>la</strong> troisième<br />

raison.<br />

<strong>Magma</strong> sort des étiquettes. Henri, disquaire au Gibus, m'a raconté <strong>une</strong> petite<br />

histoire très révé<strong>la</strong>trice. Discutant avec un vendeur dans un magasin de<br />

disques, il a découvert que celui-ci se passionnait pour <strong>la</strong> musique concrète.<br />

Après l'écoute de quelques disques extraits du casier " Musique contemporaine<br />

", Henri lui a proposé d'aller chercher sous l'étiquette " Pop-music ", les<br />

disques de <strong>Magma</strong>. Le vendeur, un peu surpris, s'est exécuté mais il n'a pas<br />

regretté et a commencé un dithyrambique éloge de ce groupe qui croupissait<br />

entre un " Mungo Jerry " et un " Johnny Rivers ". Donc, le public amateur de<br />

musique contemporaine peut être sensible <strong>à</strong> <strong>la</strong> musique de <strong>Magma</strong>, ce qui<br />

correspond déj<strong>à</strong> <strong>à</strong> un contingent de spectateurs non négligeable. Le public pop<br />

(je schématise volontairement en acco<strong>la</strong>nt des qualificatifs au mot " public ")<br />

n'a pas de raison de refuser ce groupe et cette musique, il a simplement besoin<br />

de pouvoir entendre <strong>Magma</strong> plus souvent (passages radio, scènes…) . En


é<strong>la</strong>rgissant, on peut dire que le " public-vaguement-pop-mais-pas-tout-<strong>à</strong>-fait "<br />

peut être également touché. Je me rappelle un concert du groupe au T.E.P., fin<br />

1970, où <strong>Magma</strong>, face <strong>à</strong> un public mé<strong>la</strong>ngé (âge, profession, goûts,<br />

formation…) , avait obtenu un réel succès, bien qu'ayant débuté en ne<br />

provoquant que des réactions de surprise, d'étonnement et de désappointement.<br />

Enfin, je ne vois personnellement auc<strong>une</strong> raison pour que <strong>Magma</strong> ne puisse<br />

inciter un public amateur de jazz <strong>à</strong> <strong>une</strong> écoute attentive.<br />

Ces quelques lignes ne constituent pas un article " sur " <strong>Magma</strong>, mais <strong>une</strong> suite<br />

<strong>à</strong> ce qui avait été écrit dans Best n° 37, Pop France, paragraphe Gibus (tant pis<br />

pour l'auto publicité !). Mon premier " p<strong>la</strong>idoyer " était incomplet car il<br />

n'expliquait pas pourquoi il apparaît comme anormal que ce groupe travaille si<br />

peu. Celui-ci ne répond pas pleinement <strong>à</strong> cette question, mais tout le monde<br />

aura compris, au-del<strong>à</strong> des points de détails sur lesquels ces paragraphes<br />

insistent, que l'importance de <strong>Magma</strong> n'a pas <strong>à</strong> s'expliquer, elle tient tout<br />

entière dans leur musique et dans sa démarche. Dans un prochain numéro, nous<br />

essaierons de vous donner un aperçu plus précis du groupe, mais rien ne pourra<br />

remp<strong>la</strong>cer l'écoute directe ou indirecte (disques). C'est l<strong>à</strong> seulement que vous<br />

pourrez trouver <strong>Magma</strong>.<br />

Jean-Paul COMMIN<br />

Best n° 40 - Novembre 1971<br />

Interview Christian Vander - Extra n° 13 – Décembre :<br />

VANDER<br />

Batteur du groupe le plus critiqué de France, Christian Vander se voit<br />

aujourd'hui promu au rang de meilleur percussionniste. Parallèlement,<br />

<strong>Magma</strong> se trouve en quatrième position au c<strong>la</strong>ssement des groupes <strong>fr</strong>ançais, et<br />

p<strong>la</strong>ce ses deux albums en seconde et treizième p<strong>la</strong>ces. Francis Moze est<br />

quatrième bassiste <strong>fr</strong>ançais ; C<strong>la</strong>ude Engel, guitariste des débuts, est premier ;<br />

François Cahen, troisième pianiste-organiste.<br />

Sur <strong>Magma</strong>, et sur ses propres projets, Christian Vander s'explique, assure,<br />

dément et se refuse <strong>à</strong> conclure.


BD : Si, pour <strong>une</strong> raison ou pour <strong>une</strong> autre, tu devais ou vou<strong>la</strong>is refaire<br />

<strong>Magma</strong>, quelles seraient les modifications que tu apporterais ?<br />

CV : Ça va encore m'attirer des ennuis, ça !… Si <strong>Magma</strong> devait être remanié,<br />

ce serait <strong>à</strong> seule fin de pouvoir exprimer ENTIEREMENT et PLEINEMENT<br />

ce que JE ressens. Le groupe idéal serait celui où je pourrais jouer du piano et<br />

de <strong>la</strong> batterie. Si ce n'est uniquement du piano ; je prendrais alors un autre<br />

batteur, en l'occurrence Jean-My Truong. Une autre formation m'intéresserait<br />

aussi : marimba, piano, percussions, choristes et, soit plus de cuivres, soit dix<br />

fois plus. Je garderais Loulou, notre ingénieur du son, il est un des seuls <strong>à</strong><br />

posséder l'esprit de <strong>Magma</strong>. Sans lui, <strong>Magma</strong> ne serait pas <strong>Magma</strong>.<br />

BD : Ces transformations prendront-elles p<strong>la</strong>ce dans le <strong>Magma</strong> actuel ?<br />

CV : C'est <strong>une</strong> question de moyens et d'accords. Personnellement, je me fous<br />

de dépenser l'argent que je gagne dans le but d'améliorer <strong>Magma</strong>, seulement<br />

voil<strong>à</strong> : tout le monde ne serait pas d'accord. J'ai déj<strong>à</strong> proposé de prendre<br />

Truong comme second batteur, sans résultat. J'aimerais reprendre Paco aux<br />

percussions, je pense qu'il aimerait rejouer avec moi ; dommage que C<strong>la</strong>ude<br />

Engel soit parti, il était, lui aussi, un des éléments moteurs de <strong>Magma</strong>.<br />

BD : On a l'impression, en comparant le <strong>Magma</strong> d'il y a un an et celui de<br />

maintenant, qu'il ne règne plus <strong>la</strong> même foi, peut-être plus chez les autres<br />

que chez toi. Ce<strong>la</strong> te parait-il être vrai ?<br />

CV : C'est possible.<br />

BD : De tous les morceaux enregistrés par <strong>Magma</strong>, quel est celui qui te<br />

semble plus représentatif, dans l'esprit et dans <strong>la</strong> musique, de ce que tu<br />

vou<strong>la</strong>is faire ?<br />

CV : Du premier 30 cm, " Stoah " et " Muh " étaient <strong>une</strong> gaieté de <strong>Magma</strong> ; du<br />

second " Riah Sahiltaahk " ; et puis " Mekanïk Kommandöh ".<br />

BD : <strong>une</strong> question que beaucoup se posent : comment est né le kobaïen ?<br />

CV : Le kobaïen, je l'avais en moi depuis longtemps. A dix ans, je disais déj<strong>à</strong><br />

des mots bizarres. Ce<strong>la</strong> s'est concrétisé avec <strong>la</strong> musique.<br />

BD : Images - musiques - paroles ?<br />

CV : C'est ça. II m'arrive même de sous-entendre, dans un morceau, <strong>une</strong> phrase


qui, en fait, ne sera prononcée que deux ou trois disques plus tard. Mon rêve<br />

serait de pouvoir enregistrer avec un orchestre symphonique tous les thèmes<br />

que j'ai composés depuis que j'ai commencé <strong>à</strong> vouloir jouer MA musique<br />

plutôt que celle des autres.<br />

BD : Plus que chez n'importe quel autre groupe, il se dégage <strong>à</strong> l'écoute de<br />

<strong>Magma</strong> <strong>une</strong> sorte de magnétisme, emprunt de surnaturel, que seul un<br />

véritable film pourrait parfaitement exprimer ; est-ce l<strong>à</strong> <strong>une</strong> véritable<br />

sensation, explicable, ou tout simplement <strong>une</strong> impression ?<br />

CV : Je compose exclusivement au départ d'images ; chaque thème possède<br />

<strong>une</strong> signification bien précise, chacun de MES thèmes. Il arrive qu'un musicien<br />

de <strong>Magma</strong> enjolive, d'<strong>une</strong> manière strictement technique, tel ou tel autre de<br />

mes thèmes. Je suis obligé de faire des concessions. Je ne peux pas négliger le<br />

moindre besoin " d'apporter ", des musiciens avec lesquels je joue. Rien ne<br />

m'autorise vraiment <strong>à</strong> me considérer comme LE leader du <strong>Magma</strong> actuel. C'est<br />

le public qui s'est acharné <strong>à</strong> dire : " c'est Vander le leader " ; c'est faux. Mettons<br />

que je suis <strong>à</strong> l'origine du groupe, mais au sein même de <strong>Magma</strong>, chacun a son<br />

mot <strong>à</strong> dire. D'<strong>une</strong> manière pratique, il arrive que Teddy Lasry ou François<br />

Cahen dise : " moi, je propose ça " ; Teddy adore les voix dissonantes pour les<br />

cuivres, moi je préfère l'unisson parce que je trouve ce<strong>la</strong> amplement suffisant<br />

quand <strong>la</strong> mélodie est très belle. Puisqu'il aime les voix atonales et que nous<br />

jouons ensemble, il est normal que je lui fasse p<strong>la</strong>isir en le <strong>la</strong>issant faire ses<br />

voix complexes. C'est le même cas pour François <strong>à</strong> qui je donne pourtant les<br />

parties de piano. Chacun doit justifier, pour lui-même, sa présence dans le<br />

groupe. C'est l'apport personnel qui justifie le mot groupe. D'autre part, ne<br />

composant pas de <strong>la</strong> même manière, il est normal qu'en de tels cas je considère<br />

mon attitude comme <strong>une</strong> concession ; les concessions, je ne m'en défends pas,<br />

je n'en pense pas un mot.<br />

BD : Tu composes, te sens-tu influencé, d'<strong>une</strong> manière ou d'<strong>une</strong> autre, par<br />

d'autres compositeurs ?<br />

CV : J'ai un cœur pour <strong>la</strong> musique s<strong>la</strong>ve et, inconsciemment, je pense que<br />

Coltrane m'a beaucoup influencé. J'ai gardé dans <strong>Magma</strong> le caractère obsédant<br />

de sa musique : Coltrane jouait un thème et ensuite restait sur un accord. " My<br />

favorite things " est sans doute LE morceau que je n'ai jamais cessé d'aimer. Le<br />

fait d'avoir commencé <strong>à</strong> m'intéresser aux percussions <strong>à</strong> l'âge de six ans, en<br />

accompagnant les disques de Stravinsky et les Concertos Brandebourgeois de<br />

Bach, a certainement déterminé <strong>une</strong> grande part dans MA musique. Ce<strong>la</strong> ne<br />

m'a pas empêché de jouer du Beatles. Mon plus grand bonheur est de pouvoir<br />

jouer ma musique, encore que je me sente parfois brimé par le fait qu'il ne me<br />

soit pas possible d'exprimer TOUT ce que je ressens.<br />

BD : Lorsque tu joues, crois-tu donner ta musique ou te contentes-tu de <strong>la</strong><br />

proposer ?<br />

CV : II y a en effet <strong>une</strong> nuance. J'espère, de toute façon, que ma musique va<br />

p<strong>la</strong>ire. Je me dis " j'aime ma musique, je joue ma musique ", donc ce que<br />

j'aime c'est communiquer ce que je ressens. La première démarche d'un<br />

musicien qui n'est pas un marchand de soupe c'est, après qu'il joue pour luimême,<br />

de p<strong>la</strong>ire <strong>à</strong> celui qui l'écoute. A partir du moment où il se contente de se<br />

faire p<strong>la</strong>isir, il devient égoïste. Le problème n'est pas au niveau de <strong>la</strong>


concession mais de <strong>la</strong> conciliation. Pour ce qui est de mes séances avec Zanini<br />

(certains ont cru me vexer en y faisant allusion), ce dont je ne me suis jamais<br />

caché, c'est ce qui m'a permis de nourrir ma femme et mon gosse, d'abord. Et<br />

ensuite de pouvoir continuer <strong>Magma</strong>. Pour reprendre les termes de Joël Daydé,<br />

je peux être le plus fort et accompagner Zanini. Avant d'être marié, JAMAIS je<br />

n'ai fait de séance de studio, JAMAIS.<br />

BD : On te reproche beaucoup de faits et gestes, mais aussi certains goûts ;<br />

goûts pour <strong>la</strong> haine, l'inaccessible, le grandiose…<br />

CV : On va être logique et commencer par <strong>la</strong> haine. J'adore <strong>la</strong> beauté et <strong>la</strong><br />

splendeur des textes agressifs, leur dimension seconde. Second point : je veux<br />

dominer. Tout le monde est dominé. Pourquoi ne pas essayer de dominer ?<br />

Tout le monde se contente d'être un mouton parmi les autres, moi ça ne me dit<br />

rien. A partir du moment où tu n'as pas envie d'être un mouton, tu es considéré<br />

comme un fasciste ; tout simplement parce que tu veux faire ce que tu as envie<br />

de faire. Je ne suis pas un fasciste. Je veux vivre, et vivre dans <strong>la</strong> masse ne<br />

m'intéresse pas ; j'ai envie d'imposer mes idées puisqu'on m'impose toujours<br />

celles des autres. Il fut un temps où j'étais quelqu'un de très gentil, sans auc<strong>une</strong><br />

haine, ouvert <strong>à</strong> tout et même boute-en-train. Les gens sortaient avec moi pour<br />

se distraire. Si j'ai décidé de devenir le contraire, c'est uniquement par réaction<br />

au milieu. Le naturel que je garde au fond de moi, le sentiment, ne passe que<br />

dans ma musique. Dès que je quitte le piano ou <strong>la</strong> batterie, je n'ai plus aucun<br />

sentiment. Je regrette que rien ne soit possible autrement. Au fond de moi, je<br />

suis trop gentil. Je suis obligé de me faire plus méchant que je ne suis <strong>à</strong> seule<br />

fin de parvenir <strong>à</strong> faire ce que j'ai envie de faire. L'inaccessible me fascine<br />

comme il fascine tous ceux qui ne veulent pas être des moutons. Le Kobaïen<br />

est <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois un moyen de communication universel et un <strong>la</strong>ngage inaccessible.<br />

BD : Quels sont les éléments qui stimulent ces goûts ?<br />

CV : Mon passé me stimule <strong>à</strong> vie. De constater que les gens n'ont aucun but<br />

me stimule aussi. Savoir que je suis <strong>à</strong> <strong>la</strong> merci des cons me stimule aussi. Mon<br />

obsession de l'amour et de <strong>la</strong> mort me stimule dans <strong>une</strong> certaine mesure. Cette<br />

obsession se traduit, en musique, par <strong>la</strong> répétition d'un accord. Je le répète<br />

jusqu'<strong>à</strong> ce qu'il me pénètre et me <strong>la</strong>isse " partir " dans <strong>la</strong> musique. Lorsque je<br />

joue, le plus éprouvant est de m'arrêter. Ma hantise de <strong>la</strong> mort me stimule<br />

énormément, et peut-être, par opposition, celle d'<strong>une</strong> vie de mouton. Par<br />

exemple, je suis déprimé d'avoir <strong>à</strong> manger pour nourrir mon enveloppe. A<br />

chaque fois qu'il me faut prendre un repas, je l'ingurgite UNIQUEMENT pour<br />

ne pas être faible au moment où je serai avec MA musique, <strong>la</strong> seule que j'aime.<br />

La chose primordiale, c'est l'amour ; mes lectures favorites sont les contes<br />

d'Andersen.<br />

BD : Existe-t-il, dans l'éventail musical actuel, <strong>une</strong> tendance qui t'intéresse<br />

particulièrement ?<br />

CV : Musicalement, rien ne m'intéresse. Je n'achète pas de disques parce que<br />

RIEN, dans auc<strong>une</strong> forme, ne m'intéresse au point de me faire dire : " quel pied<br />

fabuleux. c'est génial ! ". Ah si ! J'achète tout Coltrane, par principe aussi !<br />

Pour les disques comme pour le reste, tout le monde est un ROBOT, aussi<br />

quitte <strong>à</strong> être un ROBOT, autant savoir qu'on l'est ; j'entends ROBOT au sens<br />

futur. J'aimerais posséder un corps d'acier. Seule ma tête demeurerait de chair.


Je serais immortel, indestructible et ne bafouillerais pas. Je suis en train<br />

d'étudier des costumes (que les autres ne voudront certainement pas porter)<br />

avec des chaussures de métal, des gantelets de métal, griffus, le tout très<br />

hypnotique. Sur scène, <strong>Magma</strong> serait présenté par un magnétophone, on<br />

scierait des p<strong>la</strong>ques de métal et, selon l'épaisseur de ces dernières et le son<br />

produit, nous jouerions. Ce n'est pas du tout par désir de créer <strong>une</strong> mode, <strong>la</strong><br />

mode je m'en fous, mais pour satisfaire en ME satisfaisant. Pour résumer, il<br />

demeure dans <strong>la</strong> musique que je compose mon ancien côté : espiègle, <strong>une</strong><br />

grande part de nostalgie (Stoah) et, par contrainte, <strong>la</strong> haine. Quoiqu'en fait,<br />

j'aime bien tout le monde.<br />

Propos recueillis par Bruno Ducourant avec l'approbation du Kommandeuhr<br />

Süprëm.<br />

Extra n° 13 - Décembre 1971

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