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Mes souvenirs - Adélaïde Herculine Barbin - Éditions du Boucher

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MES SOUVENIRS<br />

véritable pour sa mère dont elle était l’idole. C’était en même<br />

temps la cause d’un sérieux embarras, car, bien que je fusse en<br />

réalité à la tête <strong>du</strong> pensionnat, madame A… en avait toujours la<br />

responsabilité vis-à-vis de l’académie.<br />

Je n’étais pas encore majeure et je ne pouvais par conséquent,<br />

sans une autorisation spéciale, prendre la direction réelle de l’institution.<br />

Madame P… en causa longuement avec moi. Elle avait<br />

fait le rêve de me céder un jour son établissement. À cet égard je<br />

ne la contrariais point. Je voyais s’approcher le jour où tous ses<br />

plans tomberaient d’eux-mêmes!!!…<br />

Pour le moment, néanmoins, je devais accepter ses propositions.<br />

Il s’agissait pour moi de demander à M. l’inspecteur d’académie<br />

l’autorisation de succéder à madame A… comme maîtresse<br />

de pension, jusqu’à l’époque peu éloignée où je pourrais<br />

légalement porter ce titre. Ainsi que je l’ai dit, l’inspecteur était<br />

parfaitement disposé en ma faveur: un refus de sa part n’était<br />

donc pas probable. D’un autre côté, par M. de Saint-M… j’étais<br />

sûre de l’appui <strong>du</strong> préfet. Je l’obtins en effet: ma demande fut<br />

agréée, ce qui causa la plus grande joie à madame P…<br />

Madame A… partit avec son mari vers le milieu de l’hiver,<br />

nous laissant à tous des regrets.<br />

À quelque temps de là les douleurs que j’avais déjà éprouvées<br />

se firent ressentir plus fréquentes, plus intenses. Sara s’en inquiétait,<br />

insistant toujours pour que je visse un médecin. Pour rien au<br />

monde je n’y aurais consenti; la violence <strong>du</strong> mal fut telle qu’il<br />

fallut s’y résigner.<br />

Prévenue par sa fille, madame P… fit venir le docteur T… Je<br />

n’ai pas oublié cette visite; les moindres circonstances me sont<br />

encore présentes à l’esprit. Il était près de six heures <strong>du</strong> soir. On<br />

n’avait pas encore allumé. L’appartement où je me trouvais avec<br />

le docteur était plongé dans une demi-obscurité dont je ne me<br />

plaignais pas.<br />

Les réponses que je fis à ses questions étaient pour lui une<br />

énigme au lieu d’être un éclaircissement. Il voulut me sonder. On<br />

le sait, vis-à-vis d’une malade un médecin jouit de certains privilèges<br />

que personne ne songe à contester. Pendant cette opération<br />

je l’entendais pousser des soupirs, comme s’il n’eût pas été satisfait<br />

de son examen. Madame P… était là, attendant une parole.<br />

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