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Mes souvenirs - Adélaïde Herculine Barbin - Éditions du Boucher

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MES SOUVENIRS<br />

était radieuse, bien que l’idée d’une prochaine séparation vînt se<br />

mêler tristement à cette compensation qui lui paraissait déjà<br />

comme l’aurore d’un avenir radieux.<br />

Toujours bon et prévoyant, M. de Saint-M… m’avait recommandé<br />

instamment à Paris, à l’un de ses petits neveux qui, depuis<br />

longtemps, habitait cette ville. Ce dernier n’était pas étranger<br />

pour moi. Il me connaissait. Il connaissait ma mère, et l’attachement<br />

véritable que lui avait voué toute sa famille. Aussi me fit-il<br />

l’accueil d’un frère. Grâce à lui, je ne connus pas le terrible<br />

embarras <strong>du</strong> provincial, jeté seul, et pour la première fois, dans le<br />

tourbillon de ce tumultueux Paris.<br />

Le lendemain de mon arrivée il m’accompagna à l’administration<br />

de… où je vis le chef d’exploitation, M…, dont je ne désignerai<br />

pas ici le nom trop connu. Dans la courte entrevue que<br />

j’eus avec lui, je sollicitai comme une faveur d’être appelé à Paris,<br />

ce qu’il me promit. Ses dernières paroles furent celles-ci:<br />

« Retournez à B…, et attendez votre nomination au premier<br />

jour. »<br />

Je laissai donc Paris le surlendemain, l’ayant à peine entrevu,<br />

mais comptant bien le revoir plus amplement. Le temps que je<br />

passai à B… ne fut pas troublé par aucun incident sérieux. Je sortais<br />

chaque jour et toujours seul. Le bruit de mon aventure commençait<br />

à s’éteindre. On appréciait mieux la situation,<br />

maintenant qu’elle se dessinait au grand jour. Je dois dire<br />

d’ailleurs que ceux dont j’étais très connu me témoignaient une<br />

plus grande sympathie depuis l’éclat des derniers événements.<br />

« Pauvre enfant, disait une mère dont la fille avait été mon amie<br />

et ma compagne d’étude, je l’aime davantage maintenant, car je<br />

puis doublement l’apprécier. Il a dû bien souffrir! »<br />

Je laisse à penser quelle fut la consternation de mes excellentes<br />

maîtresses d’école normale. On ne saurait s’en faire une<br />

idée. À ce sujet le vénérable aumônier m’écrivait une lettre toute<br />

paternelle et amicale. Je puis maintenant, mon cher fils, vous dire<br />

quelle affection véritable j’ai conservée à mon ancienne fille. Mais<br />

ce que vous ne sauriez comprendre, c’est l’étonnement naïf de<br />

nos bonnes religieuses dont vous avez été l’élève favorite, en<br />

quelque sorte. Sœur Marie-des-Anges, à la nouvelle que je lui<br />

donnai de votre transformation, se couvrit le visage de ses mains,<br />

en songeant à l’étroite intimité qui vous unissait à elle. « Mon<br />

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