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Mes souvenirs - Adélaïde Herculine Barbin - Éditions du Boucher

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ADÉLAÏDE HERCULINE BARBIN<br />

Dieu! s’écria la chaste créature, moi qui l’ai embrassé de si bon<br />

cœur lors de son dernier séjour ici pendant la retraite à laquelle je<br />

l’avais convié! et lui, en me quittant, me baisait les mains sans<br />

aucun scrupule. » Mais ces bons cœurs ne m’accusaient pas pour<br />

cela, et leur affection, bien que changeant de forme, me fut<br />

conservée dans le fond. Celle-là, je le sais, ne me fera pas défaut,<br />

car elle s’appuie sur les bases les plus pures, les plus saintes.<br />

C’est dire que toutes les suppositions faites sur mes rapports<br />

antérieurs avec ces anges terrestres sont fausses, complètement<br />

fausses. Sans doute elles étaient permises jusqu’à un certain<br />

point, et je ne puis nier que j’aie été terriblement exposé, on le<br />

comprend; mais moi seul connaissais le danger. Si j’ai souffert, si<br />

j’ai lutté, personne <strong>du</strong> moins ne l’a soupçonné. J’ai dû certainement<br />

à la solidité des principes de ma jeunesse, à leur extrême<br />

pureté, de n’avoir pas à rougir devant ces fronts candides, dont la<br />

douce sérénité ne fut pas troublée par moi.<br />

J’ai dit ces quelques paroles, non pour me justifier, mais parce<br />

que je me reprocherais comme un crime, comme une insigne<br />

lâcheté d’avoir entretenu le soupçon sur des êtres dont l’âme est<br />

ce qu’il y a de plus digne des regards de Dieu.<br />

Ma correspondance avec Sara n’avait pas cessé. Elle recevait<br />

mes lettres, me répondait régulièrement, mais à l’insu de sa mère.<br />

Je n’osais plus écrire à cette dernière. J’avais tort, cependant, je<br />

l’ai compris plus tard. Mon silence craintif à son égard devait lui<br />

sembler ou une froide indifférence pour elle et sa fille, ou l’explication<br />

tardive d’une con<strong>du</strong>ite coupable dans sa maison.<br />

Là encore mon inexpérience m’a per<strong>du</strong>. Je n’en puis douter, si<br />

j’avais su diriger la situation, mon avenir était changé.<br />

Aujourd’hui peut-être je serais son gendre.<br />

Mais Dieu ne le voulait pas, sans doute, et j’avais tort d’ambitionner<br />

ce titre, qui ne sera jamais le mien! Madame P…<br />

m’aimait d’une affection sincère, maternelle. Mon départ la blessait<br />

doublement, en la menaçant dans ses intérêts les plus chers:<br />

la réputation de sa fille, gravement compromise, et la renommée<br />

de sa maison. L’une et l’autre furent atteintes, cela devait être; on<br />

chuchota tout bas autour d’elle. Le présent expliquait le passé,<br />

déjà si équivoque. Les inspecteurs de l’académie ne purent<br />

s’empêcher d’attaquer avec elle cette corde si délicate. Ils<br />

savaient toutes les péripéties de ce drame dans lequel le rôle que<br />

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