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La conduite de l'entretien - Canalblog

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<strong>La</strong> <strong>conduite</strong> <strong>de</strong> l’entretien<br />

1<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

1. Une situation d’interaction particulière<br />

2. Un contexte spécifique<br />

3. Le jeu <strong>de</strong> relations émotives et affectives<br />

4. <strong>La</strong> <strong>conduite</strong> <strong>de</strong> l’entretien selon les types d’entretien<br />

4.1. L’entretien non directif<br />

4.1.1 Les aspects techniques <strong>de</strong> l’entretien non directif facilitant l’expression <strong>de</strong> l’Ié<br />

4.1.1.1 Les attitu<strong>de</strong>s<br />

Non-directivité<br />

Respect<br />

Condition positive inconditionnelle ou acceptation inconditionnelle<br />

Neutralité bienveillante<br />

Empathie ou compréhension empathique<br />

Authenticité ou congruence<br />

Disponibilité<br />

4.1.1.2 Les techniques<br />

Accueil, début du premier entretien, prise <strong>de</strong> contact avec le sujet<br />

<strong>La</strong> consigne initiale<br />

Ecoute active ou marques d’écoutes<br />

Les reformulations et les réitérations<br />

Les déclarations, complémentations, interprétations<br />

Recentrage, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’éclaircissement ou inductions, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s neutres<br />

d’informations complémentaires<br />

Les silences<br />

4.2 L’entretien semi-directif<br />

4.3 L’entretien directif<br />

4.4. Choix du type d’entretien<br />

5. Le déroulement <strong>de</strong> l’entretien<br />

5.1 <strong>La</strong> prise <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vous<br />

5.2 Le cadre<br />

5.3 Les objectifs<br />

5.4 Synthétiser, Terminer l’entretien<br />

5.5 Prise <strong>de</strong> notes et magnétophone<br />

5.6 Retranscrire l’entretien<br />

6. Les attitu<strong>de</strong>s et techniques ne facilitant pas l’expression <strong>de</strong> l’Ié<br />

6.1 Le voyeurisme<br />

6.2 Le bavard et le sphinx<br />

6.3 Les présupposés<br />

6.4 Influence, persuasion, manipulation<br />

6.5 Ordonner, comman<strong>de</strong>r et déci<strong>de</strong>r<br />

6.6 Les « mauvaises » interprétations<br />

6.7 Les interrogations<br />

6.8 L’évaluation ou le jugement moral<br />

6.9 Les réponses solution au problème<br />

6.10 Les réponses soutien-consolation<br />

6.11 l’abolition <strong>de</strong>s distances entre Ir et Ié<br />

6.12 L’activisme thérapeutique<br />

Bibliographie


2<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

Conduire une entretien, c’est :<br />

- apprendre à parler et à faire parler les autres, à mesurer leurs propres paroles ;<br />

- savoir user <strong>de</strong> « métho<strong>de</strong>s douces d’extorsion <strong>de</strong> réponses » pour obtenir <strong>de</strong>s<br />

informations ;<br />

- savoir déceler sous les hésitations embrouillées, sous les silences confus, sous les<br />

allusions timi<strong>de</strong>s, les chemins qu’il faut explorer pour percer les secrets <strong>de</strong> ce<br />

« hm » par lequel l’Ir ponctue le discours <strong>de</strong> l’Ié, le met en confiance, le comprend,<br />

l’encourage, l’interroge, le menace même parfois.<br />

L’entretien suppose toujours :<br />

1. Une situation d’interaction particulière<br />

<strong>La</strong> rencontre dans le cadre d’un entretien n’est pas une situation ordinaire. Il s’agit<br />

d’une situation d’interaction particulière : <strong>de</strong>ux individus qui ne se connaissent pas échangent<br />

<strong>de</strong>s propos sur un sujet pendant une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> temps limité. <strong>La</strong> relation est duelle, <strong>de</strong> face à<br />

face et cette relation est spécifique et requiert une approche particulière <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong><br />

communication.<br />

L’un (Ié/enquêté/client) n’a pas forcément <strong>de</strong>mandé à être interrogé 1 (il accepte ou<br />

subit) et n’a rien <strong>de</strong> tangible à gagner ou à perdre à l’entretien 2 ; l’autre (Ir, enquêteur,<br />

psychologue) est intéressé en vue d’obtenir <strong>de</strong>s informations en vue d’une étu<strong>de</strong>, dans une<br />

visée <strong>de</strong> diagnostic, dans une visée <strong>de</strong> prise en charge psychothérapique.<br />

Un impératif dans cet échange <strong>de</strong> paroles :<br />

a) motiver le répondant :<br />

- pour le persua<strong>de</strong>r <strong>de</strong> participer à l’entretien, d’être partenaire <strong>de</strong> l’entretien. Les<br />

raisons pour qu’il accepte peuvent être :<br />

- la simple politesse qui empêche <strong>de</strong> refuser ;<br />

- l’occasion <strong>de</strong> pouvoir abor<strong>de</strong>r un thème intéressant avec quelqu’un ;<br />

- l’opportunité <strong>de</strong> contribuer à la connaissance scientifique ;<br />

- le sentiment positif d’ai<strong>de</strong>r l’Ir ;<br />

- la recherche <strong>de</strong> modifications dans la représentation <strong>de</strong> soi et/ou <strong>de</strong>s<br />

problèmes, mais aussi parfois <strong>de</strong>s comportements selon le type <strong>de</strong> thérapie 3 .<br />

b) maintenir constamment l’intérêt <strong>de</strong> l’Ié.<br />

a)+b) impliquent que l’Ir doit possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s compétences dans la <strong>conduite</strong> <strong>de</strong>s entretiens et<br />

dans la formulation <strong>de</strong>s questions.<br />

2. Un contexte spécifique<br />

<strong>La</strong> communication dépend par exemple :<br />

- <strong>de</strong>s différences <strong>de</strong> cultures (cf. entretiens ethnopsychiatriques) ;<br />

- <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> relations entre les personnes. Tout ce qui s’est passé avant<br />

l’entretien conditionne la rencontre. De ce fait, chacun conçoit l’événement en<br />

fonction d’enjeux particuliers : réels ou imaginaires, humains ou économiques,<br />

personnels ou sociaux.<br />

1 Entretien <strong>de</strong>mandé par un tiers (parent, mé<strong>de</strong>cin, institution).<br />

2 <strong>La</strong>urence, 45 ans consulte un psychologue sur l’insistance <strong>de</strong> son mé<strong>de</strong>cin traitant qui « prétend » (dit-elle) que les troubles divers qu’elle<br />

présente <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années sont « d’origine nerveuse ». Après avoir expliquer ses problèmes, elle dit : « Mais pourquoi parler <strong>de</strong> tout cela<br />

avec vous, est-ce vraiment utile ? D’ailleurs, « je n’attends pas grand chose <strong>de</strong> cet entretien, quelques conseils peut-être pour son mé<strong>de</strong>cin<br />

traitant, afin qu’il puisse mieux la comprendre et la suivre efficacement.<br />

3 Dans une entretien clinique à visée thérapeutique, le client est fortement impliqué dans la situation <strong>de</strong> communication et attend un<br />

changement psychologique à la suite <strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s rencontre(s). Le patient parle <strong>de</strong> ses difficultés, <strong>de</strong> ses angoisses, <strong>de</strong> ses peurs, <strong>de</strong> ses<br />

passions. Le thérapeute l’écoute et analyse ses réactions. Les entretiens peuvent se répéter et conduire à une relation affective très chargée, un<br />

transfert ou un contre-transfert entre patient et thérapeute.


3<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

Le discours d’une personne ne peut être interprété en <strong>de</strong>hors d’un contexte particulier qui lui<br />

donne un sens relatif et circonstancié. Il faut donc être pru<strong>de</strong>nt dans l’utilisation d’une<br />

information recueillie dans une situation mal définie, dans laquelle l’individu ne peut<br />

percevoir clairement l’objectif <strong>de</strong> l’entretien. L’information sera probablement brouillée,<br />

déformée, biaisée et donc difficilement exploitable : d’où la nécessité <strong>de</strong> bien définir les<br />

objectifs <strong>de</strong> l’entretien, la situation d’entretien et les visées <strong>de</strong> l’entretien avec l’Ié et/ou le<br />

patient.<br />

3. Le jeu <strong>de</strong> relations émotives et affectives<br />

<strong>La</strong> rencontre se noue autour <strong>de</strong>s statuts, <strong>de</strong>s rôles, <strong>de</strong>s images réciproques. <strong>La</strong> relation<br />

met en jeu <strong>de</strong>s émotions, <strong>de</strong>s sentiments, <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> pouvoir, d’influence, <strong>de</strong> séduction, <strong>de</strong><br />

rivalité et d’opposition. L’entretien sera donc influencée par toutes les perceptions<br />

réciproques ; les phénomènes <strong>de</strong> projection, d’interprétation, d’i<strong>de</strong>ntification à l’interlocuteur<br />

altèrent et déforment les messages.<br />

Le besoin <strong>de</strong> clarifier la situation, <strong>de</strong> toujours vérifier la compréhension est donc une nécessité<br />

dans toutes les situations d’entretien. Cela ne veut pas dire que la transparence <strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s<br />

métho<strong>de</strong>(s) utilisées amènent une transparence <strong>de</strong>s sentiments et <strong>de</strong>s émotions. L’affectivité<br />

ne fonctionne pas sur un mo<strong>de</strong> binaire. L’individu peut éprouver à la fois <strong>de</strong>s sentiments<br />

positifs et négatifs. Le jeu <strong>de</strong>s relations est toujours marqué par le poids <strong>de</strong> l’affectivité avec<br />

ses contradictions, ses ambiguïtés, ses ambivalences.<br />

Du côté <strong>de</strong> l’Ié, il peut produire une information déformée s’il a le désir <strong>de</strong> maintenir<br />

l’estime <strong>de</strong> soi, <strong>de</strong> faire bonne figure et <strong>de</strong> se montrer comme quelqu’un <strong>de</strong> tout à fait dans la<br />

norme sociale. Des mécanismes <strong>de</strong> défense peuvent également jouer lorsque l’Ié attribue aux<br />

autres <strong>de</strong>s sentiments qu’il n’ose pas prendre en compte (« les gens disent… ; mes voisins<br />

pensent » (projection). Il oublie <strong>de</strong>s éléments pénibles, <strong>de</strong>s échecs, transforme<br />

inconsciemment la réalité, parle d’autre chose pour ne pas traiter un point impliquant. Il peut<br />

aussi avoir <strong>de</strong>s difficultés à se souvenir du passé ou le reconstruire.<br />

Du côté <strong>de</strong> l’Ir, la qualité et la quantité <strong>de</strong>s informations obtenues dépen<strong>de</strong>nt<br />

beaucoup <strong>de</strong> l’Ir : certains essuient <strong>de</strong>s refus ou <strong>de</strong>s non-réponses multiples alors que d’autres<br />

au contraire savent obtenir <strong>de</strong>s informations nombreuses et intéressantes.<br />

L’Ir peut influencer les réponses en raison <strong>de</strong> ses caractéristiques physiques ou personnelles ,<br />

visibles ou perçues par l’Ié : âge, sexe, race, classe sociale, éducation, …<br />

4. <strong>La</strong> <strong>conduite</strong> <strong>de</strong> l’entretien selon les types d’entretien<br />

<strong>La</strong> manière <strong>de</strong> conduire un entretien dépend d’un certains nombre <strong>de</strong> facteurs :<br />

- <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong> l’entretien (visée diagnostique, thérapeutique, <strong>de</strong> recherche ou<br />

d’orientation) ;<br />

- <strong>de</strong>s modèles théoriques et <strong>de</strong> la formation du clinicien ;<br />

- <strong>de</strong> la personnalité et <strong>de</strong> l’âge du sujet et <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> l’interaction au cours <strong>de</strong><br />

l’entretien ;<br />

- <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> (vient-elle du sujet ? <strong>de</strong> la famille ?, <strong>de</strong> l’institution ?, du<br />

chercheur ?;<br />

- du moment et <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> l’entretien (premier entretien ou suivants, contexte<br />

d’hospitalisation ou <strong>de</strong> consultation externe, contexte <strong>de</strong> crise ou non, …).


4<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

Nous pourrions encore multiplier les facteurs susceptibles d’avoir une inci<strong>de</strong>nce sur le<br />

déroulement d’un entretien.<br />

Ce que l’on peut dire, c’est que la manière <strong>de</strong> mener un entretien s’appuie sur <strong>de</strong>s techniques<br />

(non-directivité, semi-directivité) et une certaine attitu<strong>de</strong> (attitu<strong>de</strong> clinique) adoptée par le<br />

psychologue clinicien.<br />

On peut dire que les aspects techniques (non-directivité, semi-directivité) et l’attitu<strong>de</strong> clinique<br />

représentent les aspects les plus stables <strong>de</strong> l’entretien dit « clinique » et cela quelles que soient<br />

les modalités et les conditions <strong>de</strong> l’entretien.<br />

4.1. L’entretien non directif<br />

Il s’agit d’un entretien centré sur la personne au cours duquel ce n’est pas le clinicien qui<br />

oriente le discours du patient, mais le patient ou le sujet qui parle librement <strong>de</strong> lui-même en<br />

contrôlant et en menant son discours comme il l’entend.<br />

Le clinicien pose une question, donne une consigne ou circonscrit un thème et laisse parler le<br />

sujet. Le thème proposé permet souvent au sujet d’évoquer ses problèmes <strong>de</strong> santé, ses<br />

souvenirs d’enfance, sa vie familiale, ses problèmes professionnels et ce sont justement ses<br />

associations libres qui intéressent le clinicien. Le clinicien va donc utiliser <strong>de</strong>s techniques<br />

d’écoute et d’interventions <strong>de</strong>stinées à favoriser la libre expression du sujet, à l’encourager à<br />

préciser sa pensée et à l’inviter à poursuivre. Elles respectent les moments <strong>de</strong> silence, les<br />

arrêts, les discontinuités, les associations pour favoriser le discours du sujet. Même si dans<br />

l’entretien non directif, l’attitu<strong>de</strong> clinique est faite <strong>de</strong> respect et d’écoute bienveillante, elle<br />

n’est pas une absence <strong>de</strong> parole.<br />

Une absence <strong>de</strong> parole du psychologue au cours <strong>de</strong> l’entretien non directif est vécu par <strong>de</strong><br />

nombreux patients comme une absence d’empathie et une véritable froi<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la part du<br />

psychologue. Le psychologue doit être présent, disponible. Certains patients ont besoin d’une<br />

écoute plus active et d’interventions plus fréquentes pour se sentir soutenus et pouvoir<br />

verbaliser.<br />

4.1.1 Les aspects techniques <strong>de</strong> l’entretien non directif facilitant l’expression <strong>de</strong> l’Ié<br />

Ils sont indissociables <strong>de</strong> l’attitu<strong>de</strong> clinique du clinicien.<br />

4.1.1.1 Les attitu<strong>de</strong>s<br />

Non-directivité<br />

Attitu<strong>de</strong> envers le sujet/le client par laquelle le thérapeute se refuse à orienter le client, à<br />

penser ce que le client doit penser, agir, sentir d’une manière déterminée. Attitu<strong>de</strong> où la<br />

centration est essentielle. Cette attitu<strong>de</strong> est prônée par Carl Rogers dans la relation d’ai<strong>de</strong>. Elle<br />

implique que le thérapeute ait confiance en son patient et dans ses capacités d’autodirection,<br />

<strong>de</strong> changement et dans ses possibilités personnelles. Il s’agit d’une attitu<strong>de</strong> respectueuse,<br />

empathique, compréhensive, congruente et confiante à l’égard du patient , seule manière <strong>de</strong><br />

changer le sujet selon lui.<br />

Respect<br />

Premier principe du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> déontologie <strong>de</strong>s psychologues 4 : le respect <strong>de</strong> la personne dans sa<br />

dimension, psychique est un droit indéniable. Sa reconnaissance fon<strong>de</strong> l’action <strong>de</strong>s<br />

psychologues.<br />

Cela concerne le respect <strong>de</strong>s droits fondamentaux <strong>de</strong>s personnes, <strong>de</strong> leur dignité, <strong>de</strong> leur<br />

liberté, <strong>de</strong> leur protection, du secret professionnel et implique le consentement libre et éclairé<br />

<strong>de</strong>s personnes concernées.<br />

4 Signé par les associations représentant les psychologues et les enseignants-chercheurs en psychologie (AEPU : Association <strong>de</strong>s enseignants<br />

<strong>de</strong> psychologie <strong>de</strong>s universités ; ANOP : Association nationale <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong>s psychologues ; Société Française <strong>de</strong> Psychologie).


5<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

Au niveau <strong>de</strong> l’entretien, cette position éthique peut se traduire par le respect <strong>de</strong> la<br />

personnalité du sujet, <strong>de</strong> ses appartenances sociales, culturelles, professionnelles, <strong>de</strong> certains<br />

<strong>de</strong> ses aménagements défensifs.<br />

Condition positive inconditionnelle ou acceptation inconditionnelle<br />

Acceptation inconditionnelle <strong>de</strong> ce qui est dit, <strong>de</strong> la manière dont cela est exprimé et du fait<br />

que l’autre ne souhaite pas exprimer tel ou tel sentiment.<br />

Neutralité bienveillante<br />

<strong>La</strong> neutralité bienveillante est le complément indispensable à l’acceptation inconditionnelle <strong>de</strong><br />

l’autre. Le clinicien ne doit pas formuler <strong>de</strong> jugements, <strong>de</strong> critiques ou <strong>de</strong> désapprobations à<br />

l’égard du sujet. Elle n’est pas fondée sur une neutralité passive fondée sur un refus <strong>de</strong><br />

s’engager. Elle n’est pas <strong>de</strong> la froi<strong>de</strong>ur ou <strong>de</strong> la distance mais doit s’associer à la<br />

bienveillance. Elle est un engagement positif reposant sur l’intérêt porté à l’autre, ie sur une<br />

considération positive pour lui permettre <strong>de</strong> s’exprimer librement en toute confiance.<br />

Empathie ou compréhension empathique<br />

Il s’agit <strong>de</strong> comprendre <strong>de</strong> manière exacte le mon<strong>de</strong> intérieur du sujet dans une sorte<br />

d’appréhension intuitive. Il s’agit selon Rogers « non pas <strong>de</strong> se mettre à la place <strong>de</strong> l’autre<br />

mais d’essayer <strong>de</strong> savoir comment on se sent si l’on est l’autre, afin <strong>de</strong> ressentir non<br />

seulement les choses superficiellement mais aussi accé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s significations plus profon<strong>de</strong>s.<br />

L’empathie serait d’ailleurs déterminer par 2 composantes :<br />

- <strong>La</strong> réceptivité aux sentiments vécus par l’autre ;<br />

- <strong>La</strong> capacité verbale <strong>de</strong> communiquer cette compréhension.<br />

Si ce climat est crée, alors pourra se mettre en œuvre la capacité que tout individu a <strong>de</strong> se<br />

comprendre lui-même et <strong>de</strong> résoudre ses propres problèmes.<br />

L’empathie du clinicien apparaît comme un principe clé <strong>de</strong> la psychothérapie et <strong>de</strong> son<br />

efficacité.<br />

Authenticité ou congruence<br />

L’authenticité est la condition indispensable pour que le climat souhaité s’instaure, c’est que<br />

le thérapeute ou l’Ir s’intéresse réellement à ce qu’exprime l’autre. Seule l’authenticité <strong>de</strong><br />

l’intérêt permet d’être disponible pour lui, par rapport à ce qu’il dit. Elle est la condition<br />

absolue d’une écoute compréhensive. Cette authenticité peut aller jusqu’à <strong>de</strong>voir exprimer ses<br />

propres sentiments dans la situation d’interaction.<br />

Disponibilité<br />

L’Ir doit se rendre disponible, trouver un lieu approprié, être dégagé momentanément d’autres<br />

tâches auprès <strong>de</strong>s patients ou <strong>de</strong> l’équipe, Etre prêt à écouter l’Ié.<br />

4.1.1.2 Les techniques<br />

Accueil, début du premier entretien, prise <strong>de</strong> contact avec le sujet<br />

Dès les premiers instants, L’Ir doit motiver l’Ié, accrocher son intérêt, la mettre en confiance<br />

pour l’amener à collaborer dans l’entretien. IL faut créer un climat favorable à l’échange.<br />

Poignée <strong>de</strong> main dès l’entrée ;<br />

Geste qui invité à s’asseoir ;<br />

Ton <strong>de</strong> la voix, mimique d’accueil<br />

Quelles informations donner ?<br />

Se présenter et présenter l’institution ou l’organisme <strong>de</strong> recherche ainsi que<br />

l’objectif <strong>de</strong> l’entretien ;<br />

Insister sur l’intérêt <strong>de</strong> l’entretien pour l’Ié et/ou pour l’Ir ;<br />

<strong>La</strong> situation d’entretien acceptée, il faut informer l’Ié <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong><br />

réalisation <strong>de</strong> l’entretien : lieu, durée approximative, enregistrement (expliquer<br />

pourquoi le magnétophone est utilisé : ai<strong>de</strong> mémoire, pour éviter <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s<br />

notes et être à l’écoute, …), déroulement <strong>de</strong> l’entretien, …


6<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

L’évocation <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> déontologie professionnelle peut contribuer à rassurer<br />

l’Ié : respect <strong>de</strong> l’anonymat, confi<strong>de</strong>ntialité, liberté <strong>de</strong> répondre.<br />

Cette première rencontre menée sans hâte est <strong>de</strong>stinée à dédramatisée la situation d’entretien<br />

pour éviter que l’Ié ne se sente angoissé : il faut lui montrer qu’il n’y a aucun risque à<br />

répondre à l’entretien. Avant <strong>de</strong> commencer l’entretien, on s’assure que l’Ié n’a plus<br />

d’interrogations sur la situation. On doit se trouver face à une personne à l’aise et sans<br />

appréhension.<br />

Le premier entretien désigne un échange inaugural qui se centre surtout autour <strong>de</strong> la parole,<br />

entre <strong>de</strong>ux personnes aux fonctions distinctes : un clinicien et un patient dont les positions<br />

d’écoute et <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sont dissymétriques. D’un point <strong>de</strong> vue clinique, il constitue un outil<br />

d’investigation et <strong>de</strong> diagnostic. Il vise le changement et dispose d’une dimension évolutive<br />

où s’inscrit sa potentialité thérapeutique. Un premier entretien peut être unique ou se<br />

poursuivre sous le forme d’une consultation ou déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l’engagement d’une cure<br />

analytique, psychothérapique.<br />

<strong>La</strong> consigne initiale<br />

C’est la question ouvert <strong>de</strong> départ, celle qui va définir le thème du discours, lorsque les <strong>de</strong>ux<br />

protagonistes sont installés pour l’entretien.<br />

« J’aimerais que vous me parliez <strong>de</strong> votre vie hors travail… »<br />

Ecoute active ou marques d’écoutes<br />

L’Ir doit porter un certain intérêt à l’Ié, une attention qui doit donner à l’Ié le sentiment qu’il<br />

est vraiment écouté. L’Ir doit utiliser <strong>de</strong>s expressions brèves qui manifestent la<br />

compréhension et l’intérêt et invitent à poursuivre le discours : « je vois… », « je<br />

comprends… », « oui », « hum ». Attitu<strong>de</strong>s, mimiques (grommellements, hochements <strong>de</strong> têtes,<br />

…), regards sont autant d’encouragements sans verbalisation.<br />

Les reformulations et les réitérations<br />

Elles consistent à répéter un contenu déjà exprimé par l’Ié. Elles constituent <strong>de</strong>s extractions <strong>de</strong><br />

contenu et non <strong>de</strong>s ajouts <strong>de</strong> sens. Elles traduisent une confirmation d’écoute, signalent à<br />

l’interviewé que l’on a bien entendu ce qu’il a dit tout en lui <strong>de</strong>mandant d’expliciter<br />

davantage l’énoncé réitéré. On différencie ici <strong>de</strong>ux catégories : l’écho et le reflet.<br />

• l’écho ou le miroir : répéter à quelqu’un quelque chose qu’il vient d’énoncer, ce qui lui<br />

manifeste qu’on a bien entendu et compris ce qu’il vient <strong>de</strong> dire et que l’on a effectué une<br />

sélection dans l’ensemble <strong>de</strong> son discours, <strong>de</strong>s éléments qui nous intéresse (en fonction du<br />

contrat) 5 . Ce type d’intervention peut être stimulante à petite dose et encourage à<br />

développer et marque la sympathie. Mais utilisée systématiquement, elle peut bloquer par<br />

son aspect artificiel.<br />

Ié : « je suis complètement découragé et je n’en peux plus, je suis fatigué <strong>de</strong> tout<br />

çà… ».<br />

Ir : « découragé… ? ».<br />

Ié : « J’ai suivi ce traitement pendant six mois et je ne vais pas mieux ».<br />

Ir : « Vous n’allez pas mieux ? ».<br />

• Le reflet : c’est expliciter une attitu<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s émotions, <strong>de</strong>s sentiments non dits (ou tout au<br />

moins ce qui peut être perçu à travers <strong>de</strong>s intonations, silences, hésitations, mimiques). Ce<br />

n’est pas un simple « oui » mais une reformulation qui montre au sujet que l’on a compris<br />

ce qu’il ressent. Ce type d’intervention est parfois nécessaire pour lever les blocages et<br />

5 « Contrairement aux apparences cette intervention est offensive vis-à-vis <strong>de</strong> l’ié, dont elle emprunte et retourne à souhait les énoncés »<br />

Blanchet, 1987, p. 110. Son usage abusif produit une interlocution artificielle et peut provoquer <strong>de</strong>s résistances à <strong>de</strong>s soumissions (on cè<strong>de</strong> à<br />

l’autre une certaine responsabilité <strong>de</strong> son acte d’énonciation), dans tous les cas on peut réduire la spontanéité du sujet et agacé Ié.


7<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

favoriser l’auto-exploration. Mais le reflet peut être perçu par l’Ié comme une remise en<br />

cause <strong>de</strong> ses propos. L’effet dépend <strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong> l’Ir.<br />

Ié : « je suis complètement découragé et je n’en peux plus, je suis fatigué <strong>de</strong> tout<br />

ça… ».<br />

Ir : « vous n’en pouvez vraiment plus et c’est cela que vous éprouvez en ce<br />

moment ».<br />

Ié : « Vous pensez que…, vous avez l’impression que…, cela vous paraît…, vous<br />

craignez que…, vous semblez très insatisfait… ».<br />

• Les résumés : consiste à reprendre l’ensemble <strong>de</strong> ce qui a été dit par l’Ié pour en faire un<br />

résumé. Il s’agit en fait <strong>de</strong> faire ressortir sans en déformer le sens, les points essentiels.<br />

Elle doit permettre au sujet <strong>de</strong> structurer sa pensée tout en gardant l’essentiel <strong>de</strong> ce qui a<br />

été dit. Cette relance est souvent utilisée à la fin d’un entretien, elle permet en outre à<br />

l’interviewé <strong>de</strong> repréciser <strong>de</strong>s choses ou <strong>de</strong> revenir sur <strong>de</strong>s points incompris par l’Ir… L’Ir<br />

peut proposer <strong>de</strong>s déductions logiques sur le contenu, compléter une idée ou même faire<br />

<strong>de</strong>s anticipations incertaines (« Peut-on aller jusqu’à dire que… »). Bien faite la<br />

reformulation est très utile ; mal faite, elle peut être gênante car l’Ié la ressent comme<br />

extérieure à lui et risque <strong>de</strong> se sentir incompris.<br />

Ir : « Si je vous suis bien, vous avez dit que…, vous voulez dire que…, en d’autres<br />

termes…, pour résumer… ».<br />

Les déclarations, complémentations, interprétations<br />

Déclarations : il s’agit <strong>de</strong> tentatives <strong>de</strong> l’Ir pour ai<strong>de</strong>r l’Ié à produire un discours plus complet<br />

et plus cohérent que celui déjà fourni.<br />

On peut distinguer encore les complémentations visant l’exhaustivité et les interprétations<br />

soulignant l’existence d’une chaîne causale entre les éléments du discours.<br />

Complémentations : il s’agit d’une synthèse partielle, d’une anticipation incertaine,<br />

d’inférences sur le contenu. L’interviewer ne donne pas son point <strong>de</strong> vue tout en le laissant<br />

supposer, il ne fait pas d’interprétation mais fait savoir qu’il écoute ce qu’on lui dit.<br />

= toutes interventions ou adjonctions qui vient ajouter un élément d’i<strong>de</strong>ntification à la<br />

référence <strong>de</strong> l’énoncé :<br />

Ié : « oui, vous savez dans ces cas là (embouteillage) les gens sont impolis et<br />

grossier au volant <strong>de</strong> leur voiture ».<br />

Ié : « vous avez dit que les gens étaient impolis et grossier au volant dois-je en<br />

déduire que vous considérez les gens comme agressifs au volant ? ».<br />

Interprétations : c’est formuler en allant au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la pensée du sujet, en lui proposant <strong>de</strong>s<br />

pistes <strong>de</strong> lectures auxquelles il n’avait pas pensé : « Ce que vous me dites ne s’explique-t-il<br />

par par… », « c’est donc que… ». Si la personne vali<strong>de</strong> l’interprétation et la reprend à son<br />

compte, ça peut être positif ; mais si cette idée lui est étrangère, le sujet risque d’être gêné et<br />

<strong>de</strong> se désimpliquer 6 .<br />

Recentrage, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’éclaircissement ou inductions, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s neutres<br />

d’informations complémentaires<br />

Recentrage : Reprendre la question <strong>de</strong> départ ou relancer sur le <strong>de</strong>rnier développement<br />

intéressant pour éviter les digressions.<br />

Ir : « Au début <strong>de</strong> l’entretien, vous m’avez dit que … ».<br />

Deman<strong>de</strong> d’éclaircissement : <strong>La</strong> tactique <strong>de</strong> l’incompréhension volontaire peut être payante :<br />

« Je ne vois pas bien ce que vous voulez dire, pouvez-vous précisez votre pensée ? ».<br />

Je ne comprends pas bien, ce n’est pas clair pour moi, pouvez-vous m’expliquer ? ».<br />

Deman<strong>de</strong>s neutres d’informations complémentaires : ce sont <strong>de</strong>s invitations à donner <strong>de</strong>s<br />

précisions pour décrire une situation ou faire spécifier les cadres <strong>de</strong> référence :<br />

6 Attention à l’emploi d’un vocabulaire spécialisé, il faut que le sujet comprenne ce que vous lui renvoyez <strong>de</strong> lui.


8<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

« Voulez-vous m’expliquer davantage ? », « Pouvez-vous donner un exemple ? »,<br />

« cela m’intéresse, pouvez-vous m’en dire plus à ce sujet ? ».<br />

L’Ir peut aussi revenir sur <strong>de</strong>s aspects du thème traités <strong>de</strong> manière trop rapi<strong>de</strong> ou superficielle.<br />

Les silences<br />

Souvent craints par les Ir débutants, ils ne sont pas toujours gênants. Certains silences ont un<br />

effet bénéfique temps d’auto-exploration pour enrichir ou formuler ses idées, retour sur soi<br />

sur ses émotions, temps <strong>de</strong> récupération pour Ir et Ié) = silence plein.<br />

En cas <strong>de</strong> silence prolongé 7 , l’Ir s’efforce <strong>de</strong> ménager <strong>de</strong>s transitions pour réintroduire le<br />

thème : « Vous m’aviez dit tout à l’heure…., j’aimerais qu’on approfondisse… ».<br />

4.2. L’entretien semi-directif<br />

Dans ce type d’entretien, le clinicien dispose d’un gui<strong>de</strong> d’entretien ; il a en tête quelques<br />

questions qui correspon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>s thèmes sur lesquels il se propose <strong>de</strong> mener son<br />

investigation. Ces questions ne sont pas posées <strong>de</strong> manière hiérarchisée ni ordonnée mais au<br />

moment opportun <strong>de</strong> l’entretien, à la fin d’une association du sujet par exemple.<br />

Ce qui est proposé c’est avant tout une trame à partir <strong>de</strong> laquelle le sujet va pouvoir dérouler<br />

son discours, c’est le clinicien qui cadre le discours à partir <strong>de</strong>s questions du gui<strong>de</strong> mais il<br />

adopte toute <strong>de</strong> même une attitu<strong>de</strong> non directive : il n’interrompt pas le sujet, le laisse associer<br />

librement mais seulement sur le thème proposé.<br />

4.2.1 Le gui<strong>de</strong> d’entretien<br />

Il est établi après <strong>de</strong>s entretiens exploratoires, le gui<strong>de</strong> se présente sous la forme <strong>de</strong> « pensebête<br />

» en répertoriant les thèmes et/ou axes thématiques qui doivent être abordés au cours <strong>de</strong><br />

l’entretien semi-directif.<br />

Le gui<strong>de</strong> comporte une consigne initiale : « j’aimerais que vous me parliez <strong>de</strong>… » ; « ce que<br />

cela représente pou vous (consignes induisant un discours d’opinions) ; «« j’aimerais que<br />

vous me parliez <strong>de</strong>… » ; « comment ça s’est passée… » (consigne induisant un discours <strong>de</strong><br />

narration). Il peut revêtir une forme plus ou moins détaillée, <strong>de</strong> la liste <strong>de</strong> trois ou quatre<br />

grands thèmes que l’Ir connaît bien jusqu’à une série d’informations spécifiées sur <strong>de</strong>ux ou<br />

trois pages.<br />

On s’attachera à donner à ce document une présentation qui le ren<strong>de</strong> facile à utiliser, avec <strong>de</strong>s<br />

mots clés très apparents. On peut coupler les thèmes avec <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> questions neutres.<br />

4.2.2 Comment introduire les thèmes du gui<strong>de</strong> ?<br />

<strong>La</strong> <strong>conduite</strong> d’un entretien guidé est peu différente <strong>de</strong> celle d’un entretien non directif (phase<br />

<strong>de</strong> présentation, consigne, approfondissement). L’Ié explore avec l’Ié la question <strong>de</strong> départ.<br />

L’Ir induit <strong>de</strong> façon privilégiée l’auto-exploration au niveau <strong>de</strong>s thèmes du gui<strong>de</strong> évoqué<br />

spontanément par le sujet (réexpressions, relances…). Si la question <strong>de</strong> départ est bien<br />

formulée, la plupart <strong>de</strong>s thèmes du gui<strong>de</strong> sont abordés naturellement par l’Ié. Lorsqu’un<br />

thème doit être induit, il est proposé avec souplesse.<br />

Le gui<strong>de</strong> n’est pas un cadre rigi<strong>de</strong>. L’ordre <strong>de</strong>s thèmes prévus est le plus logique possible,<br />

mais il n’est pas imposé : chaque entretien a sa dynamique propre. Le seul point important est<br />

que tout les Ié aient abordé tous les thèmes du gui<strong>de</strong> avant <strong>de</strong> terminer l’entretien – ce qui<br />

permettra <strong>de</strong> réaliser une analyse comparative <strong>de</strong>s différents entretiens.<br />

7 Remarque : un silence trop long peut <strong>de</strong>venir source <strong>de</strong> tension et <strong>de</strong> malaise pour l’Ié et pour l’Ir qui peut être difficile à canaliser parfois =<br />

silence vi<strong>de</strong> (dans le sens où le silence correspond à une absence d'élaboration mentale = l'Ié n'a plus rien à dire).


9<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

Exemple : gui<strong>de</strong> d’entretien sur le tabagisme avec <strong>de</strong>s fumeurs consultant pour sevrage tabagique<br />

Thèmes du gui<strong>de</strong> d’entretien Relances verbales prévues<br />

1. Initiation tabagique : entrée dans le tabagisme, contexte<br />

psychologique <strong>de</strong>s premières cigarettes, contexte psychoenvironnemental<br />

<strong>de</strong> l‘initiation tabagique avec le tabagisme<br />

familial, amical et social<br />

2. Perte <strong>de</strong> choix et intériorisation du tabagisme : installation<br />

progressive dan le tabagisme, poursuite du tabagisme<br />

3. Le contexte psychopathologique <strong>de</strong> l’arrêt ou <strong>de</strong> la reprise<br />

du tabagisme : décision d’arrêter <strong>de</strong> fumer et moyens mis en<br />

œuvre, tentatives d’arrêt, durée <strong>de</strong> l’arrêt, reprise du<br />

tabagisme<br />

4. Le contexte physiopathologique du tabagisme :<br />

dépendance tabagique : physiologique, psychologique et<br />

comportementale ; ressenti douloureux et négatif <strong>de</strong> cette<br />

dépendance ; troubles liés à la nicotine, sevrage à la nicotine ;<br />

difficultés rencontrées par les fumeurs pour arrêter <strong>de</strong> fumer.<br />

Quelles sont les circonstances qui vous ont conduit à<br />

commencer à fumer ?<br />

A partir <strong>de</strong> quel moment, avez-vous fumer régulièrement ?<br />

Comment en êtes-vous venu à penser à arrêter <strong>de</strong> fumer ou à<br />

tenter <strong>de</strong> le faire ?<br />

Pourriez-vous décrire votre ressenti par rapport à votre<br />

dépendance tabagique ?<br />

4.3. L’entretien directif<br />

Il peut être utilisé en psychologie clinique pour compléter les investigations. Il correspond au<br />

questionnaire dans lequel les questions sont ordonnées et hiérarchisées. Cet entretien n’est pas<br />

centré sur la verbalisation spontanée du sujet : celui-ci répond seulement aux questions qui<br />

sont posées, ce qui ne permet pas une gran<strong>de</strong> implication personnelle.<br />

4.4. Choix du type d’entretien<br />

Chaque type d’entretien est plus ou moins adapté à une situation ou à un sujet. C’est pourquoi<br />

le psychologue ne doit pas adopter une technique rigi<strong>de</strong> qui soit uniquement non directive. Le<br />

clinicien doit modifier le cadre technique <strong>de</strong> l’entretien si le contexte ne s’y prête pas.<br />

- Les entretiens à visée diagnostique, à visée d’évaluation psychologique ou les<br />

premiers entretiens en psychothérapie peuvent nécessiter davantage d’interventions<br />

<strong>de</strong> la part du clinicien pour mieux connaître le sujet ;<br />

- Certains patients ont besoin d’être soutenus et ont besoin que le clinicien<br />

intervienne davantage ;<br />

- D’autres patients au contraire peuvent ressentir les interventions du psychologue<br />

comme une véritable intrusion ;<br />

Au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s modèles théoriques <strong>de</strong> référence qui prônent une attitu<strong>de</strong> plus ou moins directive,<br />

c’est aussi toute la finesse clinique du psychologue, son savoir-faire et son expérience<br />

pratique qui doivent orienter ses choix techniques.<br />

5. Le déroulement <strong>de</strong> l’entretien<br />

5.1 <strong>La</strong> prise <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vous<br />

Il faut gar<strong>de</strong>r à l’esprit la façon dont les patients prennent ren<strong>de</strong>z-vous. Elle peut être un bon<br />

indicateur du déroulement ultérieur <strong>de</strong> l’entretien : il y a ceux qui ne peuvent pas attendre la<br />

semaine suivante, ceux qui se recomman<strong>de</strong>nt d’untel ou d’un tel, ceux qui veulent connaître<br />

les tarifs, le type <strong>de</strong> prise en charge, le nombre <strong>de</strong> séance, la liste <strong>de</strong> vos diplômes,…<br />

5.2 Le cadre<br />

Le cadre va dépendre <strong>de</strong> la situation professionnelle du psychologue. <strong>La</strong> façon <strong>de</strong> pose le<br />

cadre sera également lié à :


10<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

- l’origine <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ? (le sujet, sa famille, l’institution,…) ; quel<br />

est l’objet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ? (motif <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>) qui peut recevoir cette<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> ?<br />

- au mo<strong>de</strong> d’exercice (libéral, public) ;<br />

- à l’institution au sein <strong>de</strong> laquelle on exerce (hôpital général ou psychiatrique,<br />

école, prison, centre <strong>de</strong> consultation,…) ;<br />

- au type d’entretien que l’on pratique.<br />

Le cadre inclut l’aménagement <strong>de</strong> l’espace, les horaires, les prix, les conséquences pratiques<br />

d’une absence, la clarification <strong>de</strong>s rôles (qui sommes-nous dans l’entretien ? Quel rôle jouons<br />

nous ?), la clarification <strong>de</strong>s buts et <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> (motif <strong>de</strong> la rencontre, résultat à atteindre,<br />

vérifier l’adhésion à la démarche, attentes ? Informations à rechercher ? la gestion du temps<br />

<strong>de</strong> la séance 8 , la fréquence <strong>de</strong>s rencontres, les objectifs <strong>de</strong>s rencontres (les définir en fonction<br />

<strong>de</strong>s besoins du patient).<br />

5.3 Les objectifs<br />

Les objectifs détermine la nature <strong>de</strong> l’entretien. Pour les cerner, il convient d’éclaircir<br />

l’origine <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.<br />

Quel est le résultat à atteindre à l’issue <strong>de</strong> l’entretien compte-tenu <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ? Comment<br />

saura –ton que cet objectif est atteint ? Quels sont les indices, les éléments d’observation<br />

(discours, comportements) qui permettront <strong>de</strong> reconnaître que les objectifs sont atteints ? Le<br />

résultat attendu est-il le résultat final ou constitue-t- il un objectif intermédiaire, une étape<br />

dans un long terme ?<br />

Il faut savoir adapter et développer <strong>de</strong>s stratégies pour atteindre ses objectifs : envisager<br />

divers scénarios d’action, maîtriser une gran<strong>de</strong> variété <strong>de</strong> comportements, d’attitu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong><br />

techniques, interagir.<br />

5.4 Synthétiser, Terminer l’entretien<br />

<strong>La</strong> synthèse rassemble les éléments d’informations traités pendant l’entretien. <strong>La</strong> conclusion<br />

rappelle le pourquoi et le comment <strong>de</strong> la rencontre. Elle propose à l’interlocuteur les résultats,<br />

essentiels <strong>de</strong> l’échange, elle permet aussi <strong>de</strong> vérifier que l’on est bien en phase, que chacun a<br />

tiré les mêmes conséquences <strong>de</strong> l’entretien. <strong>La</strong> conclusion reste une phase primordiale. Elle<br />

permet <strong>de</strong> clore la discussion, <strong>de</strong> resituer la démarche dans le contexte et d’éviter ainsi les<br />

interprétations erronées. Lorsque les propos <strong>de</strong>viennent redondants, l’entretien doit se<br />

terminer. On <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au sujet s’il ne voit rien d’important à ajouter (ce qui a parfois l’intérêt<br />

<strong>de</strong> faire repartir le discours sur <strong>de</strong>s points oubliés). Ne pas oublier <strong>de</strong> le remercier.<br />

5.5 Prise <strong>de</strong> notes et magnétophone<br />

Doit-on enregistrer l’entretien ? C’est le seul moyen d’avoir à la fois l’intégralité du discours<br />

et les contours du discours (ton, atmosphère) et également la part <strong>de</strong> suggestion <strong>de</strong> l’Ir.<br />

L’enregistrement restitue le déroulement et le langage <strong>de</strong> l’entretien. Il est difficile pour l’Ir<br />

d’assurer an même temps écoute attentive et positive, relances et prises <strong>de</strong> notes. L’Ir peut<br />

cependant prendre quelques notes pour mémoriser les thèmes abordés sur lesquels il pourra<br />

être utile <strong>de</strong> revenir.<br />

Le magnétophone est aujourd’hui un appareil banal. Si l’Ir est à l’aise avec lui, il saura le<br />

présenter naturellement comme allant <strong>de</strong> soi. <strong>La</strong> présence du magnétophone peut gêner, il<br />

peut y avoir <strong>de</strong>s modifications induites par l’enregistrement (pru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s propos, phrases<br />

bien faites,…) mais l’Ié oublie vite. Et rendre compte d’un entretien uniquement à travers une<br />

prise <strong>de</strong> notes ou une notation a posteriori introduit d’autres biais plus graves : perception<br />

8 Le moment <strong>de</strong> l’entretien dépend : <strong>de</strong> l’urgence du problème à traiter, <strong>de</strong> la charge <strong>de</strong> travail et du mo<strong>de</strong> d’organisation personnelle. On doit<br />

réserver le temps nécessaire pour discuter et examiner la situation avec calme et métho<strong>de</strong>. <strong>La</strong> durée <strong>de</strong> l’entretien est aussi fonction <strong>de</strong><br />

l’objectif poursuivi (moyenne <strong>de</strong> ¼ d’heure à une heure).


11<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

sélective <strong>de</strong> l’information, omissions, inexactitu<strong>de</strong>s, perte du détail du vocabulaire ou <strong>de</strong>s<br />

formulations.<br />

Néanmoins, il est <strong>de</strong>s cas où l’on se trouve n face <strong>de</strong> refus net <strong>de</strong> la part du sujet. Parfois,<br />

aussi, au cours <strong>de</strong> l’entretien, l’Ié <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à ce qu’on interrompe l’enregistrement pour un<br />

temps <strong>de</strong> révélation plus intime. En ce cas, on se plie à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.<br />

5.6 Retranscrire l’entretien<br />

Pour être soumis à un analyse, l’entretien sera retranscrit dans son intégralité, avec les<br />

hésitations, les défauts <strong>de</strong> langage (répétitions, fautes <strong>de</strong> syntaxe…) sans oublier les silences,<br />

leur durée, les rires, les interruptions. On pourra ainsi s’intéresser au contenu thématique <strong>de</strong><br />

l’entretien mais également au vocabulaire employé et à la syntaxe du discours, pointer les<br />

blocages etc.<br />

6. Les attitu<strong>de</strong>s et techniques ne facilitant pas l’expression <strong>de</strong> l’Ié<br />

(Poussin, 1994 ; Guittet, 1997)<br />

6.1 Le voyeurisme<br />

Tendance à obtenir le maximum <strong>de</strong> renseignements pour satisfaire la curiosité <strong>de</strong> L’Ir avec<br />

une tendance à oublier que l’Ié n’est pas un objet que l’on manipule.<br />

Ir : « Fermez vous la porte <strong>de</strong> votre chambre quand vous faites l’amour avec votre<br />

mari ? ».<br />

6.2 Le bavard et le sphinx<br />

Le bavard est l’Ir qui bombar<strong>de</strong> l’Ié d’une foule <strong>de</strong> questions et ne lui laisse pas placer un<br />

mot.<br />

Le sphinx est l’Ir qui questionne peu et reste figé, énigmatique. Il semble attendre que l’Ié<br />

parle <strong>de</strong> lui-même après un certain temps <strong>de</strong> silence pour permettre un travail d’élaboration <strong>de</strong><br />

L’Ié (cf . Stress Interview).<br />

6.3 Les présupposés<br />

Il s’agit <strong>de</strong> traits perçus chez l’Ié conduisant à <strong>de</strong>s constructions qui sont <strong>de</strong>s présuppositions.<br />

Ici la compréhension <strong>de</strong> l’Ié passe par l’idée que nous nous forgeons <strong>de</strong> lui à partir d’indices<br />

tels que sa profession, son habillement, les informations fournies par son entourage ou autres<br />

indices fournis pendant l’entretien et elle peut être l’objet <strong>de</strong> multiples distorsions dont nous<br />

n’avons pas conscience.<br />

6.4 Influence, persuasion, manipulation<br />

Dans tout entretien, il existe <strong>de</strong>s phénomènes d’influence.<br />

Pour qu’un message gagne en force <strong>de</strong> persuasion, il suffit <strong>de</strong> lui trouver une valeur <strong>de</strong><br />

démonstration en utilisant <strong>de</strong>s raisonnements et <strong>de</strong>s conclusions irréfutables. Le message <strong>de</strong><br />

l’Ir doit être cohérent ( les informations ne se contredisent pas entre elles) ; consistant (le<br />

message <strong>de</strong> l’Ir ne s’oppose pas aux messages précé<strong>de</strong>nts) ; congruent (pas d’équivoque entre<br />

l‘attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Ir et le contenu du message).<br />

<strong>La</strong> manipulation consiste à renforcer le pouvoir <strong>de</strong> L’Ir sur l’Ié. Elle consiste à déstabiliser<br />

l’Ié en provoquant une rupture, un changement radical, à détruire par <strong>de</strong>s réactions<br />

inattendues les équilibres d’un individu en prenant à revers ses attentes, ses habitu<strong>de</strong>s, ses<br />

croyances et ses valeurs. Dans ces situations, le contexte crée une attente <strong>de</strong> réponse et l’Ir<br />

s’attache à fournir à l’Ié une solution différente qui amène l’Ié à douter <strong>de</strong> sa propre logique et<br />

<strong>de</strong> ses propres idées.<br />

Dans un entretien, un personne préconise un métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail mais brusquement sans<br />

avertir en utilise une autre totalement différente (déstabilisation).


12<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

Confusion : Certains Ir en créant une confusion au moyen d’affirmations vagues, ambiguës,<br />

difficilement compréhensibles incitent l’Ié à se raccrocher à la première information<br />

compréhensible qu’il arrive à saisir et qu’on veut lui faire saisir.<br />

Disqualification : Faute <strong>de</strong> pouvoir réfuter le message <strong>de</strong> l’Ié, l’Ir cherchera à disqualifier l’Ié<br />

dans son rôle ou sa fonction. Les arguments sont exclus dans la disqualification.<br />

Ir : « Tout ce que vous dites est fort intéressant malheureusement vous n’avez pas la<br />

formation technique pour comprendre toute la réalité du problème ». « Quand vous<br />

aurez vingt ans d’expérience comme moi vous porterez un autre jugement ».<br />

Conditionnement et effets <strong>de</strong> répétition : Si on renvoie à l’Ié <strong>de</strong>s messages négatifs qui le<br />

dévalorisent, si on le confronte à <strong>de</strong>s actions face auxquelles il ne peut qu’échouer, il finira<br />

par douter <strong>de</strong> lui-même. L’Ir ne manquera pas alors <strong>de</strong> souligner ses doutes, ses inquiétu<strong>de</strong>s,<br />

renforcera ses images d’échec, <strong>de</strong> conflit pour dévaloriser et dominer.<br />

6.5 Ordonner, comman<strong>de</strong>r et déci<strong>de</strong>r<br />

Un Ir est d’autant plus influent qu’il accè<strong>de</strong> à un pouvoir qui dépend :<br />

a) <strong>de</strong> son statut : position <strong>de</strong> pouvoir et <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment ;<br />

b) <strong>de</strong> sa relation d’autorité : dans les rapports affectifs et amicaux ;<br />

c) <strong>de</strong> ses capacités <strong>de</strong> compétences et d’expertise : capacités à résoudre les problèmes<br />

posés qui lui donne un prestige qui renforce son influence ;<br />

d) <strong>de</strong> ses capacités d’analyse et d’anticipation : un Ir acquiert <strong>de</strong> l’influence s’il se<br />

montre capable <strong>de</strong> prévoir, d’imaginer <strong>de</strong>s solutions pour l’avenir ;<br />

e) <strong>de</strong> ses capacités <strong>de</strong> décision et d’acceptation du risque : déci<strong>de</strong>r, c’est réduire<br />

l’incertitu<strong>de</strong>, faire un pari sur les possibilités d’action ;<br />

f) <strong>de</strong> ses capacités <strong>de</strong> communication et <strong>de</strong> négociation : savoir faire passer <strong>de</strong>s<br />

messages.<br />

Ces différents pouvoirs vont avoir une inci<strong>de</strong>nce sur l’influence que peut exercer l’Ir sur<br />

l’Ié.<br />

Ir : « Vous ferez ceci et vous m’en rendrez compte ».<br />

6.6 Les « mauvaises » interprétations<br />

Les interventions se focalisent sur la cause du dire <strong>de</strong> l’Ié : on cherche le sens tel qu’il est<br />

constitué par l’intention du sujet parlant. Elles consistent à expliquer, donner <strong>de</strong>s raisons<br />

cachées du discours ou du comportement.<br />

Un Ir interprète sauvagement un comportement, une attitu<strong>de</strong>. Il explique la vérité<br />

inconsciente d’une action : tel geste positif est ramené alors à un simple sentiment <strong>de</strong><br />

culpabilité, au besoin <strong>de</strong> se faire pardonner.<br />

Ir : « Vous estimez qu’il faut que vous soyez en avant, quels que soient les efforts et<br />

les moyens pour y parvenir…».<br />

Remarque : Une telle recherche d’intentionnalité est presque toujours perçue par l’Ié comme<br />

une prise <strong>de</strong> pouvoir <strong>de</strong> l’interviewer sur son discours. Dans le cas où elle révèle <strong>de</strong>s<br />

intentions congruentes avec le contenu propositionnel <strong>de</strong> l’Ié (interprétation confirmatoire),<br />

elle entraînera un consentement <strong>de</strong> l’Ié qui se sent compris et favorisera alors la poursuite <strong>de</strong><br />

son élaboration mentale. Au contraire, si elle fait allusion à <strong>de</strong>s intentions non-congruentes<br />

avec les dires <strong>de</strong> l’Ié, elle sera à l’origine <strong>de</strong> résistances puisque l’Ié aura l’impression d’être<br />

compris et que ces propos sont déformés. Donc risque <strong>de</strong> limiter le discours. Retenons que les<br />

interprétations concerne toutes les interventions qui visent à exprimer une attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Ié non<br />

explicités.<br />

Conséquences sur l’Ié :<br />

Si l’interprétation est fausse ou prématurée :<br />

- Blocage : agressivité ;


- canalisation ;<br />

- justification.<br />

13<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

6.7 Les interrogations<br />

Attitu<strong>de</strong>s qui consistent à poser <strong>de</strong>s questions pour permettre a priori à l’autre <strong>de</strong> s’exprimer.<br />

Les questions à distribuer à doses homéopathiques « ont pour fonction d’appeler directement<br />

un registre discursif donnée à propos d’objets intégrés à la thématique traitée par l’Ié »<br />

(Blanchet, 1987). On cible ici, comme avec la consigne initiale, les propos <strong>de</strong> l’interviewé sur<br />

un <strong>de</strong>s thèmes donnés, et pour le moment, pas abordé.<br />

Bourdieu (1973) considère qu’« un <strong>de</strong>s effets les plus pernicieux <strong>de</strong> l’entretien et <strong>de</strong> l’enquête<br />

d’opinion consiste précisément à mettre les gens en <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> répondre à <strong>de</strong>s questions<br />

qu’ils ne se sont pas posées ».<br />

Remarque : Attention au type <strong>de</strong> question car elles peuvent bloquer la linéarité du discours<br />

et/ou amener Ié à répondre à une question alors qu’il n’a aucune idée sur ce que vous êtes en<br />

train <strong>de</strong> dire.<br />

Ir : « Est ce que cela vous intéresserait <strong>de</strong> passer quelques tests pour déterminer<br />

dans quelles branches vous pouvez espérer réussir le mieux ? Cela pourrait être d’un<br />

grand appoint pour vous ».<br />

<strong>La</strong> peur <strong>de</strong>s silences chez l’Ir peut également le conduire à poser <strong>de</strong>s questions pour combler<br />

les vi<strong>de</strong>s laissés par les silences.<br />

Petit exemple <strong>de</strong> l’effet pervers <strong>de</strong>s interrogations<br />

Exemple : <strong>de</strong>s cigognes (emprunté à Yzerbit, connaître et juger autrui)<br />

Imaginons dans un entretien quelqu’un (qui s’est présenté comme un démographe) qui nous dit en introduisant son thème d’étu<strong>de</strong> :<br />

« vous savez bien sûr que la nidification <strong>de</strong>s cigognes en Sibérie augmente…… aussi je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rai <strong>de</strong> m’indiquer si d’après<br />

vous la natalité humaine a augmenté dans cette région ? »<br />

Vous en train <strong>de</strong> répondre (il s’agit bien sûr d’un cas <strong>de</strong> figure) : « silence…. » (il va bien falloir répondre quelque chose à ce<br />

démographe…et sans doute autre chose que « je ne sais pas »)<br />

Mais comment répondre à cette question somme toute absur<strong>de</strong> (suis-je en train <strong>de</strong> me dire). Que ferions-nous face à ce<br />

démographe qui manifestement a l’air <strong>de</strong> s’y connaître et qui a l’air convaincu que nous disposons <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s informations<br />

nécessaires pour répondre à cette question ?<br />

Peut-être nous dirions-nous en nous même : l’information sur les cigognes n’a rien à voir avec le taux <strong>de</strong> natalité humaine, mais il semble a<br />

priori qu’il y en a un, sinon cet enquêteur nous aurait pas poser cette question. Il doit sûrement connaître son affaire, et nous répondrions<br />

peut-être finalement,<br />

-« ben euh, ça augmente aussi… » pour ne pas avoir l’air d’être trop bête.<br />

Conséquences sur l’Ié :<br />

- réponses superficielles par non approfondissement ;<br />

- manipulation consciente ou inconsciente ;<br />

- perception d’un harcèlement ;<br />

- canalisation.<br />

6.8 L’évaluation ou le jugement moral<br />

Attitu<strong>de</strong> qui consiste à formuler a priori un jugement positif ou négatif par rapport à ce que<br />

l’autre exprime ou à ce que l’autre fait.<br />

Ir : « Ce n’est pas bien d’avoir agi ainsi ».<br />

Ir : « Vous avez bien fait <strong>de</strong> partir ».<br />

Conséquences sur l’Ié :<br />

- blocage du discours du sujet qui se sent évaluer ;<br />

- canalisation.<br />

6.9 Les réponses solution au problème<br />

Attitu<strong>de</strong> qui consiste à proposer à l’autre, compte tenu <strong>de</strong> ce qu’il a exprimé, <strong>de</strong>s solutions ou<br />

<strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> solutions. C’est donc une attitu<strong>de</strong> qui a priori manifeste un intérêt pour<br />

l’autre.


Ir : « A votre place, je ferai cela, je vous conseille <strong>de</strong>… ».<br />

Conséquences sur l’Ié :<br />

- canalisation ;<br />

- superficialité <strong>de</strong> l’expression ;<br />

- démobilisation.<br />

14<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

6.10 Les réponses soutien-consolation<br />

Attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> soutien moral à la personne, L’Ir veut rassurer, apaiser l’angoisse. Elle implique<br />

que le sentiment <strong>de</strong> l’Ié n’est pas justifié ou que le problème n’est pas aussi sérieux qu’il se le<br />

représente.<br />

Ir : « Je sens que vous avez besoin <strong>de</strong> quelqu’un pour vous ai<strong>de</strong>r mais ce n‘est pas si<br />

grave, vous vous en sortirez vous verrez ».<br />

6.11 l’abolition <strong>de</strong>s distances entre Ir et Ié<br />

Que faire lorsque l’Ié 9 questionne l’Ir sur sa personne propre ?<br />

Il faut maintenir une distance nécessaire tout en conservant une relation positive avec l’Ié.<br />

On observe 2 réactions chez les Ir débutants :<br />

a) soit ils n’osent pas répondre (abolition <strong>de</strong> la distance et satisfaction illusoire pour<br />

l’Ié);<br />

b) soit ils font comme s’ils n’avaient pas entendu (manifestation flagrante <strong>de</strong> non écoute<br />

voire <strong>de</strong> refus d’écoute).<br />

Il faut simplement signifier que le message a bien été reçu et qu’on apprécie le souci <strong>de</strong> l’Ié<br />

pour l’Ir et rappeler les objectifs décidés en commun au début <strong>de</strong> l’entretien. On peut<br />

également rappeler que les éléments relatifs à la vie personnelle <strong>de</strong> l’Ir n‘étaient pas inscrits<br />

dans le programme.<br />

6.12 L’activisme thérapeutique<br />

Il faut éviter d’insister ou <strong>de</strong> trouver divers prétextes pour maintenir la relation coûte que<br />

coûte (relation <strong>de</strong> dépendance). Il est important <strong>de</strong> savoir si l’Ié est vraiment désireux <strong>de</strong> faire<br />

l’entretien, et <strong>de</strong> respecter son choix s’il souhaite ne plus venir en entretien.<br />

Bibliographie<br />

Blanchet, A., Gotman, A. (1992). L’enquête et ses métho<strong>de</strong>s : l’entretien. Paris : Nathan Université.<br />

Blanchet, A. (1997). Dire et faire dire : l’entretien. Paris : Armand Colin.<br />

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Kaufmann, J.C. (1996). L’entretien compréhensif. Paris : Nathan Université.<br />

Berthier, N. (1998). Les entretiens. In : N. Berthier, les techniques d’enquête. Paris : Armand Colin, 51-65.<br />

Guittet, A. (1997). L’entretien. Paris : Armand Colin.<br />

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37815 E 10.<br />

Poussin, G. (1994). <strong>La</strong> pratique <strong>de</strong> l’entretien clinique. Paris : Dunod.<br />

9 Recherche <strong>de</strong> proximité affective <strong>de</strong> l’Ié avec l’Ir.


Pour aller toujours plus loin…<br />

15<br />

Lydia FERNANDEZ<br />

Beaune, D., Réveillere, C. L’entretien clinique en psychopathologie.<br />

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Blanchet, A., Gotman, A. (1992). L’enquête et ses métho<strong>de</strong>s : l’entretien. Paris : Nathan Université.<br />

Blanchet, A. (1997). Dire et faire dire : l’entretien. Paris : Armand Colin.<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Cyssau, C. (1998). L’entretien en clinique. Paris : In Press Editions.<br />

Chiland, C. (1989). L’entretien clinique. Paris : PUF.<br />

Demazière, D., Dubar, C. (1997). Analyser les entretiens biographiques. L’exemple <strong>de</strong> récits d’insertion. Paris :<br />

Nathan. Essais & recherches.<br />

Ghiglione, R., Beauvois, J.L., Chabrol, C., Trognon, A. (1980). Manuel d’analyse <strong>de</strong> contenu. Paris Armand<br />

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Kaufmann, J.C. (1996). L’entretien compréhensif. Paris : Nathan Université.<br />

Mercuel, A. et al. (1999). Entretien et relation d’ai<strong>de</strong> dans <strong>de</strong>s situations psychiatriques ou psychologiques<br />

difficiles. Paris : Masson.<br />

Mucchielli, R. (1998). L’analyse <strong>de</strong> contenu <strong>de</strong>s documents et <strong>de</strong>s communications. Paris ESF éditeur.<br />

Poupart, J. L’entretien <strong>de</strong> type qualitatif : considérations épistémologiques théoriques et méthodologiques. In :<br />

Poupart J. et al., <strong>La</strong> recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et méthodologiques. Paris : Gaétan Morin<br />

Editeur, 173-209.<br />

Petit exercice pratique : après la lecture <strong>de</strong> ces fragments d’entretien, choisissez une <strong>de</strong>s 6 relances proposées.<br />

• Fragment d’entretien n°1 : Une femme <strong>de</strong> 37 ans parle <strong>de</strong> son travail :<br />

« je ne sais vraiment pas quoi faire. Ah ! je ne sais vraiment pas si je dois reprendre mon poste <strong>de</strong> standardiste…cela me porte tellement sur<br />

les nerfs, je peux à peine supporter…mais j’ai une stabilité et un bon salaire ; ou alors lâcher tout et faire ce qui m’intéresse réellement, en<br />

tous cas un travail plus varié mais cela aboutirait à débuter en bas <strong>de</strong> l’échelle avec un salaire très faible…Je ne sais pas si je pourrais le faire<br />

ou non… »<br />

1. pouvez-vous m’en dire davantage au sujet <strong>de</strong> ce qui vous intéresse maintenant ? c’est très important que nous y réfléchissions bien.<br />

2. Attention, avant que vous vous lanciez dans quelque chose <strong>de</strong> nouveau, il faudrait que vous soyez sûre que cela serait vraiment plus<br />

avantageux pour vous et que vous n’allez pas quitter la proie <strong>de</strong> l’ombre<br />

3. eh bien ! voyons, ce n’est pas désespéré, il s’agit <strong>de</strong> savoir dans quel service vous pourriez être mutée ; je peux vous ménager un entretien<br />

avec le chef du personnel.<br />

4. Votre embarras s’explique doublement : d’un côté vous hésitez à lâcher votre poste actuel, mais surtout vous ne savez pas quel autre<br />

emploi est susceptible <strong>de</strong> vous convenir<br />

5. Vous vous faites beaucoup trop <strong>de</strong> souci. Ce n’est pas en usant ainsi vos nerfs que vous résoudrez vos difficultés ; Il ne faut pas vous<br />

mettre dans cet état. Tout finira par s’arranger.<br />

• fragment d’entretien n°2 : un homme <strong>de</strong> 30 ans<br />

« j’ai un sentiment <strong>de</strong>s plus bizarres : quand quelque chose d’heureux m’arrive, eh bien je ne peux pas y croire, j’agis comme si ce l’était<br />

jamais arrivé, ça me tracasse ! je voulais un ren<strong>de</strong>z-vous avec <strong>La</strong>ure, j’ai tourné autour d’elle pendant <strong>de</strong>s semaines avant d’avoir assez <strong>de</strong><br />

cran pour lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un ren<strong>de</strong>z-vous…et elle a dit « oui ». Je ne pouvais pas y croire. Je ne pouvais tellement pas y croire que je ne suis<br />

pas allée au ren<strong>de</strong>z-vous. »<br />

1. Il faut être <strong>de</strong> votre âge, mon garçon et avoir une idée un peu plus réaliste concernant les femmes ; Ce sont aussi <strong>de</strong>s êtres humains,<br />

vous savez et elles désirent <strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>z-vous autant que vous.<br />

2. Cela vous paraît toujours irréel quand il arrive quelque chose d’heureux.<br />

3. Vous vous êtes sans doute dit avec tant <strong>de</strong> force que rien <strong>de</strong> bon ne pouvait arriver, que, lorsque cela se produit, il vous semble que ce<br />

n’est pas vrai.<br />

4. Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si ce sentiment d’irréalité ne serait pas associé à un moment particulier <strong>de</strong> votre vie. Voudriez-vous m’en dire<br />

davantage à propos <strong>de</strong> ce que vous vouliez dire… »quand quelque chose d’heureux m’arrive »<br />

5. Y a-t-il vraiment lieu <strong>de</strong> vous tracasser à ce sujet ? nous avons tous eu à triompher <strong>de</strong> sentiments ou <strong>de</strong> désirs bizarres. Je crois que<br />

vous en viendrez à bout.<br />

6. Je pense que cette expérience vous servira <strong>de</strong> leçon. <strong>La</strong> prochaine fois, vous <strong>de</strong>vez faire un effort pour accepter la bonne fortune.

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