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Mes souvenirs - Adélaïde Herculine Barbin - Éditions du Boucher

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ADÉLAÏDE HERCULINE BARBIN<br />

être moi pour le deviner! C’étaient toujours de leur part des politesses<br />

sans fin, des allusions perpétuelles au mariage de leur<br />

jeune belle-sœur. Celle-ci acceptait tout avec une gaieté apparente<br />

dont moi seule avais le secret!…<br />

Toujours placée à mes côtés, elle me lançait alors, à la dérobée,<br />

un regard, indifférent pour tout le monde, excepté pour moi!!!<br />

Je trouvais toujours moyen d’y répondre! En somme, cette contrainte<br />

nous pesait horriblement et nous gâtait notre bonheur!<br />

Le rôle que m’imposait la nécessité me causait parfois comme<br />

des remords. Je les faisais taire pour soutenir ma pauvre Sara,<br />

écrasée sous le poids de la honte! Chère et candide enfant! Sa<br />

con<strong>du</strong>ite a-t-elle besoin d’excuse!… Pouvait-elle refuser à<br />

l’amant cette tendresse de sentiments, vouée à l’amie, à la sœur, et<br />

si ce naïf amour devint de la passion, qui donc faut-il accuser,<br />

sinon la fatalité!<br />

Dans nos délicieux tête-à-tête, elle se plaisait à me donner la<br />

qualification masculine que devait, plus tard, m’accorder l’état<br />

civil. Mon cher Camille, je vous aime tant!!! Pourquoi vous ai-je<br />

connu, si cet amour doit faire le malheur de toute ma vie!!!<br />

L’année scolaire touchait à sa fin.<br />

Avec les vacances devait sonner l’heure de la séparation! Deux<br />

mois loin de Sara, c’était bien long!!! Aussi était-il convenu que<br />

je serais de retour à L… quinze jours avant l’ouverture des<br />

classes. Madame P… elle-même m’en fit faire la promesse.<br />

Pauvre mère!!!…<br />

Elle aussi regrettait mon départ! J’étais sa seconde fille!<br />

« Voyons, mademoiselle Camille, me dit-elle un jour, Sara va être<br />

bien seule sans vous! Passez ces vacances avec nous. À ce<br />

moment de l’année le séjour de la campagne a tant de charmes!<br />

Les vendanges vont venir; ce sera pour vous deux une distraction<br />

de plus. » Mon refus ne la blessa pas, car elle comprit bien que je<br />

me devais d’abord à ma mère. Elle ne savait pas jusqu’à quel<br />

point ses offres étaient sé<strong>du</strong>isantes et quel sacrifice je m’imposais<br />

en les rejetant!!!<br />

Le 20 août eut lieu la distribution des prix. Le lendemain, il ne<br />

restait plus une pensionnaire. Nous laissâmes donc le dortoir<br />

pour prendre possession de la petite chambre réservée à Sara,<br />

dans le corps de bâtiment qu’occupait sa mère; madame P…<br />

habitait le rez-de-chaussée.<br />

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