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Mes souvenirs - Adélaïde Herculine Barbin - Éditions du Boucher

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ADÉLAÏDE HERCULINE BARBIN<br />

Certes, personne ne songeait à la fatigue; mais en approchant<br />

des <strong>du</strong>nes, on ne trouve plus la terre ferme; impossible d’avancer<br />

sur ce terrain mouvant.<br />

À chaque pas le pied enfonce au-dessus de la cheville. Force<br />

nous fut de marcher pieds nus. Une gaieté folle animait mes<br />

compagnes. Elle se communique, on le sait, aussi ne cherchais-je<br />

pas à m’y soustraire.<br />

Ces rires francs et joyeux me faisaient <strong>du</strong> bien, et pourtant j’en<br />

étais jalouse malgré moi.<br />

De temps à autre mon front s’inclinait sous le poids d’une tristesse<br />

que je ne pouvais vaincre. Une préoccupation constante<br />

s’était emparée de mon esprit. J’étais dévorée <strong>du</strong> terrible mal de<br />

l’inconnu.<br />

La plus aimable hospitalité nous attendait à T… Les bonnes<br />

sœurs, prévenues de notre arrivée dans leur solitude, nous reçurent<br />

à bras ouverts.<br />

Le village tout entier fut mis à contribution et nous fit l’accueil<br />

le plus sympathique.<br />

Le lait frais, les œufs et les confitures composèrent un<br />

déjeuner auquel nous fîmes le plus grand honneur.<br />

Après le déjeuner nous visitâmes le jardin.<br />

Au premier et unique étage de la maison se trouvait la grande<br />

classe, transformée par nous en un vaste lit de camp. La literie se<br />

composait exclusivement de matelas et de couvertures. C’était<br />

plus que suffisant pour la saison avancée où nous nous trouvions.<br />

La chaleur était excessive. J’avais, comme la plupart de mes compagnes,<br />

essayé de réparer mes forces par un sommeil de quelques<br />

heures.<br />

Je laisse à penser s’il fut bien profond, interrompu à chaque<br />

instant par les bâillements de l’une ou par les rires de l’autre. Je<br />

vois encore ce tableau.<br />

Moitié vêtues et éten<strong>du</strong>es côte à côte sur nos couchettes<br />

improvisées, nous présentions un aspect qui eût pu tenter un<br />

peintre. Je ne parle pas de moi (bien enten<strong>du</strong>).<br />

Sous ce gracieux déshabillé, on distinguait çà et là des formes<br />

admirables qu’un mouvement impromptu venait de temps à<br />

autre mettre à découvert.<br />

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