26.06.2013 Views

Mes souvenirs - Adélaïde Herculine Barbin - Éditions du Boucher

Mes souvenirs - Adélaïde Herculine Barbin - Éditions du Boucher

Mes souvenirs - Adélaïde Herculine Barbin - Éditions du Boucher

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

MES SOUVENIRS<br />

Ils s’y rendirent huit jours après la célébration <strong>du</strong> mariage,<br />

auquel ne put assister monsieur de Saint-M…, son état le<br />

condamnant à une claustration rigoureuse.<br />

Après avoir reçu la bénédiction de son aïeul vénéré, cette<br />

adorable femme m’embrassa avec attendrissement, me faisant<br />

promettre de ne jamais l’oublier, dans aucune circonstance de ma<br />

vie.<br />

Elle était loin de moi avant que je fusse en état de lui<br />

répondre.<br />

Cette scène m’avait anéantie.<br />

Je ne pus revoir sans pleurer le coquet appartement qu’avait<br />

occupé ma maîtresse. Une sensation indéfinissable me torturait à<br />

l’idée qu’elle ne serait plus là le matin pour me donner son<br />

premier sourire, sa dernière parole avant de s’endormir.<br />

Un changement allait s’accomplir dans ma destinée. Il me<br />

fallait maintenant une nouvelle occupation.<br />

L’excellent curé de la paroisse, ami de la maison, et mon guide<br />

spirituel, me donna l’idée de me vouer à l’enseignement. Avec<br />

mon autorisation, il en fit part à ma mère ainsi qu’à mon bienfaiteur.<br />

Cette proposition leur plut à tous deux, comme je m’y<br />

attendais.<br />

Elle me déplaisait à moi souverainement. J’avais pour cette<br />

profession une antipathie non raisonnée, mais profonde.<br />

La perspective d’être ouvrière ne me flattait pas davantage. Je<br />

croyais mériter mieux que cela.<br />

Un soir que j’avais fait à monsieur de Saint-M… sa lecture<br />

quotidienne, et que ma mère, assise à mes côtés, lui préparait son<br />

thé, dont une part me revenait toujours, je les vis se consulter <strong>du</strong><br />

regard, comme pour se demander qui devait commencer.<br />

Ce fut lui. « Camille, me dit-il, tu as reçu un bon commencement<br />

d’instruction. Tu es intelligente; il ne tient qu’à toi d’entrer<br />

bientôt à l’école normale de… Avec ta facilité tu en sortiras, d’ici<br />

deux ans, munie d’un brevet de capacité. Nulle carrière ne peut<br />

mieux convenir à tes idées et à tes principes. »<br />

Ses paroles m’avaient touchée, et j’étais frappée d’ailleurs de la<br />

justesse de son raisonnement, en lequel j’avais une foi inébranlable.<br />

Ma résolution fut aussi prompte que ma réponse. Je le<br />

remerciai avec effusion, lui promettant de justifier la bonne<br />

opinion qu’il avait de moi.<br />

18

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!