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Mes souvenirs - Adélaïde Herculine Barbin - Éditions du Boucher

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ADÉLAÏDE HERCULINE BARBIN<br />

Moins effrayée, l’élève placée à mes côtés s’était levée et<br />

s’approchait de mon lit pour me rassurer. J’avais saisi une de ses<br />

mains quand une lueur épouvantable vint embraser tout l’appartement.<br />

Le craquement qui la suivit immédiatement fut tel que je n’en<br />

ai jamais enten<strong>du</strong> de semblable.<br />

En même temps la fenêtre, placée au-dessus de mon lit,<br />

s’ouvrit avec fracas. Éper<strong>du</strong>e, je poussai un cri de détresse qui,<br />

joint à ce qui l’avait précédé, fit croire à un malheur véritable.<br />

Avant qu’on eût pu se rendre compte de ce qui se passait,<br />

j’avais franchi, je ne sais comment, le lit qui me séparait de ma<br />

maîtresse.<br />

Mue comme par un ressort électrique, j’étais tombée anéantie<br />

dans les bras de sœur Marie-des-Anges, qui ne put se dégager de<br />

mon étreinte imprévue.<br />

Ses deux bras s’attachaient à mon cou, tandis que ma tête<br />

s’appuyait avec force contre sa poitrine, couverte seulement d’un<br />

vêtement de nuit.<br />

Le premier moment de frayeur apaisé, sœur Marie-des-Anges<br />

me fit remarquer doucement l’état de nudité dans lequel je me<br />

trouvais. Certes, je n’y songeais pas, mais je la compris sans<br />

l’entendre.<br />

Une sensation inouïe me dominait tout entière et m’accablait de<br />

honte.<br />

Ma situation ne peut s’exprimer.<br />

Quelques élèves entouraient le lit et regardaient cette scène,<br />

ne pouvant attribuer qu’au sentiment de la peur le tremblement<br />

nerveux qui m’agitait… Je n’osais maintenant ni me relever, ni<br />

affronter les regards fixés sur moi. Mon visage décomposé était<br />

couvert d’une pâleur livide. <strong>Mes</strong> jambes pliaient sous moi.<br />

Émue de pitié, mon excellente maîtresse me prodiguait les<br />

plus tendres encouragements. J’étais retombée sur les genoux, la<br />

tête appuyée sur le lit. Ma maîtresse essaya de la soulever d’une<br />

main, tandis que l’autre s’appuyait sur mon front. Je sentis que<br />

cette main me brûlait.<br />

Je l’écartai brusquement et l’appuyai sur mes lèvres avec un<br />

sentiment de bonheur qui m’était inconnu. En tout autre temps<br />

elle m’eût reproché ce mouvement de familiarité qu’elle ne<br />

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